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CHAPITRE 3 – LA STRUCTURE ORGANISATIONNELLE DANS LAQUELLE

3.1 Mise en contexte de l’analyse des données

Avant d’amorcer la présentation et la discussion analytique de cette recherche, il importe d’abord de rappeler quels sont les deux objectifs de recherche auxquels ce mémoire tente de répondre. Nous souhaitons mieux comprendre l’ensemble du processus entourant la rédaction des rapports prédécisionnels. Pour ce faire, nous souhaitons, d’abord, brosser un portrait du contexte bureaucratique dans lequel les délégués à la jeunesse exercent leur rôle de rédacteur de rapports prédécisionnels (objectif no 1). Par ailleurs, nous souhaitons

également documenter les composantes internes du rapport prédécisionnel (celles prescrites par la Loi sur le système de justice pénale pour adolescents) et les composantes externes (celles qui ne sont pas prescrites par la LSJPA) qui peuvent intervenir dans le choix des recommandations de sentence (objectif no 2).

Rappelons que la Loi sur le système de justice pénale pour adolescents est une loi fédérale qui concerne les jeunes de 12 ans à moins de 18 ans accusés d’avoir commis une infraction au Code criminel canadien. Lorsqu’il est jugé nécessaire selon la nature et la gravité du délit, le tribunal peut, ou doit dans certains cas (ex. : crimes graves contre la personne), demander la rédaction d’un rapport prédécisionnel avant de prononcer une peine à l’égard d’un adolescent. Ce rapport permettra d’éclairer le juge sur la situation de l’adolescent. À cette étape, la culpabilité du jeune a été établie devant le tribunal pour un ou plusieurs délits et le juge doit rendre une décision. Un délégué à la jeunesse est alors mandaté par le tribunal pour effectuer cette évaluation. Pour réaliser le rapport prédécisionnel, le délégué à la jeunesse devra, entre autres : prendre connaissance du dossier, effectuer une collecte des données, rédiger son rapport, déterminer les recommandations sur la peine appropriées et effectuer les représentations nécessaires au tribunal, s’il y a lieu. De manière plus précise, le délégué à la jeunesse utilisera diverses sources d’information pour collecter des données. D’abord, il convoquera l’adolescent et ses parents en entrevue (ensemble ou de manière individuelle). Ensuite, il communiquera

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avec la ou les victimes pour recueillir des commentaires, discuter des torts causés et connaître leur désir de s’impliquer ou non dans une mesure susceptible d’être ordonnée par le tribunal (Centre jeunesse de Laval, 2012). Il pourra, au besoin, faire appel aux services policiers, au milieu scolaire ou à toute autre ressource, intervenant ou personne significative dans la vie de l’adolescent.

Tout en présentant les diverses informations exigées par la loi conformément à l’article 40 (2) de la LSJPA, le rapport prédécisionnel établit un portrait différentiel de la délinquance du jeune par la présentation de ses forces, ses déficits, son milieu de vie et son risque de récidive. À la lumière de ces informations, le délégué à la jeunesse est en mesure de formuler une recommandation sur la peine à privilégier concernant les interventions nécessaires pour contrer le risque de récidive identifié (Centre jeunesse de Laval, 2012).

En plus des divers éléments de contenu qui doivent obligatoirement figurer dans le rapport prédécisionnel (conformément à la LSJPA), la recension des écrits exposée plus haut a démontré que chaque intervenant effectue une appréciation personnelle de la situation du contrevenant concerné par le rapport. Ainsi, de nombreux facteurs peuvent intervenir dans le choix des recommandations sur la peine à la fin du rapport et peuvent différer d’un délégué à la jeunesse à l’autre. Parmi ces facteurs, il y a ceux qui sont associés directement au délit et au contrevenant et ceux qui sont liés aux caractéristiques de l’intervenant ou à son environnement de travail.

Afin de présenter les analyses issues de cette étude exploratoire, les pages suivantes sont divisées en deux chapitres distincts. Pour répondre à notre premier objectif de recherche, le chapitre trois portera sur le contexte bureaucratique dans lequel le délégué à la jeunesse exerce son rôle de rédacteur de rapports prédécisionnels. Dans cette perspective, ce chapitre fera état, dans un premier temps, des différentes stratégies de travail proposées par le milieu à l’étude. Les stratégies de travail seront exposées afin de mieux connaître les outils et les ressources qui sont mis à la disposition du délégué à la jeunesse pour le guider dans sa collecte d’information et sa rédaction de rapports. À la suite de ces stratégies, nous

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diviserons la seconde partie de notre argumentaire dans ce chapitre en fonction des types de pressions qui peuvent être subies ou anticipées par le délégué à la jeunesse et qui peuvent l’influencer dans sa rédaction de rapports prédécisionnels. Ces pressions sont associées aux diverses interactions que le délégué à la jeunesse entretient avec les principaux acteurs qu’il côtoie dans l’exercice de ses fonctions (avocats, juge, adolescents, autres intervenants, etc.). Ce chapitre permettra de démontrer que les stratégies de travail proposées dans le but d’uniformiser le travail des délégués ne tiennent pas toujours compte des différentes pressions vécues par ces derniers.

Notre cadre théorique, inspiré de la théorie de l’acteur stratégique de Crozier et Friedberg (1977), stipule qu’il existe, dans tout milieu organisationnel, une zone d’incertitude où rien n’est complètement fixé. C’est à l’intérieur de cette zone d’incertitude que le travailleur conservera une certaine liberté d’action pouvant transcender le cadre bureaucratique enrégimenté. Au cours de notre étude, nous avons constaté que les délégués à la jeunesse tendent à adopter, en plus des stratégies de travail proposées par l’agence, des stratégies de travail personnelles qui leur sont utiles dans la rédaction de leurs rapports prédécisionnels. L’adoption de telles stratégies personnelles renvoie au pouvoir discrétionnaire de chaque intervenant. L’usage de stratégies personnelles chez le délégué à la jeunesse fera l’objet du quatrième chapitre de ce mémoire. Il répondra ainsi au deuxième objectif de cette recherche en présentant, d’une part, les stratégies personnelles utilisées par chaque intervenant et, d’autre part, en y arrimant différentes appréciations subjectives de ce dernier qui peuvent influer sur ses choix tout au long de sa démarche de rédaction.