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2 Etat de l’art des transitions de phase sous pression dans les nanomatériaux

3.2 Dispositif générateur de pression

3.2.3 Milieu transmetteur et conditions de compression

Lors d’expériences à haute pression, il est courant d’utiliser un milieu transmetteur afin de limiter une contrainte purement uniaxiale et assurer une compression hydrostatique sur l’échantillon. Au-delà d’une certaine pression, la solidification de ce dernier conduit à une contrainte radiale centrifuge dans le plan perpendiculaire à l’axe de compression. Le

47 régime de compression est alors qualifié de quasi-hydrostatique. Finalement, au-delà d’une pression limite, de fortes contraintes de cisaillement sont transmises à l’échantillon par le milieu et la compression devient non hydrostatique. Le choix du milieu transmetteur est conditionné non seulement par la gamme de pression étudiée, les restrictions techniques de chargement (chargement cryogénique pour l’azote ou l’argon) ou encore par la compatibilité avec la technique de caractérisation utilisée. Sur ce dernier point il est en effet nécessaire de s’assurer qu’aucune signature du milieu ne perturbe le signal de l’échantillon : présence de fluorescence, superposition du signal avec des pics d’intérêt, etc. Par ailleurs une restriction majeure concerne l’absence nécessaire de réactivité entre le milieu transmetteur et l’échantillon. Ce dernier point est d’autant plus important dans les nanoparticules présentant une réactivité élevée et est relativement difficile à évaluer (excepté pour des milieux inertes comme l’argon ou l’azote). Certaines études ainsi que les résultats que nous présenterons dans ce manuscrit suggèrent ainsi que l’influence de l’environnement sur des nano-systèmes (adsorption, intercalation, …) conduisent à modifier significativement le comportement sous pression observé 9–11 Notre étude visant à étudier l’influence de l’état de surface sur le polymorphisme sous pression, nous avons fait le choix (dans la plupart des études présentées) de ne pas utiliser de MTP (conditions isostatiques) afin de ne pas introduire de termes d’interface additionnels. Les études pour lesquelles un MTP a été utilisé seront spécifiées.

Figure 3.8: Représentation schématique de la distribution de contraintes exercées sur des nanoparticules densifiées lors d’une compression isostatique 4.

Bien que l’utilisation de MTP lors de l’étude de monocristaux ou de poudres micrométriques s’avère indispensable afin d’éviter une compression fortement non hydrostatique, la compression de poudres nanométriques est sensiblement différente. Lors de la montée en pression, la compression est transmise par les diamants à l’échantillon (poudre encore relativement poreuse) via les grains directement en contact avec les diamants. De proche en proche, la contrainte est transmise aux grains sous-jacents à travers les points de contact entre ces derniers (joints de grain) et ce à travers tout l’échantillon. Strictement parlant, il est alors plus approprié de parler d’une distribution de contrainte plutôt que d’une pression appliquée aux particules. Cependant, dans le cas de nanoparticules, cette densité de point de contact devient très importante et il devient raisonnable d’estimer que cette distribution de contrainte est homogène autour des nanoparticules (figure 3.8). A titre d’exemple, un calcul rapide estime pour un volume de 1μm3 de nanoparticules de 5nm le nombre de points de contact à 109 pour environ 108 nanoparticules. Ainsi, bien que la surface

48 des nanoparticules soit soumise à de fortes micro-contraintes, les conditions de compression transmise au cœur des nanoparticules peuvent être estimées comme quasi-hydrostatiques.

Notons par ailleurs que bien que l’application de contraintes hydrostatiques via un milieu transmetteur soit justifiée à l’échelle microscopique, son efficacité pour des nanoparticules est loin d’être évidente. En effet excepté via l’utilisation de milieux ultra fluide tels que l’hélium, il est raisonnable de s’interroger si les autres milieux transmetteurs (éthanol/méthanol, paraffine, etc) recouvrent individuellement chaque nanoparticule ou bien s‘ils enrobent un amas de nanoparticules directement en contact entre elles. Le dernier cas revient à considérer une compression isostatique équivalente à celle obtenue en l’absence de milieux transmetteurs. Nous comparerons au fin de partie 5.4 le comportement sous pression de nanoparticules en l’absence de milieux transmetteurs et lors de l’utilisation d’un MTP (4 :1 Méthanol / Ethanol).

Références du chapitre 3 :

1. Manjón, F. J., Marí, B., Serrano, J. & Romero, A. H. Silent Raman modes in zinc oxide and related nitrides. J. Appl. Phys. 97, 053516–053516–4 (2005).

2. Shuker, R. & Gammon, R. W. Raman-scattering selection-rule breaking and the density of states in amorphous materials. Phys. Rev. Lett. 25, 222–225 (1970).

3. Chassaing, P.-M. Quelques illustrations du rôle de la surface dans des nanoparticules de ZnO. (2009). at <http://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00406581/>

4. Palosz, B. et al. High pressure x-ray diffraction studies on nanocrystalline materials. J. Phys. Condens. Matter 16, S353 (2004).

5. Williamson, G. . & Hall, W. . X-ray line broadening from filed aluminium and wolfram. Acta Met. 1, 22–31 (1953).

6. Chalmers, J. M. & Griffiths, P. Handbook of Vibrational Spectroscopy, Volume 4: Applications in Industry, Materials and the Physical Sciences. 4, (Wiley, 2002).

7. La cellule à enclumes de diamant - Planet-Terre. at <http://planet-terre.ens-lyon.fr/article/cellule-diamant.xml>

8. Eremets, M. I. High pressure experimental methods. (Oxford University, 1996).

9. Haines, J. et al. Deactivation of Pressure-Induced Amorphization in Silicalite SiO 2 by Insertion of Guest Species. J. Am. Chem. Soc. 132, 8860–8861 (2010).

10. Piot, L., Le Floch, S., Cornier, T., Daniele, S. & Machon, D. Amorphization in Nanoparticles. J. Phys. Chem. C 117, 11133–11140 (2013).

11. Jamieson, J. C. The phase behavior of simple compounds. Phys. Earth Planet. Inter. 3, 201–203 (1970).

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Chapitre 4

Influence de l’état de surface sur

l’amorphisation sous pression d’Y2O3

Sommaire

4.1 Introduction ... 50 4.2.1 Etudes haute pression dans Y2O3 massif ...53 4.2.2 Etudes haute pression dans Y2O3 à l’échelle nanométrique...53 4.3 Synthèses et chargement des échantillons ... 56 4.4 Echantillon "exposé" : un amorphe sous pression... 58 4.5 Echantillon "contrôlé" : un cristal à haute pression... 59 4.6 Discussions ... 62

4.6.1 Caractérisation de surface ...62 4.6.2 Considérations thermodynamiques et cinétiques ...64 4.7 Conclusions ... 69 Références du chapitre 4 : ... 70

4.1 Introduction

L’oxyde d’yttrium Y2O3 est assimilé à la famille de sesquioxydes de terres rares Ln2O3 (Ln : lanthanides). Bien qu’il soit beaucoup plus léger (Z=39), ses propriétés chimiques (affinité électronique, rayon ionique) très proches de certaines terres rares (dysprosium, holmium et erbium) laissent à penser que Y2O3 puisse présenter une structure cristalline ainsi qu’un chemin de transition très proche des Ln2O3 1,2. Une description plus complète de ces derniers, notamment concernant leur stabilité relative en fonction du lanthanide considéré, est développée en Annexe I (sur Gd2O3). Pour commencer, nous allons principalement nous intéresser à l’influence de la taille de particule sur la stabilité structurale de l’oxyde d’yttrium

51 sous pression. En effet, comme nous allons le détailler par la suite, une forte modification du chemin de transition sous pression a été récemment rapportée dans la littérature et tout particulièrement l’existence d’une taille critique en deçà de laquelle une amorphisation sous pression a été observée. Cette caractéristique est particulièrement intéressante compte tenu de la haute stabilité structurale sous irradiation de Y2O3 à l’état massif 3. Fort des résultats précédemment présentés sur l’amorphisation sous pression de l’oxyde de titane (un mauvais formateur de verre sous sa forme massive à l’instar d’Y2O3), nous étudierons l’influence de l’état de surface indépendamment du paramètre taille des nanocristallites. Suite aux résultats obtenus, nous mettrons en évidence les paramètres critiques gouvernant la transition vers un état amorphe de l’oxyde d’yttrium sous pression. Une description thermodynamique pouvant englober les différents processus d’amorphisation (irradiation, broyage mécanique) sera envisagée.

4.2 Diagramme de phase Pression-Taille dans la littérature

La stabilité à conditions ambiantes des sesquioxydes de terre rares est généralement reliée au ratio de taille des anions et cations. Ainsi, à l’instar de Ho2O3 et Gd2O3, l’oxyde d’yttrium présente aux conditions ambiantes une structure cubique (type-C) de groupe d’espace Ia3 (), décrite par Pauling en 1930 suite à l’investigation du minéral bixbyite (Fe,Mn)2O3 1.

Figure 4.1: Représentation des

structures (a) fluorine CaF2 et (b) Ln2O3 cubique de type-C "schématisées" (l’ion Y3+ est légèrement déplacé de sa position initiale dans la structure réelle).(c) Visualisation des deux sites de coordination des cations de la structure de type-C.

52 Cette structure présentée en figure 4.1 peut être reliée à la structure Fluorite (CaF2) pour laquelle deux des huit oxygènes situés aux sommets de la maille cubique (dont l’ion Y3+ est au centre) sont retirés. La coordinence de l’ion Y3+ passe donc de huit à six et les oxygènes restant sont légèrement éloignés des sommets du cube. Deux arrangements différents des oxygènes manquants peuvent être observés. Dans le premier cas, les sites inoccupés sont situés sur la diagonale d’une face du cube et l’ion Y3+ est déplacé du centre du cube (figure 4.1.c) conduisant à un site de symétrie C2. Il existe dans ce cas trois distances Y-O distinctes, non équivalentes par symétrie (Y1-O=2.333Å, Y2-O=2.274 Å, Y3-O=2.243 Å 4) Dans le second, les deux oxygènes retirés se situent le long d’une diagonale du cube conduisant à un site de symétrie C3i pour l’yttrium. Les distances Y-O sont alors identiques (Y-O=2.28 Å4). La maille élémentaire de paramètre a~10.609Å 5, est constituée de 80 atomes (16 motifs d’Y2O3) répartis de la façon suivante (voir figure 4.2) : 8 cations sur des site C3i (Wyckoff-8b) et 24 sur des sites C2 (Wyckoff-24d). Les octaèdres YO6 ainsi définis sont reliés par les sommets et les arrêtes de telle façon que les 48 oxygènes soient équivalents (Wyckoff-48e) et liés à 4 atomes d’yttrium.

Figure 4.2: (à gauche) Présentation de la structure d’Y2O3 (avec visualisation des octaèdres YO6) à condition ambiante (type-C) et (à droite) des différents sites octaédriques

L’évolution de Y2O3 (oxyde fortement réfractaire) sous haute température a été largement étudiée dans la littérature 6,7 notamment en raison de la faible influence de son environnement sur sa stœchiométrie et sur son point de fusion 7,8 lui conférant une stabilité exceptionnelle à haute température. Une transition structurale a été identifiée aux alentours de 2660 K précédant la température de fusion à 2712 K. La nature de la phase solide haute température est cependant encore en débat et attribuée soit à une structure de type hexagonale P63/mmc 9,10 ou bien à la structure cubique de type fluorite (Fm͵തm) [10,11].

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