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SECONDE PARTIE : ÉTAT DE LA RECHERCHE

III. Mise en place des cadres chrono-culturels régionaux

L'augmentation des découvertes au cours du XXe s. a autorisé les archéologues à formuler de nouvelles hypothèses et théories susceptibles d'expliquer la distribution des divers types de vestiges sur le territoire. Les réflexions se sont concentrées sur la chronologie des faits observés, aboutissant à l'identification de phases traduisant des phénomènes de changements ou de continuité. La reconnaissance de faciès de mobilier, conjugués aux facteurs de répartition géographique, a également entrainé la caractérisation de groupes culturels. Chaque nouvelle découverte incitant à une redéfinition des cadres théoriques, les archéologues régionaux ont fait évoluer le sens que recouvre la notion de "groupe culturel" en même temps que l'identification des phases chronologiques régionales du Premier âge du Fer221.

III.1. Le diffusionnisme des premières synthèses du XXe s.

Après la publication des travaux de J. Déchelette au début du siècle, on a tenté de rattacher les découvertes archéologiques de l'âge du Fer aux grandes étapes de la protohistoire européenne récente.

A. Schülten est le premier à se saisir de cette problématique. À l'occasion de la publication en 1914 de ses travaux consacrés au site de Numance, l'archéologue allemand compile les textes des auteurs grecs et romains concernant les populations celtiques du nord de l'Espagne222. À partir d'une étude linguistique, il cherche à percer l'ethnogenèse du peuple celtibère. Il formule alors un récit dans lequel des Celtes d'Europe centrale auraient quitté leur région pour occuper le nord de la péninsule à la fin du Hallstatt, vers le VIe s. a.C. Confrontés à l'avancée des Ibères par l'est, ces Celtes auraient été contraints de se déporter à l'ouest, exportant avec eux leur culture dans le reste de la péninsule. Entre les années 1920 et 1940, P. Bosch Gimpera, tentera de donner une réalité archéologique à ces hypothèses223. Son approche consiste à rapprocher des toponymes actuels les noms des peuples connus au IIIe s. a.C., puis à remonter à leurs origines géographiques par les indices archéologiques. De cette façon, il attribue l'apparition des sépultures des "Champs d'Urnes"224 du nord-est espagnol à une

221 Dans cette partie, nous nous concentrerons essentiellement sur les grandes étapes de la mise en place des cadres théoriques de l'archéologie régionale. De fait, nous ne reviendrons pas sur l'historiographie plus générale de la protohistoire européenne, notamment sur les débats d'idées ayant abouti à la bipartition de l'âge du Fer et ses subdivisions internes. Pour des informations détaillées sur ces sujets, nous renvoyons le lecteur vers d'autres ouvrages : Brun 1986 ; Kaenel 1990 ; Büchsenschutz, dir. 2015.

222 Schülten 1914.

223 Bosch Gimpera 1921 ; Bosch Gimpera 1941.

224 Il s'agit de sépultures à incinération dont les cendres du défunt sont rassemblées dans une urne qui est déposée dans une fosse à même le sol. La présence dans certains cas d'une stèle ou d'une structure périphérique en pierre

73 première vague d'invasion celtique venue d'Europe centrale (en Lusace : nord-est de l'Allemagne, Pologne et République Tchèque), qu'il date autour de 900 a.C. (fig. 12). Entre 800 et 600 a. C., une seconde vague voit de nouvelles populations hallstattiennes de la région de Gündlingen (Bade-Wurtemberg, Allemagne), porteuses de la céramique excisée, coloniser la vallée de l'Èbre et la Meseta après avoir traversée l'Aquitaine et les Pyrénées occidentales. Leur développement culturel à partir du VIe s. a. C. marquerait le début de la période "post-hallstattienne". Au gré des nouvelles découvertes, Bosch Gimpera modifie sensiblement son modèle chrono-culturel et ajoute deux autres vagues d'invasion. La troisième serait le fait de Germains autour du 600 a.C. alors que la dernière, située vers 550 a.C., voit l'installation des "véritables" Celtes tels qu'ils sont connus durant toute la période laténienne.

Dans les années 1940, G. Fabre s'appuie sur les propositions de Bosch Gimpera pour étudier les peuples du sud-ouest de la France225. Par la suite, elle est amenée à synthétiser ses hypothèses dans sa thèse de 1952 intitulée Les civilisations protohistoriques de l'Aquitaine226. Ce travail, qui se fonde en grande partie sur l'analyse des nécropoles du sud girondin, des Landes et des Pyrénées occidentales et centrales, constitue le tout premier découpage chronologique et culturel de l'Aquitaine. L'étude des vestiges lui permet de reconnaître trois phases distinctes pour le Premier âge du Fer (fig. 12). La première, datée de la fin du VIIe et du début du VIe s. a.C., voit l'invasion des peuples des "Champs d'Urnes" venus d'outre Rhin, comme chez Bosch Gimpera. Toutefois, G. Fabre propose qu'une branche issue de ce groupe se soit installée dans la vallée de la Leyre (Gironde), évitant scrupuleusement l'Aquitaine méridionale. Entre la fin du VIe et le Ve s. a. C., les peuples celtes du Rhin s'établissent dans toute la France mais n'occupent que ponctuellement le Sud-Ouest. Enfin, le passage au Seconde âge du Fer est marqué par la remontée des populations hallstattiennes de la vallée de l'Ebre en Aquitaine par les Pyrénées centrales. Ces peuples fondent alors la période la plus flamboyante de la culture hallstattienne qui hérite du nom de "Hallstatt prolongé". Cette période, représentée notamment par les tumulus d'Avezac-Pratt, du plateau de Ger ou du Pont-Long, voit la subsistance du faciès hallstattien mêlé à un fond culturel local entre le Ve et le IIe s. a. C227.

permet la signalisation à la surface du dépôt funéraire. Le terme de "Champs d'Urnes" a été défini en Allemagne (Urnenfelder) au début du XXe s. Il rend compte de la généralisation de ce rite funéraire au Bronze final et peut caractériser tout autant un peuple distinct qu'une culture matérielle selon les auteurs qui y ont recours. Pour plus d'information sur la genèse du terme "Champs d'Urnes", voir dans : Brun 1986.

225 Fabre 1943 ; Fabre 1946.

226 Fabre 1952.

74

Figure 12 :Modèles "invasionnistes" de P. Bosch Gimpera (1940) et de G. Fabre (1952) pour le Premier âge du Fer.

Les travaux de A. Schülten, P. Bosch Gimpera et G. Fabre ont en commun l'idée selon laquelle tout changement observé s'explique nécessairement par des causes extérieures au fait étudié. Ce schéma de pensée découle du basculement de la réflexion théorique opéré durant la seconde moitié du XIXe s. qui voit progressivement l'abandon des réflexions héritées de l'évolutionnisme anthropologique qui postulait alors que toute civilisation passe, au cours de son histoire, par les mêmes étapes de développement. Cette conception de parallélisme et de loi d'évolution convergente qui fait que chaque société connaît des stades évolutifs similaires est remplacée peu à peu par l'idée de diffusion de traits culturels entre civilisations ou groupes humains. Popularisée sous le nom de "diffusionnisme" par l'archéologue G. Childe au début du XXe s., cette théorie conduit donc à percevoir toute innovation technologique ou stylistique par l'influence d'un centre producteur. Cette influence peut s'expliquer par l'installation de nouvelles populations dans un groupe ou par des migrations guerrières sur le modèle des "invasions barbares". Ces idées sont déjà décelables dans les travaux des archéologues régionaux antérieurs, notamment lorsque E. Piette et J. Sacaze écrivent en 1879 que les tertres d'Avezac-Prat sont des :" […] tombeaux de la race envahissante" venue de Belgique228, ou lorsque B. Peyneau assimile les sépultures de la vallée de la Leyre à celle du peuple des Boïens de Cisalpine et de Bohême229.

Un autre fait marquant dans ces synthèses est la référence constante aux populations d'Europe continentale. Ce constat s'explique pour deux raisons. La première est que ces régions

228 Piette & Sacaze 1979, 517.

75 d'Europe ont très tôt fourni de nombreux vestiges protohistoriques dits "spectaculaires", entraînant alors une concentration des recherches et ainsi des avancées théoriques pour ces territoires. Deuxièmement, dans ses importantes publications, J. Déchelette substitue aux termes "Premier" et "Second" âge du Fer utilisés jusqu'alors les périodes de "Hallstatt" et de "La Tène". Ce faisant, cette terminologie remplace une valeur uniquement chronologique par une autre dans laquelle se trouvent mêlées des notions chronologiques, typologiques et surtout culturelles. En réutilisant les termes de Déchelette, les archéologues régionaux sont conditionnés à chercher des parallèles avec des vestiges issus de cultures nord-alpines, se demandant en quoi leurs découvertes sont similaires à celles de la culture de Hallstatt. Dans ce cadre, les changements observés dans la culture matérielle régionale et les similitudes rencontrées avec les objets d'Europe continentale ne peuvent s'expliquer que par la présence effective des détenteurs de cette culture d'origine sur un territoire éloigné. Peu à peu s'opère un glissement sémantique dans lequel les vestiges archéologiques ne sont plus liés à une culture qui se partage, mais à un peuple ou une ethnie, immuable. La définition de ces ethnies se cristalliserait notamment par leurs rites funéraires. Sur la distinction entre nécropoles tumulaires et nécropoles de tombes "plates" ; c’est-à-dire de "Champs d'Urnes", J. Déchelette avait déjà eu l'occasion de s'exprimer : "L'adoption de la tombe plate fut peut-être la

conséquence de l'établissement des tribus sur un territoire conquis" puis d'ajouter : "Les grandes nécropoles à tombes plates, particulièrement en Champagne, dans la Bohême du nord comme dans la Gaule Cisalpine, appartiendraient à des tribus conquérantes, originaires des divers districts à tumulus hallstattiens"230. Le rite des "Champs d'Urnes", lié à une ethnie, est dissocié d'un simple facteur chronologique et l'on parle ainsi de "peuple des Champs d'Urnes". Les archéologues s'appliquent alors à retracer l'itinéraire de ce peuple à travers le territoire à l'aide de vestiges distinctifs. On peut aussi percevoir dans cette démarche la volonté d'associer tout changement à un grand récit historique dans lequel des peuples tiennent un rôle de choix, ce que J.-P. Mohen qualifiera plus tard de "protohistoire événementielle"231.

Le corollaire du modèle "invasionniste" est le retard culturel permanent des zones extérieures aux cultures nord-alpines d'origines, suivant la notion de "centre-périphérie". Dans cette optique, il faut attendre l'arrivée de nouvelles invasions pour qu'apparaissent des changements technologiques, stylistiques ou culturels. Cette notion de retard s'illustre parfaitement par la proposition de "Hallstatt prolongé" de G. Fabre qui conclut qu'en l'absence de nouvelle invasion, l'Aquitaine continue d'être imprégnée d'un faciès hallstattien jusqu'au IIe s. a.C., là où le reste de la Gaule participe à la culture de La Tène. De plus, les synthèses

230 Déchelette 1914c, 1015.

76 proposées par les auteurs de la première moitié du XXe s. sont grevées par la faiblesse documentaire de leur époque. Au rare vestiges disponibles s'ajoute la qualité déplorable des données à leur disposition. Les contextes sont rarement connus et les ensembles funéraires auxquels ils se réfèrent ne sont compris qu'à l'échelle du site ou, au mieux, d'un tumulus. Dans ce cadre la documentation a constitué un frein à la compréhension des cadres chronologiques. Ces lacunes s'expriment notamment dans la tripartition de la période comprise entre les VIIIe et IIe. s. a.C. par G. Fabre. L'absence à cette époque de vestiges attribuables aux IVe et IIIe s. a.C. en Aquitaine a assurément contraint l'auteure à l'identification du "Hallstatt prolongé".

Ainsi, les hypothèses proposées par les auteurs de ces premières synthèses, fortement ancrées dans leur époque d'un point de vue théorique, pêchent également par leurs lacunes documentaires.

III.2. La redéfinition des modèles théoriques des années 1950-1980

L'augmentation significative des découvertes entre les années 1950 et 1980 met peu à peu en lumière les inadéquations entre les modèles théoriques des précédentes synthèses et les observations de terrain. Ces manquements apparaissent particulièrement criants lorsque O. et J. Taffanel publient les résultats des fouilles engagées en Languedoc, qui invitent à redessiner les rythmes d'apparition des faciès culturels232. C'est également durant ces décennies que les problématiques de recherches et les modèles chrono-culturels français et espagnols empruntent des voies divergentes.

III.2.1. L'essor de la pensée évolutionniste en France

La publication des travaux de J.-P. Mohen et A. Coffyn en 1970 concernant des nécropoles de la vallée de la Leyre peut constituer un premier jalon dans le remodelage des phases chronologiques et culturelles du sud-ouest de la France233. À partir du matériel laissé par B. Peyneau à la fin des années 1920, les auteurs parviennent à distinguer trois phases chronologiques comprises entre 750 et 450 a.C234. Ils abandonnent totalement la notion de "Hallstatt prolongé" de G. Fabre qu'ils rattachent à une phase finale du Premier âge du Fer. Celle-ci débuterait vers 540 a.C. et prendrait fin "à l'arrivée de guerriers de La Tène I, vers

450"235. Les rites funéraires sous tumulus et des "Champs d'Urnes" sont redéfinis.

232 Taffanel & Taffanel 1948 ; Taffanel & Taffanel 1962 ; Taffanel & Taffanel 1973.

233 Mohen & Coffyn 1970.

234 Mohen & Coffyn 1970, 120-123.

77 Chronologiquement, ils observent que les premiers sont antérieurs aux seconds. Enfin, l'association idéologique entre rites funéraires et ethnies est abandonnée : les différences entre des groupes locaux n'ont plus de liens avec des invasions externes. En reprenant les hypothèses émises par L. Taffanel pour le Languedoc236, J.-P. Mohen et A. Coffyn associent le rite des "Champs d'Urnes" à une population sédentaire. Les tumulus, quant à eux, témoigneraient de la présence de communautés pastorales semi-nomades et guerrières237.

La redéfinition de la notion de "Champs d'Urnes" est également présente à la même période dans les travaux de J. Guilaine238. Dans sa thèse intitulée L'âge du Bronze en Languedoc

occidental, Roussillon, Ariège, il substitue à la notion d'invasion la notion d'acculturation via

des relations de proche en proche. De fait, lorsqu'il identifie le faciès culturel de Mailhac I correspondant au Bronze final III, il intègre l'apparition du rite des "Champs d'Urnes" à un processus interne aux populations locales sur lequel se surimposent des influences méditerranéennes. Il préconise alors de remplacer le terme de "Champs d'Urnes" par celui de "nécropoles à incinération" afin d'éliminer toute valeur ethnique et "invasionniste"239. Le travail de J. Guilaine participe activement à l'émergence d'une pensée néo-évolutionniste en archéologie protohistorique qui s'oppose à la mouvance diffusionniste précédente. Dans ce cadre théorique, les similitudes constatées entre deux régions s'expliquent principalement par des échanges culturels ou commerciaux. Il évince le facteur de déplacements de populations comme seul modèle interprétatif et évacue également toute notion de retards technologiques ou stylistiques liés aux distances géographiques entres les populations, promouvant au contraire une forme de synchronisme culturel. Dans cette optique, J. Guilaine identifie en Languedoc des courants d'échanges illustrés au Bronze final III et au Premier âge du Fer par les épingles et les fibules mises au jour à Mailhac. Ces contacts ne sont pas perçus comme unilatéraux mais plutôt comme des phénomènes de réciprocité, ainsi qu'en témoignent les similitudes entre les haches et les racloirs de la façade Atlantique et ceux découverts dans les dépôts launaciens240.

C'est dans la continuité de ces recherches que J.-P. Mohen publie son importante synthèse en 1980241. S'appuyant sur une base documentaire issue de 239 sites funéraires répartis

236 Louis et al. 1958.

237 Mohen & Coffyn 1970, 126.

238 Guilaine 1972.

239 Guilaine 1972, 342.

240 Guilain 1972, 344 ; le terme de "dépôt launacien" désigne des dépôts terrestres non funéraires richement pourvus en mobilier métallique (essentiellement des parures, des outils ou des lingots) qui ont été enfouis dans le dernier tiers du VIIe ou les deux premiers tiers du VIe s. a.C. L'aire géographique de ces gisements caractéristique recouvre Languedoc, l'Arigère et le Roussillon. Ce terme a été inventé par P. Cazalis de Fondouce à la suite de la découverte éponyme de Launac à Fabrègues (Hérault) en 1897. Parmi la riche bibliographie sur le sujet, voir la publication synthétique : Verger 2013a.

78 sur les régions d'Aquitaine, de Poitou-Charente, du Limousin, et de Midi-Pyrénées, il redessine les cadres chrono-culturels du Premier et du début du Second âge du Fer du sud-ouest français. À l'aide d'une analyse factorielle des typologies céramique, soutenue par la répartition du mobilier métallique, J.-P. Mohen identifie neuf groupes culturels régionaux (fig. 13). Ces groupes trouvent leurs sources dans des dynamiques internes ne faisant plus intervenir des causes exogènes. À la manière de J. Guilaine, il amoindrit les influences d'Europe continentale au profit de celles venues du Languedoc et de l'Espagne242. La reconnaissance d'évolution des faciès culturels à l'intérieur de chacun des groupes lui permet de leur attribuer un premier niveau de division chronologique. Puis, la synthèse de l'ensemble de ces données lui offre l'opportunité de construire une périodisation générale pour l'ensemble du territoire étudié. Partitionné en cinq périodes, le phasage de J.-P. Mohen court entre 750 et 200 a.C.

Cependant, la caractérisation de ces phases n'est pas sans poser problème à l'auteur dans la mesure où elles n'apparaissent pas toutes clairement dans chacun des groupes culturels. Il pense discerner une période 0 attribuable à la fin de l'âge du Bronze mais il est contraint de l'annuler en l'absence d'indices attribuable à l'ensemble du territoire. Sa période I, datée de 750 à 650 a.C., reste également mal définie puisqu'elle peut exprimer le début du Premier âge du Fer ou le prolongement diffus de faciès caractéristiques de la fin de l'âge du Bronze selon les zones géographiques étudiées. Enfin, si sa période IV, qui couvre un siècle et demi (550-400 a.C.), élimine la notion de "Hallstatt prolongé" en accord avec des résultats de l'étude des nécropoles de la vallée de la Leyre réalisée précédemment, elle peine toujours à identifier une période de transition entre le Premier et le Second âge du Fer. Cette périodisation souffre encore du manque de données de terrain à l'époque pour les périodes de transition du Premier âge du Fer. Ces lacunes se retrouvent dans la caractérisation des groupes culturels. Ces derniers sont surtout définis par plusieurs faciès céramiques pouvant constituer un faciès culturel plus général243. Par exemple, le groupe pyrénéen se compose de quatre sous-groupes (Ger, Lannemezan, Haute-Garonne et Pays Basque). Toutefois, ces sous-groupes, fortement liés à un espace géographique, sont principalement établis par l'absence de données entre ces entités. Ainsi, les groupes culturels de J.-P. Mohen reflètent autant l'activité archéologique régionale que de réels faciès culturels. Toutefois, cette synthèse servira de cadre de références pendant de nombreuses années dans la région et les travaux qui suivront dans les années 1980, portant sur des zones plus localisées, réemploieront en grande partie les résultats de J.-P. Mohen. C'est notamment le cas des recherches de R. Boudet sur l'âge du Fer récent dans le sud de l'estuaire

242 Mohen 1980, 107, fig.105.

79 girondin244. Centré sur le Second âge du Fer, son phasage chronologique débute par un horizon ancien correspondant à la fin du Premier âge du Fer. Datées de 550/540 à 410/390 a.C., les bornes de cet horizon sont quasiment identiques à la phase IV de J.-P. Mohen et se définissent dans les mêmes termes. Plus à l'Est, J.-M. Séguier présente en 1989 un mémoire universitaire portant sur l'occupation du sol au sud albigeois (Tarn) à l'âge du Bronze et au Premier âge du Fer245. Dans ce travail, l'auteur conclut à une pérennité des modèles d'implantation des populations au cours de la "transition Bronze-Fer" sans que se dessine de rupture claire dans la culture matérielle avant le VIIe s. a.C. Les changements observés tels que l'augmentation des productions métalliques et des faciès céramiques sont liés à des évolutions internes ne faisant pas appel à des remplacements ou invasions de populations exogènes.

Durant le troisième quart du XXe s., la redéfinition des cadres chronologiques mise en place grâce à une documentation plus riche, est marquée par une approche évolutionniste identifiant des dynamiques exclusivement internes aux population étudiées. Débarrassée de la recherche d'ethnies et de leurs mouvements, la question du "peuple des Champs d'Urnes" est abandonnée au profit d'une simple reconnaissance rituelle nommée "rite d'incinération en fosse" ou "rite d'incinération en tombe plate"246.

244Boudet 1987.

245 Séguier 1989.

246 Le terme de "Champ d'Urnes" et la notion de peuple qui s'y rattache est également écarté par une grande partie des protohistoriens français, suisses et allemands. Le phénomène s'intègre alors dans la culture Rhin-Suisse-France orientale (R.S.F.O) dont il constitue l'un des critères de distinction parmi d'autres : Büchsenschutz, dir. 2015, 78.

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Figure 13 :Limites des groupes culturels aquitains de J.-P. Mohen (d'ap. Mohen 1980, fig. 1, 13).