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Chapitre 3 : La mutation rs9909G, un facteur protecteur de la maladie d’Alzheimer

3.1. Mise en contexte

Comme décrit dans l’introduction de cette thèse, dû à la forte hétérogénéité génétique de la maladie d’Alzheimer (MA), le rôle des miRs peut être majeur. Des altérations de la régulation miR-ARNm ont été associées à de nombreuses pathologies neurodégénératives,

dont la MA262,352,239, la maladie de Parkison353 ou encore la démence fronto-

temporale354,355. Récemment, les gènes FERMT2, MS4A 2, MS4A 6A et NUP160 ont été

associés à la MA128. Fermt2 est une co-activatrice d’intégrine impliquées dans l’adhésion

cellulaire152,356, les MS4A sont impliquées dans la signalisation calcique357 et NUP160 est

une nucléoporine impliquée dans la formation de pores nucléaires358–360. Mais leurs rôles dans la MA est encore mal connues. Des mutations ponctuelles (MPs) sur un site de reconnaissance par un miR pourraient altérer la régulation du miR sur l’ARNm muté. Delay et collaborateurs, ont identifié in vitro plusieurs variants qui modifieraient la reconnaissance d’un miR pour un de leurs ARNm cibles: rs7143400 (miR-4504/FERMT2), rs2847655 (miR-585/MS4A 2 ou miR-3945/MS4A 2), rs610932 (miR-626/MS4A 6A, miR-6876/MS4A 6A ou miR-6888/MS4A 6A) et rs9909 (miR-1185/NUP160 ou miR- 3976/NUP160). Ces ARNm étant associés à la MA, ces variants pourraient être impliquées

dans cette pathologie261. En effet, ces MPs entraînent l’abolition ou la création d’un site de

reconnaissance de miR. Le but de notre étude est d’analyser chez l’Homme, si les variants identifiés par Delay et collaborateurs pourraient être impliquées dans la MA. Nous avons sélectionné des variants d’intérêt dans la liste de Delay et collaborateurs, que sont :

rs2847655C (miR-585/MS4A 2), rs610932C (miR-626 ou miR-6876/MS4A 6A) et rs9909G (miR-1185/NUP160). Nous avons dosé, par qPCR, les ARNm et les miRs

associés à ces variants dans une cohorte de patients atteints de la MA. Nous avons constaté que le variant rs9909G (miR-1185/NUP160) pourrait être associée à la MA. De plus, l’augmentation du niveau d’expression des miR-626, miR-1185 pourraient aussi être impliquées dans la MA des patients de notre cohorte. Des études complémentaires sont cependant nécessaires pour évaluer le rôle de ces mutations dans l’étiologie de la MA et

3.2. Matériels et méthodes

Échantillons humains

L’utilisation d’échantillons humains fut approuvée par le comité d’éthique de l’Université Laval.

Les tissus humains utilisés dans cette étude proviennent de 3 organismes différents, tous situés aux États-Unis : 1/ Harvard Brain Tissue Resource Center, Massachussetts soutenu en partie par le HHSN-271-2013-00030C. 2/ Brain Endowment Bank, en Floride. 3/ Human

Brain and Spinal Fluid Resource Center, VA West Los Angeles Healthcare Center,

Californie, soutenu par le NINDS/NIMH, National Multiple Sclerosis Society and

Department of Veterans Affairs.

Cette cohorte de patients inclut des individus sains sans démence et des patients atteints de la MA, basée sur leur diagnostic neuropathologique. Les tissus du cortex pariétal (aire 39 de Brodmann ou BA39) ont été disséqués et congelés dans de la glace sèche jusqu’à leur utilisation (Tableau 3).

Tableau 3 : Cohorte humaine

Polymérase quantitative en chaîne en temps réel (qPCR) (ARNm et miRs)

La quantification de l’expression des miRs dans les échantillons a été effectuée grâce au kit de TaqMan « miR Reverse Transcription » (Applied Biosystem, Burlingtom, Canada) et le mix « TaqMan Universal Master » (Applied Biosystem, cat n°4324018) selon les instructions de la compagnie. Les amorces utilisées proviennent de ThermoFisher (miR-

1185 ID : 476998_mat ; miR-585 ID 001625; miR-626 ID : 001559 et RNU48 ID :

001006). Le niveau d’expression des miRs a été normalisé sur RNU48, puis analysé selon

la méthode comparative Ct (2-ΔΔCt). Le programme pour la transcription inverse était 30

Caractéristiques Ctrl AD

n 17 25

homme (%) 64,7 48,0

Âge de décès (moyenne ± SD) 73,1 ± 7,6 78,8 ± 11,5

Délai post-mortem (moyenne ± SD) 15,0 ± 4,9 16,2 ± 4

min à 16°C puis 30 min à 42°C suivie de 5 min à 85°C. Le programme pour la qPCR était 2 min à 50°C, 20 sec à 95°C et 40 cycles de 3 sec à 95°C suivie de 30 sec à 60°C.

La quantification des ARNm a été effectuée sur 500 ng d’ARNm total en suivant les instructions de la compagnie (Abm, cat n°G485). Les amorces utilisées sont détaillées dans le Tableau 4 ci-dessous. Le programme transcription inverse était 10 min à 25°C suivie de 50 min à 42°C puis 5 min à 85°C. Le programme de qPCR était 10 min à 95°C suivie de 50 cycles de 15sec à 95°C et 1 min à 60°C. Tous les dosages d’expression d’ARNm ont été normalisés sur RPL32. La quantité relative d’ARNm a été calculée selon la technique

comparative Ct (2-ΔΔCt).

Tableau 4 : Amorces qPCR

Analyses statistiques

Toutes les analyses statistiques ont été effectuées en utilisant le logiciel GraphPad Prism 7 (Graph Pad Software, Inc, La Jolla, California, USA). Les différences statistiques ont été

analysées par test-T student pairé et une valeur p < 0,05 fut considérée comme

statistiquement significative.

3.3. Résultats

L’étude de Delay et collaborateurs261 a identifié 4 variants potentiellement impliquées

dans la MA : rs7143400T touchant FERMT2 et créant un site de reconnaissance pour le miR-4504; rs2847655C/T qui touche MS4A 2 et crée un site de reconnaissance pour le miR-3945 ou abolit celui du miR-585; rs610932C/A touchant MS4A 6A et créant un site de reconnaissance pour le miR-6888 ou abolissant celui du miR-626 ou du miR-6876;

Gène Amorce sens Amorce antisens

RPL32 TTAAGCGAAACTGGCGGAAAC TTGTTGCTCCCATAACCGATG

MS4A 2 CTCCATGAAGACCACTGAATGA GGAGGTCACAAGCACACTAATA

MS4A 6A ACTTCTCCCAAGCAGAGAAAC ATGCCACACAAGATCTGGATAG

rs9909C sur NUP160 qui crée un site de reconnaissance pour le miR-3976 ou abolit celui

du miR-1185 (Tableau 5).

Tableau 5 : Récapitulatifs des variants identifiés par Delay et collaborateurs avec leur possible conséquence sur l'expression du gène muté

Nous avons sélectionné des variants d’intérêt afin de doser les ARNm et miRs associés dans une cohorte formée de patients atteints de la MA et d’individus sains du même âge. Les variants créant un site de reconnaissance pour un miR n’ont pas été étudié puisque les patients de notre cohorte ne sont pas porteurs de ces mutations. Ainsi, aucune régulation miR-ARNm associée à ces variants ne pourra être retrouvée dans notre cohorte. Notre étude s’est donc focalisée sur les variants rs2847655C (miR-585/MS4A 2),

rs610932C (miR-626 ou miR-6876/MS4A 6A) et rs9909G (miR-1185/NUP160). Afin de

déterminer si ces miRs existaient, nous avons regardé la profondeur de lecture de séquençage pour chacun de ces miRs via la base de données miRBase. Nous avons constaté que les gènes des miR-585 et miR-1185 avaient été lus plus de 2000 fois, alors que ceux des miR-626 et miR-6876 ont eu moins de 50 lectures. Or, plus la profondeur de lecture est élevée, plus la probabilité d’une erreur de séquençage est faible. Ainsi, la probabilité que les gènes MIR-585 et MIR-1185 existent est importante, contrairement aux gènes MIR-626 et MIR-6876. Nous avons donc recherché dans la littérature des études réalisées sur les miR-626 et miR-6876, pour confirmer ou non leur existence. Nous avons trouvé des études sur le miR-626 mais pas sur le miR-6876. Le miR-626 serait même associé à une maladie

neurodégénérative qu’est la maladie de Parkinson361. Nous avons poursuivi notre étude sur

Gène Variants miR associé Conséquence l'expression du gèneEffet attendu sur

FERMT2 rs7143400T miR-4504 Création d'un site Diminution

rs2847655C miR-585-3p Abolition d'un site Augmentation rs2847655T miR-3945 Création d'un site Diminution

rs610932C miR-626 Abolition d'un site Augmentation rs610932C miR-6876 Abolition d'un site Augmentation rs610932A miR-6888 Création d'un site Diminution

rs9909C miR-3976 Création d'un site Diminution rs9909C miR-1185 Abolition d'un site Augmentation MS4A 2

MS4A 6A NUP160

les variants rs2847655C (miR-585/MS4A 2), rs610932C (miR-626/MS4A 6A) et rs9909G (miR-1185/NUP160) (Figure 39).

Figure 39 : Variants d'intérêt

Schéma explicatif de l’impact des variants d’intérêt sur la reconnaissance entre miRs et ARNm associés. Lorsque les ARNm de MS4A 2, MS4A 6A et NUP160 sont mutés (rs2847655C, rs610932C et rs9909G, respectivement), ils ne sont plus reconnus par les miR-585, miR-626 et miR-1185, respectivement.

Dans un premier temps, nous avons dosé les ARNms de MS4A 2, MS4A 6A et NUP160 dans une cohorte constituée d’échantillons de patients atteints de la MA et de sujets sains. Une diminution significative de NUP160 (par 0,70 fois, p = 0,009, Figure

40A) mais pas de MS4A 6A (Figure 40B) a été constatée dans les patients atteints de la

MA par rapport aux sujets sains. L’expression de MS4A 2 n’a pas pu être mesurée, probablement dû à un niveau d’expression trop faible ou inexistant, dans le cortex pariétal de nos patients. Ces résultats suggèrent qu’une diminution de NUP160 serait associée à la MA mais que l’expression de MS4A 6A ne serait pas altérée dans notre cohorte.

MS4A 2 miR-585 rs2847655CX MS4A 6A miR-626 rs610932CX NUP160 miR-1185 rs9909GX

Figure 40 : Diminution de l'expression de NUP160 chez les patients atteints de la maladie d'Alzheimer

Dosage de l’expression de MS4A 6A (A) et de NUP160 (B) rapporté sur RPL32 chez des patients atteints de la MA (MA, n = 18) par rapport à des sujets sains (Ctrl, n = 12-15). Données présentées avec la moyenne ± SEM : * : P ≤ 0,05, ** : P ≤ 0,01, *** : P ≤ 0,001 (test-T student pairé).

Dans un second temps, nous avons dosé le niveau d’expression des miRs associés aux mutations d’intérêt. Le but est de rechercher une signature typique de régulation miR- ARNm dans la MA. Ces dosages ont montré une augmentation du miR-1185 (par 2 fois, p = 0,016, Figure 41A) et du miR-626 (par 3,5 fois, p = 0,003, Figure 41B) chez les patients touchés par la MA en comparaison avec les individus sains. Concernant le miR-585, aucune différence d’expression n’a été observée entre les patients et les sujets sains (Figure

41C). Ces résultats suggèrent que l’augmentation de l’expression des miR-1185 et miR-626

pourrait être impliquée dans la MA mais qu’il n’y aurait pas d’altération de l’expression du miR-585 dans la cohorte.

A

Ctrl MA 0 0.5 1.0 1.5 2.0 MS4A 6A / RPL32

B

Ctrl MA 0 0.5 1.0 1.5 NUP160 / /RPL32 **

Figure 41 : Augmentation de l'expression du miR-1185 et de miR-626 chez les patients atteints de la maladie d'Alzheimer

Dosage de l’expression du miR-1185 (A), miR-626 (B) et miR-585 (C), rapporté sur RNU48, dans le cortex pariétal des patients atteints de la MA (MA, n=14-23) par rapport à des sujets sains (Ctrl, n=8-14). Données présentées avec la moyenne ± SEM : * : P ≤ 0,05, ** : P ≤ 0,01, *** : P ≤ 0,001 (test-T student pairé).

Ainsi, nos analyses ont montré une diminution de NUP160 ainsi qu’une augmentation des miR-1185 et miR-626 chez les patients atteints de la MA par rapport aux sujets sains. Or, le variant rs9909G pourrait abolir la régulation de NUP160 par le miR-1185. Nous avons donc effectué une analyse de corrélation entre le niveau d’expression du miR-1185 et de sa cible NUP160, pour y recherche une signature typique de régulation miR-ARNm.

Nos résultats ont montré une corrélation négative entre NUP160 et le miR-1185 (R2 = 0,42,

p = 0,006) et donc plus l’expression de NUP160 diminue et plus celle du miR-1185 augmente, suggérant une régulation miR-ARNm (Figure 42).

Ctrl MA

A

Ctrl MA

B

C

miR-626 / RNU48 Ctrl MA ** 0 0.5 1.0 1.5 miR-585 / RNU4 8 0 1 2 3 4 5 0 0.5 1.0 1.5 2.0 2.5 miR- 1185 / RNU4 8 *

Figure 42 : Corrélation négative entre l'expression du miR-1185 et NUP160 dans la maladie d'Alzheimer

Corrélation négative entre le niveau d’expression du miR-1185 et de l’ARNm de NUP160 chez des patients atteints de la MA (n = 16). ** : P ≤ 0,0021 (corrélation de Pearson).

3.4. Discussion

Afin d’analyser l’influence d’une altération de la régulation miR-ARNm dans la MA, nous nous sommes intéressés à des mutations portées par des ARNm associés à la MA et touchant un site de reconnaissance de miR. Delay et collaborateurs ont identifié de

nouveaux variants pouvant être associées à la MA128 : rs7143400 (FERMT2), rs2847655

(MS4A 2), rs610932 (MS4A 6A) et rs9909G (NUP160). Nous avons poursuivi notre étude sur trois variants d’intérêt qui abolissent un site de reconnaissance de miRs potentiellement transcrits: rs2847655C (miR-585/MS4A 2), rs610932C (miR-626/MS4A 6A) et rs9909G (miR-1185/NUP160). Le dosage des miRs et des ARNm associés à ces variants a permis de mettre en évidence chez les patients atteints de la MA une signature typique d’une régulation miR-ARNm entre le miR-1185 et NUP160. Nos résultats ont montré également qu’une diminution de NUP160 et qu’une augmentation du miR-1185 pourraient être associées à la MA. Or, le variant rs9909G abolirait le site de reconnaissance du miR-1185 sur NUP160. Ainsi, le variant rs9909G pourrait entraîner une hausse de l’expression de NUP160, suggérant un effet plutôt protecteur du variant rs9909G dans la MA. Cette hypothèse serait en accord avec celle émise par Delay et collaborateurs261. Notre étude a également montré une augmentation de l’expression du miR-626 sans altération du niveau d’expression de MS4A 6A chez les patients atteints de la MA. Ainsi, une hausse de miR- 626 pourrait être associée à la MA. Ces résultats suggèrent également que le miR-626 ne

miR-1185 / RNU48 NUP16 0 / RPL32 0 2 4 6 8 0 0.5 1.0 1.5 R2= 0,428 **

ciblerait pas MS4A 6A dans le cortex pariétal, puisqu’il n’y a pas de corrélation entre le niveau d’expression du miR-626 et MS4A 6A. Il est cependant envisageable que le miR- 626 régule MS4A 6A dans d’autres régions du cerveau, puisqu’un miR peut avoir des

cibles différentes en fonction de la région247. Nous avons également constaté que le niveau

de miR-585 n’était pas modifié chez les patients atteints de la MA. Par contre, le niveau d’expression de MS4A 2 n’a pas pu être détecté. Ces résultats suggèrent que le niveau de miR-585 ne serait pas altéré dans le cortex pariétal de nos patients et que l’expression de MS4A 2 serait trop faible pour être quantifiée.

Ainsi, le variant rs9909G pourrait être un facteur protecteur dans la MA alors que les variants rs2847655C et rs610932C ne seraient pas associées à la MA dans notre cohorte. Des études sont encore nécessaires pour mieux définir l’implication de ces mutations dans la MA.

Cette étude pourrait se poursuivre par le dosage de ces ARNm et de ces miRs d’intérêts dans d’autres régions cérébrales telles que l’hippocampe, les cortex temporal ou frontal, principales régions affectées dans la MA. Il serait aussi pertinent d’observer l’effet de ces mutations sur le niveau de protéines associées à la MA (Aβ et Tau). Ces études permettront de mieux définir le rôle de ces mutations dans la MA.

Discussion et perspectives

Dans ce chapitre, nous reviendrons sur les précédents résultats pour une interprétation et une discussion plus globale. Ce dernier chapitre portera aussi sur les perspectives et les limites des études réalisées au cours de ce doctorat.

Le but de cette thèse était d’étudier l’impact de la génétique sur le rôle des miRs dans la MA. Pour cela, nous nous sommes intéressés aux mutations qui touchent soit les miRs, soit leurs ARNm cibles. Ainsi, deux objectifs ont été élaborés. Le premier, fut d’étudier les mutations VNC-miRs pouvant modifier le niveau d’expression du miR. Le deuxième, fut d’étudier des MPs sur des sites de reconnaissance de miRs qui touchent des ARNm associés à la MA.

1. Variation du nombre de copies d’un gène de microARN dans la

maladie d’Alzheimer.

Pour cette étude, nous sommes partis d’un séquençage d’exome d’une cohorte de 546 patients atteints d’une FPMA sans cause identifiée et 597 individus sains. Les FPMA étant plus sérères que les FTMA, des mutations identifiées dans ces formes pourraient avoir un impact plus important dans la MA que les FTMA. Nous nous sommes intéressés aux VNC-miRs puisqu’elles peuvent modifier le niveau d’expression des gènes de miR mutés. Or, une mutation sur un gène de miR peut avoir de lourdes conséquences puisqu’ils peuvent moduler plusieurs ARNm et donc différentes voies de signalisation. Ces voies n’ont pas forcément de cibles communes et peuvent agir sur plusieurs fonctions cellulaires différentes. Il est intéressant de noter que les miRs peuvent être exportés dans le sang via les exosomes313 et agir ainsi sur l’ensemble du corps. Or, il est maintenant connu que d’autres organes peuvent influencer le développement de maladies neurodégénératives comme la MA, dont le système digestif avec le microbiote362,363. De plus, les miRs sont retrouvés dans le sang364, le liquide céphalorachidien300 ou encore dans la salive365 faisant d’eux de potentiels biomarqueurs faciles d’accès dans la MA. Ainsi, de par leur champ d’action vaste et complexe, les miRs apparaissent comme des molécules clefs dans les maladies neurodégénératives, telle que la MA. Ainsi, l’augmentation (duplication) ou la

diminution (délétion) du nombre d’allèle codant un gène peut influencer le niveau de transcription d’un gène de miR. L’étude des VNC-miRs pourrait donc servir d’outil pour identifier de nouveaux facteurs de risque dans la pathologie.

Lors de mon doctorat, nous avons identifié 86 VNC-miRs correspondant à 71 gènes de miRs mutés distincts, dont 31 mutés uniquement chez les patients atteints de la MA. Ces 31 mutations pourraient donc être impliquées dans la pathologie des patients. Cependant, la majorité d’entre elles sont spécifiques à un seul patient, leur donnant une fréquence d’apparition de 0,18%, dans notre cohorte. Bien sûr, cette cohorte n’est pas représentative de tous les patients FPMA, ni même des patients atteints de la MA en général. Il se pourrait que cette fréquence soit en réalité plus élevée ou plus basse dans la population. Il est à noter que la MA, de par sa une forte hétérogénéité génétique, présente peu de mutations ayant à la fois une forte fréquence allélique et un impact important dans la pathologie. Par exemple, les mutations touchant le gène PSEN1 représentent 30-70% des FPMA-AD, celles touchant le gène APP sont de 10-15% alors que celles touchant PSEN2 représentent moins de 5% des FPMA-AD. De plus, les FPMA-AD représentent 5-10% des FPMA qui, elles,

représentent moins de 10% des formes de MA281,366–368. Ainsi, les mutations toutes

confondues touchant PSEN1 auraient une fréquence d’environ 6% dans les FPMA et celles

touchant PSEN2 environ 0,37%. Cependant, les études génétiques dans la MA, dont celles

des mutations sur APP et PSEN1/2, ont permis de grandes avancées dans la compréhension et le diagnostic de cette pathologie. C’est grâce à la découverte de mutations causales sur

PSEN369 que l’intérêt pour cette protéine s’est accru dans la MA. Trois ans après, PSEN fut

découverte comme une part essentielle du complexe de la γ-sécrétase d’APP370. L’étude sur

les PSEN est allée jusqu'au stade de cible thérapeutique potentielle dans la MA371. Il est également important de noter qu’une altération de l’expression d’un gène peut survenir au cours de la vie d’un individu via des facteurs environnementaux. On peut alors supposer que le moment où se produit l’altération du niveau d’expression peut influencer l’âge d’apparition des symptômes (FPMA ou FTMA). Ainsi, un facteur de risque identifié dans les FPMA pourrait aussi être associé à des FTMA. L’identification de mutations, même à faible fréquence dans la population, peut donc apporter de nombreuses informations sur l’étiologie de la maladie et ouvrir de larges champs de recherche ainsi que de perspectives

(nouvelles voies de signalisation, biomarqueurs pour FPMA et/ou FTMA, outils thérapeutiques, etc.) dans les maladies neurodégénératives, telle que la MA.

Afin de s’assurer que nous pouvions bel et bien identifier de potentiels facteurs de risque dans notre liste de VNC-miRs potentiellement impliqués dans la MA, nous avons sélectionné une mutation pour faire des analyses fonctionnelles. Cette sélection s’est basée sur la profondeur de lecture des gènes MIRs, des recherches bibliographiques, ainsi que sur les cibles directes (prédites ou validées) impliquées dans la MA, des miRs d’intérêts. Notre étude s’est focalisée sur la duplication du MIR-138-2. Cette mutation fut identifiée chez un patient (ApoE 3/3) présentant ses premiers symptômes à l’âge précoce de 49 ans et dont l’autopsie, à l’âge de 60 ans confirma un diagnostic de MA. Le gène MIR-138-2 code pour un miR-138 mature, identique à celui de son second gène MIR-138-1 plus faiblement

exprimé333. Ce miR-138 est retrouvé principalement dans l’hippocampe et le cortex frontal,

contrairement à son précurseur miR-138-2 ubiquitaire301,333. Le miR-138 montre un pic

d’expression durant le développement et à l’âge adulte372. Il agirait notamment sur la morphogenèse des épines dendritiques et la régénération axonale301,373. Il serait impliqué dans la mémoire301,329, l’anxiété336 mais aussi dans la phosphorylation de la protéine Tau

via la voie GSK3β/RARα246, tous associés à la MA. De plus, le miR-138 serait augmenté dans le LCR de patients atteints par la MA300. Il est intéressant de noter que l’ARN circulant, circHDAC9, capable de réprimer l’expression du miR-138, est lui diminué dans

le LCR de patients atteints de la MA374. Ainsi, ces études suggèrent un rôle déterminant du

miR-138, dans la physiopathologie des maladies neurodégénératives, en particulier dans la MA.

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