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1.5. Formes de la maladie d’Alzheimer

1.5.1. Formes précoces

Les FPMA se distinguent des FTMA pas seulement par l’âge d’apparition des symptômes mais aussi par certains aspects comme une atrophie plus marquée dans le cortex

pariétal et temporal plutôt que l’hippocampale observée chez les FTMA106,107. Elles

présentent des symptômes de dysfonctionnement visuo-spatial ainsi que des apraxies, plutôt

que l’amnésie chez les FTMA106,107. Les fonctions exécutives, les tâches visuo-spatiales et

les capacités motrices sont également plus atteintes. Environ 22-64% des formes précoces

seraient d’ailleurs non-amnésiques106,107. Enfin, la région hippocampale serait plus

différences soient notables, la pathologie reste identique du point de vue de la présence de plaques d’Aβ et des dégénérescences neurofibrillaires106,107.

Les FPMA peuvent être soit familiales, soit sporadiques. Trois gènes, PSEN1, APP et PSEN2, ont des mutations causales dans les formes familiales (Tableau 1) et sont autosomales dominantes (FPMA-AD):

PSEN1, (environ 80% des cas FPMA-AD) située sur le chromosome 14q24.2 chez

l’Homme108. Les patients porteurs d’une mutation sur le gène de la Psen1 ont des

symptômes plus précocement (vers 43 ans) que ceux porteur d’une mutation APP (vers 51

ans) ou PSEN2 (vers 57 ans)108. Certains patients montrent même une pathologie vraiment

très précoce (vers 35 ans). À ce jour, plus de 200 mutations ont été rapportées (Alzheimer

Disease ans Frontotemporal Dementia Mutation Database) dont la majorité sont situées

sur les exons 5 à 8 du gène de la PSEN1 et augmentent le ratio Aβ42/Aβ40109,110.

L’augmentation de ce ratio suggère qu’il y a une hausse de la forme pro-fibrille d’Aβ dans le cerveau.

APP, (environ 15% des cas FPMA-AD) situé sur le chromosome 21q21.3 chez l’Homme.

Environ 50 mutations sur le gène de l’APP ont été répertoriées (Alzheimer Disease and

Frontotemporal Dementia Mutation databse) dont la plupart altèrent la protéolyse de l’APP

et donc la quantité d’Aβ produite. Certaines mutations peuvent modifier la coupure effectuée par la β-sécrétase, telles que D7H, E682K ou K16N. Ces mutations entraînent

une augmentation de la quantité d’Aβ40 et d’Aβ42111–113. D’autres mutations, comme

T714I, V715M ou encore V715A, sont retrouvées sur le site de coupure de la γ-sécrétase

entraînant une augmentation du ratio Aβ42/Aβ40114. La mutation V717I, quant à elle, va

affecter le site de coupure de la β- et de la γ-sécrétase augmentant la production d’Aβ38 et

d’Aβ42115. Mais des mutations récessives sont également identifiées, telle que E693Delta

qui induit une résistance à la dégradation protéolytique et favorise l’accumulation d’Aβ105.

La mutation A673V est également une mutation récessive mais, de manière étonnante, à l’état hétérozygote elle serait anti-amyloïdogénique, alors qu’à l’état homozygote elle aurait

un effet plutôt pro-amyloïdogénique116. De plus, si l’adénosine 673 (A673) est remplacée,

un effet protecteur vis-à-vis de la MA, en diminuant d’environ 40% la production d’Aβ106. Enfin, des duplications du gène de l’APP ont aussi été associées aux formes familiales des

FPMA, avec une pénétrance quasi complète à l’âge de 65 ans117,118.

PSEN2, (environ 5% des cas de FPMA-AD) situé sur le chromosome 1q42.13 chez

l’Homme. Les mutations sur la PSEN2 sont bien plus rares et ne sont pas toutes causales pour la MA. En effet, « seulement » 17 mutations sur les 45 répertoriées (Alzheimer

Disease and Frontotemporal Dementia Mutation Database; Alzforum) seraient causales.

Dix autres mutations ne seraient pas pathologiques. Quant aux dernières mutations, leurs implications sont encore à l’étude. La plupart de ses mutations pathologiques élèvent le

ratio d’Aβ42/40 telles que T122P, N141I et M239V119.

Tableau 1 : Tableau récapitulatif des 3 gènes impliqués dans les FPMA-AD

Liste du nombres/types de mutations identifiées sur les gènes PSEN1/2 et APP, leur pénétrance, leur fréquence allélique dans la population ainsi que la localisation des gènes et leur voie physiopathologique.

Ces trois gènes mutés conduisent généralement à des formes amnésiques typiques de la MA. Cependant, elles ne représentent qu’une faible portion des FPMA (5-10%). Plus de 50% des formes mendéliennes et la majorité des formes sporadiques sont encore sans causes identifiées. Des mutations sur TYROBP (TYRO protein tyrosine kinase binding

protein) et NOTCH3 (Notch receptor 3) pourraient être des facteurs de risque pour les

FPMA mais des études sur des cohortes plus larges sont encore nécessaires pour mieux définir leurs contributions120,121,106.

Gène Nombres/type de mutations Fréquence allélique dans la population Localisation Pénétrance physiopathologiqueVoie

PSEN1 286 mutations Très rare Exon complète à 65ansMajoritairement Sécrétion Ab

APP 53 mutations Très rare Exon Majoritairement complète à 65ans

Sécrétion et/ou agrégation Ab

APP Duplications Très rare Exon Complète à 65ans Sécrétion Ab

PSEN2 45 mutations Très rare Exon Majoritairement

1.5.2. Formes tardives

Les FTMA dépendraient à 70% de facteurs génétiques à transmission non-dominante

et à 30% de facteurs environnementaux122. Le principal facteur de risque est l’âge, environ

2 à 4% des patients sont diagnostiqués à 65 ans, 15% après 80 ans et 30% après 85 ans123.

L’historique familial est aussi un fort facteur de risque, puisque si un des deux parents est

atteint, le risque pour l’enfant est multiplié par 1,5 et si les deux le sont, le risque est

multiplié par 2123. Enfin, l’allèle ε4 de l’ApoE, une apolipoprotéine, est fortement associé à

la MA124,125. ApoE possède trois allèles différents, ε2, ε3 et ε4, dont la fréquence varie au

sein de la population. L’allèle ε2 a une fréquence d’environ 5 à 10%, l’allèle ε3 d’environ 65 à 70% et 15 à 20% pour l’allèle ε4. À l’état hétérozygote, l’allèle ε4 augmente de 3 fois le risque de développer la MA et à l’état homozygote il l’augmente de 12 fois. À l’inverse, l’allèle ε2 serait un facteur protecteur1,126.

Côté environnemental, les facteurs comme l’alimentation, l’exercice physique ou l’état cardio-vasculaires sont associés à la MA. Le diabète, l’hypertension ou encore le tabagisme sont des facteurs de risque alors que l’exercice physique et une alimentation

riche en oméga 3 seraient neuroprotecteurs127.

La part de la génétique est prépondérante dans la MA, de nombreuses méta-analyses et nombreux séquençages du génome ont permis d’identifier de nouvelles causes/facteurs de risque qui ont permis de grandes avancées dans la compréhension de la maladie (Tableau 2). Le « genome-wide association studies » (GWAS) a permis d’identifier 11 locis de susceptibilités : CR1, BIN1, CLU, CD2AP, EPHA1, PICALM, MS4A6A/4E, ABCA7, DSG2 et APOE. Puis, une étude de méta-analyse a ajouté 11 nouveaux locis: la région HLA-DRB5-DRB1, SORL1, PTK2B, SLC24A4, ZCWPW1, CELF1, CASS4, FERMT2, INPP5D, MEF2C et NME8128,129. Les gènes PLD3 et TREM2 ont été ensuite

ajoutés à cette liste130,131. La susceptibilité que confère chacun des variants des gènes

identifiés varient de l’un à l’autre tout comme leur fréquence dans la population. ApoE est le facteur de risque le plus important avec une fréquence proche des 5%. La majorité des autres variants sont associés à des risques faibles mais certains auront une fréquence élevée

Figure 11 : Facteurs de risque dans la maladie d'Alzheimer

(Source : Modifiée de Le Guennec)

Ces gènes sont impliqués dans de nombreuses voies différentes, qui ont ainsi pu être associées à la MA, telles que :

Le métabolisme lipidique, avec les gènes de l’ApoE, ABCA7, SORL1 et CLU, entre autre. Il s’avère que le cholestérol est essentiel à la formation de la gaine de myéline et des membranes cellulaires. Une mauvaise redistribution de cholestérol peut affecter la plasticité

synaptique, la mémoire et l’activité neuronale et être un facteur de risque pour la MA133,134.

En effet, l’APP est retrouvée dans les radeaux lipidiques et l’Aβ peut être liée par le cholestérol où une élévation de la concentration du cholestérol intracellulaire corrèle avec le processus amyloïdogénique de l’APP30,135. ApoE serait capable d’éliminer les plaques d’Aβ avec une efficacité différente en fonction de son isoforme (ε2 > ε3 > ε4). L’isoforme

ε4 aurait une efficacité d’élimination insuffisante136,37,16. SORL1 participerait au recyclage

de l’APP membranaire vers l’appareil de Golgi. Cette protéine aurait donc un effet protecteur dans la MA en diminuant la production d’Aβ, ainsi des mutations de SORL1

seraient associées aux FPMA ou aux FTMA137. CLU est une apolipoprotéine (ou ApoJ)

impliquée dans le transport du cholestérol, des phospholipides et l’élimination d’Aβ via son endocytose et/ou son transport au travers de la barrière hémato-encéphalique. La diminution de CLU réduirait la formation de plaque amyloïde et la neurotoxicité associée

aux dépôts d’Aβ138,139. CLU serait d’ailleurs augmentée dans le LCR de patients atteints de

la MA140. Un niveau élevé de CLU plasmatique est associé à une atrophie du cerveau ainsi

qu’à la sévérité et la prévalence de la MA141,142. CLU joue aussi un rôle dans le système du

complément en inhibant la réponse immunitaire143.

Faible Modeste Intermédiaire Élevé Très élevé Risque de développer la maladie d’Alzheimer Fréquence du variant <0,1% 0,5% 1% 5% Très rare Hérédité mendélienne Rare, Hérédité mendélienne, Pénétrance incomplète

Rare à peu fréquent, Risque intermédiaire à élevé Très rare, Risque faible, Très difficile à identifier Fréquent, Risque intermédiaire à

élevé (rare exemple)

Fréquent, Risque faible (GWAS)

Faible Modeste Intermédiaire Élevé Très élevé Risque de développer la maladie d’Alzheimer Fréquence du variant <0,1% 0,5% 1% 5% APP PSEN1 PSEN2 Rare, Hérédité mendélienne, Pénétrance incomplète Très rare, Risque faible, Très difficile à identifier ApoE e3:e4 ApoE e4:e4 TREM2 APP SORL1 ABCA7 BIN1 PICALM CLU ABCA7, …

La réponse immunitaire, où les gènes tels que CLU, CR1, CD33, HLA-DRB5-

DRB1, MS4A et TREM2 ont été associés à la MA. Il s’avère qu’une forte activation

microgliale dans les aires lésées a été décrite chez les patients atteints par la MA37. De la

microglie est retrouvée autour et au sein des plaques amyloïdes et est fortement associée aux altérations neurofibrillaires37,144. Le système du complément est lui aussi observé au niveau des plaques amyloïdes ainsi que dans les neurofibrilles et serait sur-régulé dans la MA145,37. CR1 code pour un récepteur érythrocytaire qui peut être lié par l’Aβ oligomérique afin d’exporter cette Aβ hors de la circulation sanguine145,146. TREM2 est

retrouvée au niveau des membranes microgliales et serait impliquée dans la phagocytose ainsi que dans l’élimination des débrits neuronaux. Sa mutation R47H pourrait d’ailleurs

augmenter le risque de développer la MA par trois 147,148. CD33, un récepteur de cellules

myéloïdes et microgliales principalement, est impliqué dans la recapture d’Aβ extracellulaire149. Il serait augmenté chez des patients atteints de la MA et son variant

rs3865444 serait un facteur protecteur dans la pathologie149. De plus, CD33 est aussi

impliqué dans des processus d’endocytose.

L’endocytose et les fonctions synaptiques avec des gènes tels que PICALM, BIN1,

CD2AP, FERMT2 et EPHA1. PICALM assure l’endocytose dépendante de la clathrine, la

libération de neurotransmetteurs et agit dans la formation de la mémoire. Or, cette protéine colocalise avec l’APP et sa sous-expression altère le transport de l’APP, alors que sa surexpression favoriserait la formation de plaques amyloïdes dans la MA150. CD2AP est une protéine adaptatrice impliquée dans le transport membranaire. Elle favoriserait le

transport de l’APP de l’endosome précoce vers la voie de dégradation lysosomale151.

FERMT2 (ou Kindlin2) est une co-activatrice d’intégrine impliquée dans l’adhésion

cellule-matrice extracellulaire et influencerait le recyclage de l’APP, via les endosomes

Rab4A-positif152,153. Une sous-expression de FERMT2 entraînerait une augmentation

d’APP à la membrane cellulaire et favoriserait la production d’Aβ153. Elle serait également

impliquée dans la toxicité de Tau où la diminution de FERMT2 entraînerait une neurodégénérescence oculaire chez la drosophile liée à Tau154. Enfin, BIN1 est proposé

comme le facteur de risque le plus important après ApoE. Cette protéine est impliquée dans

L’homéostasie du calcium est une voie bien connue pour être impliquée dans les maladies neurodégénératives, telle que la MA, avec des gènes comme BIN1, PTK2B et

SLC24A4. Sa dérégulation peut induire de la mort neuronale et un déclin cognitif. Cette signalisation est mise en jeu dans de nombreux processus intra- et extra- cellulaires allant de l’activité synaptique à la communication cellulaire, en passant par l’adhésion cellulaire. Dans le cerveau, l’ion calcique est fondamental pour le contrôle de l’activité synaptique et

l’élaboration de la mémoire157. Le contrôle de cette homéostasie est donc primordial pour

l’état physiologique du cerveau mais aussi pour le maintien de l’intégrité neuronale et la survie à long terme des cellules. La dérégulation de son homéostasie peut expliquer la vulnérabilité de certaines populations de neurones dans certaines maladies. Or, il se trouve que l’Aβ serait étroitement liée à cette homéostasie, notamment via l’excitotoxicité où elle stimulerait l’activité des récepteurs glutamatergiques de type NMDA (N-méthyl-D-

aspartate)158. L’Aβ serait capable de former des pores calciques159,160 entraînant un influx

d’ion calcium et la modification du potentiel membranaire. Le niveau de calcium intracellulaire agirait sur la production d’Aβ ainsi que sur le processus de l’APP161,162,

Tableau 2 : Liste non-exhaustive de mutations associées à la MA

Liste non-exhaustive de gène associés à la MA, avec la voie métabolique dans laquelle ils sont retrouvés, le variant qui leur est associé, la fréquence allélique de leur variant, la localisation du gène, le rapport de côte (Odds ratio, OR) et la voie physiopathologique qu’ils impactent dans la MA.128,165–167 (Source : SNPedia; dbSNP; gnomAD.)

Voie métabolique Gène Variant Fréquence allélique Localisation OR physiopathologiqueVoie

Amyloïde APP rs63750847 4,7 x 10-4 Exon 0,23 Aβ

Calcium PTK2B rs28834970 0,3 Intron 1,1 Tau

Calcium et endocytose BIN1 rs744373 0,37 Intergenique 1,17 Aβ et tau Calcium et endocytose BIN1 rs6733839 0,4 Intergenique 1,36 Aβ et tau Calcium et endocytose BIN1 rs7561528 0,23 Intergenique 1,12 Aβ et tau

Endocytose CD2AP rs9349407 0,2 Intron 1,07 Aβ

Endocytose CD2AP rs10948363 0,22 Intron 1,1 Aβ

Endocytose FERMT2 rs17125944 0,09 Intron 1,14 Aβ et tau

Endocytose PICALM rs561655 0,36 Intron 0,87 Aβ

Endocytose PICALM rs3851179 0,33 Intron 0,89 Aβ

Endocytose PICALM rs10792832 0,3 Intron 0,87 Aβ

Immunitaire TREM2 rs75932628 0,0027 Exon 2,7 Aβ

Immunitaire CD33 rs3865444 0,25 Intergenique 0,94

Immunitaire CR1 rs3818361 0,27 Intron 1,14 Aβ

Immunitaire CR1 rs6701713 0,27 Intron 1,12 Aβ

Immunitaire CR1 rs6656401 0,08 Intron 1,18 Aβ

Immunitaire EPHA1 rs11771145 0,43 Intergénique 0,9 Immunitaire EPHA1 rs11767557 0,18 Intergénique 0,83 Immunitaire

HLA cluster (DRA-

DQB1) rs9271192 0,24 Intergénique 1,11

Immunitaire INPP5D rs35349669 0,3 Intron 1,08

Immunitaire MEF2C rs190982 0,22 Intron 0,93

Immunitaire

MS4A cluster

(MS4A3 - MS4A6E) rs670139 0,4 Intergenique 1,1 Immunitaire

MS4A cluster

(MS4A3 - MS4A6E) rs610932 0,42 3'UTR 0,9

Immunitaire

MS4A cluster

(MS4A3 - MS4A6E) rs4938933 0,37 Intergenique 0,88 Immunitaire

MS4A cluster

(MS4A3 - MS4A6E) rs983392 0,27 Intergenique 0,86

Immunitaire TREM2 rs75932628 0,002 Exon 4,07 Aβ et tau

Immunitaire et lipidique CLU rs11136000 0,4 Intron 0,91 Aβ

Immunitaire et lipidique CLU rs9331896 0,38 Intron 0,86 Aβ

Lipidique et endocytose SORL1 rs2070045 0,3 Exon 1,13 Aβ

Lipidique ABCA7 rs4147929 0,8 Intron 1,15 Aβ

Lipidique ABCA7 rs3764650 0,19 Intron 1,23 Aβ

Lipidique APOE

e4 (rs429358;

rs7412) e3/e4: 0,21; e4/e4: 0,02 Exon Augmentée Aβ Adhésion cellulaire CASS4 rs7274581 0,09 Intron 0,88

Maturation ARNm CELFI rs10838725 0,2 Intron 1,08

Spermatogenese NME8 rs2718058 0,39 Intergenique 0,95

1.6.

Diagnostic et traitements

Le diagnostic de la MA se base sur les critères définis par le DSM-V (Diagnostic and

Statistical manual of Mental disorders 5). Le diagnostic peut être une MA probable ou

possible, mais sa confirmation se fait suite à une biopsie ou une analyse post-mortem.

Durant l’entretien, le médecin étudie l’historique ainsi que les traitements antérieurs et actuels du patient afin d’écarter toutes autres causes provoquant les symptômes (consommation de médicaments ou drogues, accident vasculaire cérébral, diabète, etc.) Le médecin s’intéresse aussi aux antécédents familiaux, car d’autres cas de démence dans la famille constituerait un facteur de risque pour la MA. Il interroge ses proches qui peuvent renseigner sur des symptômes dont le patient n’aurait pas conscience. Il effectue ensuite un

examen clinique de son état général (poids, santé cardio-vasculaire, déficits sensoriels ou

moteurs). Le patient passe aussi des tests cognitifs, tel que le MMSE (Mini-Mental Status Examination). Ce test, d’une dizaine de minutes, permet d’évaluer : la mémoire, l’orientation spatio-temporelle, l’attention, le calcul, le langage et les praxies constructives (troubles visuo-spatiaux). Un score entre 26-30 est considéré comme normal, entre 20-25 ce serait une atteinte cognitive légère, entre 10-18 l’atteinte serait modérée, un score entre 3- 9 suggérerait une atteinte cognitive sévère et enfin, en dessous d’un score de 3 l’atteinte serait très sévère (d’après l’Institut National d’Excellence en Santé et Service Sociaux, INESSS). D’autres tests existent, dont le MoCA (Montréal Cognitive Assessment) qui est plus sensible, notamment pour les démences légères.

Des analyses par tomographie par émission de positons (TEP)168 et par imagerie à résonance magnétiques (IRM)169 sont souvent utilisés dans le diagnostic de la MA. En

effet, le métabolisme du glucose est fortement diminué dans la MA et corrèle avec la sévérité de la pathologie170,171. La TEP, associée à des sondes radioactives tel que le

fluorodésoxyglucose marqué au fluor-18 ([18F]FDG), substance analogue au glucose,

permet d’étudier l’altération du métabolisme du glucose chez les patients. La TEP peut également être utilisée pour observer le débit sanguin, les plaques amyloïdes ou encore le

métabolisme cholinergique170,171. L’IRM, quant à lui, est utilisé pour étudier les atrophies corticales et hippocampales, retrouvées dans la MA. Ce dernier offre une meilleure

résolution, mais est moins sensible, que la TEP (micromoles)168.

Grâce à la ponction lombaire, il est possible de doser l’Aβ et Tau totale ou

phosphorylée, deux biomarqueurs de la MA, dans le LCR (Liquide céphalo-rachidien)172–

175. Des études ont constaté une baisse d’environ 50% d’Aβ42 dans le LCR des patients

atteints de la MA ainsi qu’une augmentation de la protéine Tau totale et

phosphorylée172,176,177,178. Ces outils de biomarqueurs ne permettent pas de diagnostiquer la

MA179, mais sont utilisés pour appuyer le diagnostic, évaluer la progression de la

pathologie ou la dissocier des autres démences. L’intérêt des biomarqueurs est surtout de faire une détection plus précoce de la MA. Cependant, le sang serait une approche plus accessible que le LCR pour y rechercher des biomarqueurs. Le niveau de protéine Tau plasmatique pourrait être un bon biomarqueur, mais des études sur une cohorte plus large sont encore nécessaires172,179,180. D’autres fluides corporels ont été étudiés et de façon

surprenante les larmes ou la salive seraient de nouvelles voies pour la recherche de biomarqueurs181,182,183.

Une fois le diagnostic posé, l’espérance de vie du patient est en moyenne de 3 à 9 ans,

même si certains patients ont pu vivre une vingtaine d’années de plus123,184,185.

Bien qu’aucun traitement actuel ne permette d’arrêter ou de retarder la MA, certains médicaments ont été mis sur le marché afin de soulager les symptômes. Ces médicaments peuvent être des antagonistes de récepteurs glutamatergiques type NMDA ou des

inhibiteurs d’acétylcholinestérase. Mais, ils n’ont qu’un impact modéré sur le déclin et la

qualité de vie du patient, avec certains effets indésirables, comme des troubles cardiovasculaires (arythmie, augmentation de la pression sanguine), digestifs (nausée, vomissement, diarrhée, perte d’appétit) et neuropsychiatriques (confusion, dépression, agitation, trouble du sommeil).

Un excès de glutamate peut induire de l’excitotoxicité et entraîner une mort neuronale importante. Ainsi la voie glutamatergique a elle aussi été retrouvée altérée dans la MA. Les

médicaments anti-glutamatergiques ont pour but de se fixer aux récepteurs NMDA afin de réduire cette excitotoxicité. Ce traitement améliorerait la cognition, l’humeur, le comportement et l’autonomie des patients. L’antagoniste glutamatergique, la mémantine (EBIXA®), est prescrit pour les formes modérées à sévères.

L’acétylcholine est impliquée dans la mémoire ainsi que dans l’apprentissage. La voie cholinergique a été retrouvée altérée chez les patients atteints de la MA186,187. Des inhibiteurs d’acétylcholinestérase ont été utilisés afin de ralentir la dégradation de l’acétylcholine dans le cerveau des patients. L’équipe de Birks et collaborateurs, a pu constater une amélioration de la mémoire et de l’apprentissage dans leur études cliniques

avec une amélioration de l’autonomie des patients traités avec l’inhibiteur rivastigmine188.

Les inhibiteurs d’acétylcholinestérase, donépézil (ARICEPT®), la rivastigmine (EXELON®) et la galantamine (REMINYL®), sont ainsi prescrits pour les formes légères à modérées.

Il eut un autre médicament sur le marché, la tacrine (COGNEX®), inhibiteur réversible de l’acétylcholinestérase, mais due à sa toxicité hépatique, elle fut remplacée dès que les autres anti-acétylcholinestérases ont été approuvés.

Ces médicaments sont disponibles sous formes orales (comprimés, gélules ou solutions buvables) ou sous forme de patch pour la rivastagmine (EXELON®).

Bien sûr, d’autres voies thérapeutiques sont à l’étude telles que : l’immunothérapie ciblant la protéine Tau (Alzforum projet : C2N 8E12; ACI-35), ciblant des cytokines pro-

inflammatoires189 (Alzforum, projet : Etanercept) ou contre la pathologie amyloïde

(Alzforum, projets : Gantenerumab; CAD106). Les molécules inhibitrices/activatrices, telles que des inhibiteurs de sécrétases (réduisant la voie amyloïdogénique) ou de kinases

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