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L’appropriation du territoire par la personne

1. Une mise en mots particulière du territoire : premiers constats

A. Quelques exemples de référence au territoire

Dès les débuts de cette recherche, plusieurs constats se sont imposés et ont servi de point de départ à la présente analyse.

Tout d’abord, dès que l’on commence à étudier la manière dont le « monde » du rap français est verbalisé, l’une des toutes premières choses que l’on remarque est la place prépondérante qu’y tient le territoire. Il suffit effectivement d’écouter un minimum de ce style musical pour se rendre compte que les rappeurs y font référence dans la très grande majorité de leurs chansons. On note également que ces territoires sont essentiellement des espaces en principe destinés à être des espaces publics. Il s’agit le plus fréquemment de leur département, leur ville, leur quartier, leur cité, leur rue168, parfois le bâtiment dans lequel se trouve leur

logement, voire uniquement son hall d’entrée169.

Les références au territoire sont très souvent citées dans les dédicaces que les rappeurs adressent à leur public en signe d’hommage car, comme l’explique Manuel Boucher, par ces dédicaces, ou Represent, « il s’agit d’associer son nom et son expression à des personnes que l’on respecte et que l’on fréquente, comme son posse, et son concept, mais aussi, et surtout, à

l'endroit et au quartier dans lequel on vit »170.

Avant de continuer le propos, quelques précisions terminologiques sont indispensables. D’après Hugues Bazin, le posse, comme le crew, n’est pas une exclusivité du rap, mais traverse tout le hip-hop. Ces deux termes viendraient de « la mythologie

nord-américaine, de la troupe des cow-boys justiciers à L’équipée sauvage »171. Posse et crew

n’expriment pas tout à fait les mêmes types de regroupement de pairs :

168 Que l’on se gardera bien de confondre, ainsi qu’il sera expliqué plus tard, avec LA rue.

169 Dans la mesure où, comme cela a été expliqué précédemment, le territoire est à entendre ici comme espace socialement approprié, cette remarque a toute son importance, et sera étudiée en détail dans la troisième partie.

170 Manuel Boucher, Rap, expression des lascars. Significations et enjeux du Rap dans la société française,

op.cit., p. 167.

171 Hugues Bazin, La culture hip-hop, op.cit., p. 97. L’auteur fait ici référence au film célèbre pour la performance de Marlon Brandon (László Benedek, 1953). Manuel Boucher donne une définition légèrement différente du terme « posse » : « Terme utilisé aussi bien dans le dance-hall que dans le hip-hop qui signifie le regroupement d’individus, d’amis, unis autour d’un concept, d’activités créatrices au sein du mouvement » (Rap,

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« Le “posse” (littéralement « troupe ») décrit un lien de solidarité entre personnes habitant le même quartier, la même zone géographique. Il ne porte pas obligatoirement de nom. Il est souvent constitué de deux

cercles ; les proches et le réseau élargi. »172

« Le crew (littéralement “équipe”) indique un resserrement de liens autour d’activités communément partagées (graff, rap, danse…). L’esprit

du groupe se coalise autour d’un nom, d’un sigle ou un logo. »173

Malgré ces différences, on utilise de plus en plus souvent l’un ou l’autre

indifféremment, généralement dans le sens de « famille élargie »174. Par ailleurs, toujours en

relation avec la notion de « famille élargie », il convient de préciser deux autres termes récurrents dans le rap français qui ne sont pas à entendre au sens couramment entendu en France. Tout d’abord, le terme « frère » n’évoque nullement les relations par le sang, mais de relations qui unissent certains jeunes entre eux. Cette expression traduit un esprit de solidarité d’abord propre à la vie dans les cités puis, par extension, propre à des groupes qui se forment sur la base d’un vécu partagé. Les « frères » évoqués dans le rap sont « frères de cité », « frères de galère », voire « frères d’une même classe d’âge ». David Lepoutre établit un lien entre l’apparition de l’expression « mon frère » dans les cités des banlieues et la venue des immigrés maghrébins rapatriés en France. D’après lui, ce terme appartiendrait au « style locutif propre à la culture maghrébine, popularisé depuis longtemps en France par les

populations rapatriées d’Algérie, dans l’expression rituelle « écoute, mon frère »175. Il

semblerait par ailleurs qu’en Afrique noire il soit souvent d’usage d’être frères lorsque l’on

appartient à une même ethnie176. Il en va de même pour le terme « cousin » que l’on entend

fréquemment dans le rap français et qui, en Afrique, englobe aussi bien la famille par le sang

que les amis177. Selon Patrick Mérand, « le terme cousin recouvre une réalité encore plus

vague que celui de frère. Être cousin de quelqu’un c’est surtout être son ami »178. Si l’on se

réfère à la remarque de David Lepoutre sur l’origine du terme « frère », il ne paraît pas

172 Hugues Bazin, La culture hip-hop, op.cit., p. 97.

173 Op.cit., p. 99.

174 Op.cit., p. 101.

175 David Lepoutre, Cœur de banlieue, codes, rites et langage, op.cit., p. 233.

176 Catherine Coquery-Vidrovitch, Odile Georg, Faranirina V. Rajaonah, Issiaka Mandé, Être étranger et

migrant en Afrique au XXème siècle : enjeux identitaires et modes d’insertion, volume II : dynamiques migratoires, modalités d’insertion urbaine et jeux d’acteurs, Paris, L’Harmattan, 2003, p. 20

177 Lamence Madzou, Marie-Hélène Bacqué. J’étais un chef de gang, suivi de Voyage dans le monde des bandes,

op.cit., p. 16.

178 Patrick Mérand, La vie quotidienne en Afrique noire à travers la littérature africaine, Paris, L’Harmattan, 2000, p. 163.

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illogique d’établir le même type de lien entre l’apparition du « cousin » dans ces mêmes cités et la venue d’immigrés africains en France.

Pour en revenir à l’usage de la dédicace, cette dernière s’étend à tous les « frères », c’est-à-dire aux personnes qui partagent la même situation sociale. En conséquence, il n’est pas rare de la voir s’adresser aux jeunes des cités ou des quartiers, voire aux départements. En règle générale, cela commence avant même que le rappeur ne commence à chanter. Dès son entrée sur scène, ou dès le début de la chanson, le chanteur adresse une dédicace à ses « frères » :

« Ça c’est pour les mecs de la rue »179

« C’est pour les mecs des blocs » 180

« C’est Noyau Dur pour tous les départements, toutes les banlieues, Tous les quartiers chauds » 181

« Kamelancien,

Pour tous les quartiers, les cités, les ZUP » 182

La dédicace peut être également incluse dans le texte lui-même (dans ce cas, on l’entend souvent dans le refrain) :

« C’est pour Paris, sa banlieue, et tous ses quartiers chauds » 183

« C’est le rap pour la rue, le rap pour les blocs, Le rap du bitume le rap tah la zone

Lève ton poing lève ton joint lève ton verre

Lève ta bière solitaire pour les sœurs pour les frères »184

179 Sinik, « Men in Block », La Main sur le Cœur, Up Music, 2005.

180 Psy 4 de la Rime, « Sale Bête », Block Party, La Cosca, 2002.

181 Noyau Dur, « Départements », Noyau Dur, format Dualdisc, Because Music, 2008.

182

Kamelancien , « Porte-parole du quartier», Traffic (compilation), Nouvelle Donne Music, 2007.

183 Noyau Dur, « Départements », op.cit.

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Bien souvent, la dédicace est directement lancée dans le titre du morceau ou dans celui de l’album : « Men in Block » 185 « Art de Rue »186 « Dans la ville » 187 « Hall Story » 188 « Mecs du hall »189 « Rap de la Rue » 190 « Quartier Attitude » 191 « Héritiers de la Rue » 192 « Made in Ghetto » 193

Les rappeurs ne se contentent pas d’exprimer un lien entre eux et leur territoire, ils associent également à ces territoires ceux de leurs fans qui sont issus des mêmes endroits qu’eux. Pour ce faire, ils utilisent souvent une métonymie :

« Dédicace à toutes les cités, à tous les quartiers, (…)

Dédicacé au 18ème, 19ème, au 13ème, tous les quartiers de Paris Aux banlieues Nord-Sud-Est-Ouest. Paix à toutes les cités. Marseille, à tous les gars du Sud c'est dédicacé.

185 Sinik, « Men in Block », op.cit.

186 Fonky Family, « Art de Rue », Art de Rue, Hors-série, volume 2, S.M.A.L.L., 2002.

187 Beat de Boul, Dans la Ville, Beat de Boul Pr, 2000.

188 SNIPER, « Hall Story », Gravé dans la Roche, East West France, 2003.

189 Sinik, « Mecs du hall », Artiste triste, Six O Nine, 2002.

190 El Matador, « Rap de Rue », op.cit

191 Le Rat Luciano, Quartier Attitude, Carole Monet Ravel, 2010.

192

Mo’vez Lang, Héritiers de la Rue, Flavor Records, 1999.

193 LIM, Bokou, Boulox, Zeler & Big Boss, « Made in Ghetto », Talents Fâchés, volume 4 (compilation), Because Music, 2009.

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Toulouse, cité Bagatelle, Bagdad représente !

Strasbourg, à tous les jeunes de Lyon, Lille, à tous l'Hexagone respect... » 194

« Dédicace à tous les blocs de béton, Banlieues Sud, Est, Ouest, Nord » 195

L’usage de la métonymie est intéressant car il permet ici de rendre compte de la force

du lien qui unit les rappeurs et leurs fans à leurs territoires196. En effet, l’usage de cette figure

de style donne une impression de fusion comme si, tel le sujet de la théorie de la médiation qui ne fait qu’un avec son environnement, ces jeunes ne faisaient qu’un avec le leur ; la suite de ce travail prouvera qu’il n’en est rien.

Les relations développées par les rappeurs avec leur territoire sont tellement fortes que leurs manifestations prennent des formes extrêmement variées. Parmi les différentes pratiques de « marquage » de l’espace en usage dans le monde du rap, l’une des plus frappantes est la manière dont certains de ces chanteurs attribuent, à eux-mêmes ou à leur territoire, un nouveau nom propre qui les lie à ce territoire.

Une petite précision s’impose à propos du terme « nom propre » qui est ici à comprendre au sens couramment entendu du terme, et non au sens entendu par Jean Gagnepain. Jean Gagnepain appelle « nom propre » tout nom « par soi approprié », c'est-à-dire tout nom qui fait partie de nos usages particuliers. Partant du principe que toute langue est nécessairement appropriée, par la force des choses tout mot de cette langue l’est également. Cela étant, une langue est également toujours commune, au moins partiellement, y compris dans son usage de ce que l’onomastique traditionnelle appelle des « noms propres ». Ainsi, les prénoms que nous donnons à nos enfants sont propres, certes, parce que généralement appropriés d’abord par nous, puis par eux et, d’une manière plus générale, par notre société. Cependant, étant donné le nombre de personnes qui partagent les mêmes prénoms, on peut aussi dire qu’ils sont communs. En conséquence, en suivant ce

194 Rocca feat. Raphael, « Sous un grand ciel gris », Entre Deux mondes, Barclay, 2002 [1997]. On parle de feat.

_ ou encore featuring, ou plus simplement ft. _, lorsqu’un rappeur invite un autre chanteur _ le plus souvent un

autre rappeur _ qu’il admire pour son travail, et / ou qui fait partie de son entourage musical, pour l’accompagner sur un morceau qu’ils auront éventuellement co-écrit.

195 IDEAL J, « Le combat continue, part 2 », Le Combat Continue, Arsenal, 1998.

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Toutefois, l’affirmation d’une réalité et la réalité en elle-même ne coïncidant pas toujours, la troisième partie de ce travail nuancera quelque peu la force affirmée de ce lien (voir passage intitulé « La fragile construction de l’être-ensemble », pp. 360-374.

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raisonnement, tout nom dit « commun » devient alors approprié, c’est-à-dire que l’on détient en propre. Il devient donc un nom propre, de la même manière que tout « nom propre » est

dans le même temps toujours un nom commun197. Bien que cette thèse s’appuie sur le modèle

proposé par la théorie de la médiation, pour des raisons de commodité, et sauf mention contraire, le terme « nom propre » sera dans ce travail toujours à entendre dans son sens courant.

Dans le rap français, il n’est pas rare qu’un rappeur renomme son territoire. Par exemple, en ce qui concerne Booba, « son » département des Hauts-de-Seine, devient le « 9

ze-dou »198, ou « 92 izi »199, au lieu du 92, dans le même temps que sa ville devient

« Boulbi »200 au lieu de Boulogne Billancourt. Les rappeurs marseillais du groupe IAM, quant

à eux, ont renommé leur ville Mars201.

Par ailleurs, cette pratique de la re-nomination ne s’applique pas uniquement au territoire, mais également aux rappeurs eux-mêmes. À quelques exceptions près, les rappeurs, comme de très nombreux autres artistes, ont un nom de scène qui leur permet de distinguer cette partie de leur vie des autres moments où ils gardent leur nom civil. Le choix d’un pseudonyme fait partie intégrante du rap :

« Le nom du rappeur est bien plus qu’un nom d’artiste, bien davantage qu’un simple plaisir ou qu’un désir de discrétion. C’est un masque, et il est obligatoire »202.

Dans ce monde musical, les pseudonymes ne sont pas les fruits du hasard, ils doivent faire sens. Les auteurs qui se sont penchés sur cette question soulignent tous l’importance du

choix du nom dans le monde du rap203. Un nom ne se choisit pas au hasard, il se calcule, il est

le résultat d’une réflexion et doit faire sens aux yeux des rappeurs. Selon Sébastien Barrio, il existe dans le rap deux manières différentes d’obtenir son pseudonyme. La première est de

197 Voir par exemple, Jean Gagnepain, Leçons d'introduction à la théorie de la médiation, op.cit., p. 150.

198 Booba, « Ma définition », Temps Mort, Musicast L’Autreprod, 2008 [2002]. « Ze-dou » étant la forme verlanisée de « douze », autrement dit le « 9 douze », c'est-à-dire son département, le 92.

199 Booba, « 92 izi », Ouest Side, format bonus, édition limitée, Barclay, 2006.

200 Booba, « Boulbi», Ouest Side, op.cit. « Boulbi » est en fait la contraction de Boulogne Billancourt par la juxtaposition des apocopes de Boulogne et de Billancourt. Il arrive parfois que Zoxea, alias Zoxzakopat, membre du groupe les Sages Poètes de la Rue, et membre du même collectif que Booba, appelle lui aussi sa ville Boulbi.

201 Mars étant l’apocope de Marseille.

202

Georges Lapassade, Philippe Rousselot, Le rap ou la fureur de dire, op.cit., pp. 90-91.

203 Georges Lapassade, PhilippeRousselot, Le rap ou la fureur de dire, op.cit. ; Jean Calio, Le rap, une réponse

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choisir un nom rappelant un personnage ou un héros populaire, en fonction de critères bien précis :

« Ce personnage a bien entendu un caractère qui lui est propre, une histoire, des caractéristiques, que le rappeur cherche à évoquer lorsqu’il se présentera par ce nom. Ces identités peuvent être des personnages de livres, de films, de séries télévisuelles, des hommes politiques

charismatiques ou révolutionnaires. »204

Parmi les rappeurs ayant probablement construit leur pseudonyme selon ce schéma, on peut noter Donkishot, Jo Dalton, Keny Arkana, L.A.S Montana, Alibi Montana, Nemo, Merlin, Don Diego, Matt Houston, Black Tom Cassidy (du groupe les X-men). À ces personnages, s’ajoute également des références à d’autres artistes, comme Niro, Pac’ino,

James Deano, Alino Tarantino, Bram’s, MC Jean Gab'1205, Tonio Banderas, ou des sportifs,

comme Mohamed Ali, Tyson, Alonzo.

« La seconde manière de choisir un pseudonyme est de reprendre le surnom dont on

est affublé dans le quartier ou dans la vie de famille »206, explique Sébastien Barrio. Pour

preuve, l’auteur cite un rappeur du nom de Papi Fredo avec lequel il s’est entretenu :

« Je suis rentré dans un groupe, le gars il m’a donné un surnom Papi Fredo parce que j’avais une casquette de grand père et après c’est

parti… »207

C’est aussi le cas de Kamelancien, que son entourage appelait « l’ancien », d’El Matador, que son entourage qualifiait de « tueur » parce que, pour parvenir à ses objectifs, il

pouvait faire preuve d’une détermination à toute épreuve208.

Un inventaire rapide des pseudonymes rapologiques montre que bon nombre d’entre eux sont également en relation directe avec le territoire. C’est ainsi que le groupe Psy 4 de la

204

Sébastien Barrio, Sociologie du rap français. État des lieux (2000 / 2006), op.cit., p. 184.

205 Le rappeur reconnaît avoir choisi ce pseudonyme en l’honneur de Jean Gabin qui a joué le rôle de « Charles, ancien braqueur » dans Mélodie en sous-sol, d’Henri Verneuil, (1963) ; Charles est le véritable prénom du chanteur qui a autrefois appartenu au gang Les requins vicieux qui s’est rendu tristement célèbre dans les années quatre-vingt dix. Il précise toutefois qu’il a également été séduit par le terme allemand « gab ein » qui se traduit par « inspira » ou « a inspiré » (« Mc Jean Gab’1 », http://www.afro-style.com/artistes/mc_jean_gab1.php, consulté le 10 mars 2015).

206 Sébastien Barrio, Sociologie du rap français. État des lieux (2000 / 2006), op.cit., p. 184.

207 Ibid.

208

Le « tueur » est ici à entendre comme quelqu’un « qui en veut » et qui fera tout ce qui est son pouvoir pour atteindre les objectifs qu’il s’est fixés. Ces informations m’ont été données par les intéressés lors d’un entretien au festival Cité Rap, à Saint Brieuc, respectivement les 01 novembre 2008 et 03 novembre 2007.

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Rime se prétend « Prince du bitume »209, que le pseudonyme de Booba est le Duc de

Boulogne210, alors que, de son côté, Zoxea, du groupe Les Sages Poètes de la Rue, a pour

second pseudonyme le King de Boulogne (Zoxea-KDB)211, et Dany Dan, du même groupe

s’autoproclame Pape de Boulogne212. De plus, le collectif dont font partie ces deux rappeurs

s’appelle le Beat de Boul. Dans ce même collectif, on note également le groupe Mo’vez Lang constitué de quatre rappeurs originaires de la cité du Pont de Sèvres à Boulogne, et dont l’un des MCs se nomme Boulox Force, dit Boulox. Par ailleurs, l’un des membres du groupe Idéal J (pour Ideal Junior, en raison de leur jeune âge à l’époque de la naissance du groupe) se nomme Selim du 9.4. Enfin, le groupe 113 (auparavant 113 Clan) doit son nom au numéro du

bâtiment dans lequel ils ont passé leur jeunesse, cité Camille-Groult à Vitry-sur-Seine213. Il

arrive que le territoire ne fasse pas référence à une ville à proprement parler mais à un territoire plus large, bien souvent en relation directe avec le rap en général ; ainsi, un duo de rappeurs havrais a décidé de se nommer Ness & Cité, un collectif de la banlieue nord de Paris

s’appelle Ghetto Fabulous Gang, alors que le 19ème arrondissement de Paris a vu naître le

collectif LDR, acronyme de Langage de Rue. Ces pseudonymes peuvent également manifester des inscriptions dans d’autres territoires que ceux dans lequel leur quotidien s’actualise. C’est par exemple le cas de L’Algerino, Tunisiano, El Sarazino, L’émir El K*, La Harissa, Akhénaton, Kheops, Kephren, Imothep, Shurik’n (Shuriken), Ménélik, les Nèg’ Marrons, NAP (acronyme de New African Poets). C’est aussi le cas de Médine qui, pourtant, porte son vrai prénom en guise de pseudonyme. Si ce prénom est la contraction, voulue par

son père, de Medhi et d’Eddine, il est fier d’y voir rappelées ses origines214. Ceci explique

sûrement pourquoi, sur ses pochettes d’album, le « i » de son prénom est représenté par un minaret.

Bien que cette pratique soit toujours fortement en usage dans le rap français, une remarque s’impose. Le véritable prénom civil est de plus en plus présent dans le pseudonyme : par exemple, le rappeur LIM a choisi ces trois lettres en guise de pseudonyme parce que ce sont les trois dernières lettres de Salim, son véritable prénom ; Seyfu et Rim-K

209 Psy 4 de la Rime, « Repère les collabos », Block Party, op.cit.

210 Ce qu’il confirme dans un de ces rap : « Le Duc de Boulogne », Ouest Side, op.cit.

211 Il arrive par moments que KDB prenne le pas sur Zoxea ou Le King de Boulogne. Ainsi, son label s’appelle