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2 Etat de l’art des transitions de phase sous pression dans les nanomatériaux

3.1 Techniques de caractérisation

3.1.1 La spectroscopie Raman

3. 1 Techniques de caractérisation

3.1.1 La spectroscopie Raman

La spectroscopie Raman consiste en l’étude des transitions vibrationnelles d’un matériau à partir du processus de diffusion inélastique de la lumière. Cette technique constitue l’une des méthodes optiques les plus largement utilisées dans les études sous pression. Ceci repose majoritairement sur le fait que l’utilisation de diamants soit particulièrement bien adaptée à cette technique de caractérisation. En effet, l’usage de diamants sélectionnés pour leur faible luminescence ne présente que deux zones interdites bien identifiées : la région spectrale correspondant au spectre Raman de premier ordre du diamant est situé autour de 1330 cm-1 et la zone Raman de second ordre entre 1900 et 2700 cm-1. Un autre intérêt de l’usage de la spectroscopie Raman dans l’étude sous haute pression repose sur la possibilité de sonder la pression interne (via la fluorescence du rubis) du chargement avec le même montage. Il existe cependant certaines difficultés inhérentes à la spectroscopie Raman et pouvant limiter son utilisation. La première tient à la faiblesse des intensités des pics de diffusions Raman, en particulier vis-à-vis du pic de diffusion élastique (Rayleigh). L’une des conséquences tient en la difficulté technique d’obtenir le signal Raman à basse fréquence (<100 cm-1). De plus, la faiblesse du signal dans certains échantillons conduit à la nécessité d’utiliser une puissance laser importante pouvant conduire à la modification ou détérioration de l’échantillon.

Les principes

L’effet Raman repose sur le processus d’interaction inélastique entre une onde électromagnétique (photon) et les modes de vibrations du réseau (phonons). Dans les expériences de diffusion Raman, le champ électrique ሬሬԦ (laser incident) de la radiation monochromatique de fréquence ν0 va induire dans le système étudié un moment dipolaire ’ሬԦ tel que : ’ሬԦ ൌ ሾȽሿሬሬԦ où [α] désigne un tenseur dit de polarisabilité. La polarisabilité représente la facilité avec laquelle le nuage électronique peut se distordre sous l’effet d’un champ électrique appliqué. Ainsi, dans le cas d’un solide (ou d’ensemble de molécule), la polarisabilité varie par rapport à l’orientation du champ électrique vis-à-vis de l’axe moléculaire et sera donc un tenseur d’ordre 3.

ቌ    ቍ ൌ ൭ Ƚ୶୶ Ƚ୶୷ Ƚ୶୸ Ƚ୷୶ Ƚ୷୷ Ƚ୷୸ Ƚ୸୶ Ƚ୸୷ Ƚ୸୸൱ ቌ   

En tenant compte du caractère oscillant du champ électrique dans le temps, on obtient :

34 avec ฮሬሬሬሬԦฮ, l’amplitude du champ électrique. Par ailleurs, pour de faibles amplitudes de vibrations de la molécule, la polarisabilité peut être décrite en fonction des coordonnées normales de vibrations “ሬԦ via un développement de Taylor au premier ordre :

ሾȽሿ ൌ ሾȽሿ ൅ ൬μሾȽሿ μ“ ୯ୀ୯

“

(3.2)

où Ƚ est la polarisablité à l’équilibre et q représente les vibrations de fréquences ɋ reliées aux phonons avec l’expression

“ ൌ “…‘•ሺʹɎɋ–ሻ. (3.3)

On peut finalement réécrire le moment dipolaire induit par le champ électrique oscillant comme : ’ሬԦ ൌ ሾȽሿሬሬሬሬԦ…‘•ሺʹɎɋ –ሻ ൅ ቆμሾȽሿ μ“ ୯ୀ୯ “ሬሬሬሬԦ …‘•ሺʹɎɋ –ሻ …‘•ሺʹɎɋ–ሻ (3.4) ’ሬԦ ൌ ሾȽሿሬሬሬሬԦ…‘•ሺʹɎɋ –ሻ ൅பሾ஑ሿப୯୯ୀ୯“ሬሬሬሬԦሾ…‘•ሺʹɎሺɋ ൅ ɋሻ–ሻ ൅ …‘•ሺʹɎሺɋെ ɋሻ–ሻሿ (3.5)

Le premier terme est associé à la diffusion (élastique) Rayleigh tandis que le second terme décrit la diffusion Raman (inélastique) et met en évidence deux fréquences de diffusion caractéristiques : ɋ െ ɋ (diffusion stokes) et ɋ ൅ ɋ (diffusion anti-stokes). Le photon diffusé dans le processus Raman ne possède pas la même énergie que le photon incident et conduira à la création (processus Stokes) ou annihilation (processus anti-Stokes) d’un phonon.

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Figure 3.1: Représentation des diffusions Raman Stokes et Anti-Stokes dans le cas d’un photon incident de fréquence ωi donnant un phonon de fréquence ωi et un photon de fréquence ωd.

La figure 3.1 présente une représentation quantique de ces phénomènes. Rappelons que la conservation de l’énergie et du vecteur d’onde impose les conditions suivantes:

¾ሬሬሬሬԦ ൌ ¾ ሬሬሬሬԦ േ ¾“ ሬሬሬሬԦ , (3.6)

¾ɘ ൌ ¾ɘേ ¾ɘ , (3.7)

où (ሬሬሬሬԦǡɘ ሻ, (ሬሬሬሬԦǡɘ ሻ et (“ሬሬሬሬԦǡɘ ሻ se rapportent respectivement au photon incident, au photon diffusé et au phonon crée (ou annihilé). Dans une configuration de rétrodiffusion, seule la diffusion de phonons provenant du centre de la zone de Brillouin (q ~ 0) est permise.

La diffusion Raman constitue un processus inélastique de premier ordre peu efficace. De façon générale, l’intensité de la raie Rayleigh est environ 103 fois plus faible que celle de l’excitatrice tandis que l’intensité des raies Raman est inférieure à 10-6 fois cette intensité (hors processus de Raman résonnants).

Si l’on en revient à l’expression (3.5) il est important de noter que si la dérivée de la polarisabilité en fonction de la coordonnée normale de vibration est nulle, alors le signal Raman n’est pas observé. Ainsi, pour qu’un mode de vibration soit actif en Raman il est nécessaire qu’il induise une variation dans le temps de la polarisabilité, soit : பሾ஑ሿப୯ ് Ͳ . Cette condition, communément désignée comme "règle de sélection Raman", étant gouvernée par la symétrie du cristal, l’activité Raman pourra ainsi être prédite via la théorie des groupes.

36 D’un point de vue pratique, il est intéressant de noter que l’expression (3.5) témoigne de la double sensitivité de la diffusion Raman vis-à-vis des propriétés mécanique (νi) et électriques ([α]) du matériau sondé. Il en résulte ainsi que 2 types de paramètres influenceront le profil des spectres :

o Les paramètres relevant d’un aspect "mécanique" tels que la masse atomique, la force des liaisons ou bien la géométrie du système (distances interatomiques ou substitution d’atomes) définiront la position de pics

o Les paramètres reliés au transfert de charge (structure de bande, caractère iono-covalent) moduleront l’intensité du signal.

Rappelons finalement que, bien que l’intensité du signal Raman soit reliée à la concentration de l’échantillon, il est nécessaire de garder à l’esprit que la polarisabilité est modifiée selon le type de liaison considérée. Aussi dans un mélange de phase, l’intensité relative des pics Raman ne peut être directement utilisée pour déterminer quantitativement le ratio des différentes phases présentes.

Nanomatériaux et matériaux désordonnés

Dans le cas d’un cristal infini et sans défauts, les modes normaux de vibration sont des ondes planes délocalisées dont la longueur de cohérence ne présente pas de limite. Le spectre Raman de premier ordre associé ne se compose que de modes de phonon localisés au centre de la zone de Brillouin q ~ 0 (en raison de la conservation du moment).

Dans le cas de nanocristaux en revanche, la symétrie de translation du réseau cristallin est brisée à la surface des grains réduisant significativement la longueur de cohérence des phonons mis en jeu dans le processus Raman. Un constat similaire apparaît pour des matériaux fortement désordonnés pour lesquels la longueur de cohérence est limitée par la présence d’impuretés ou par le désordre du réseau. Les phonons mis en jeu deviennent ainsi confinés spatialement. Ceci conduit généralement à un décalage ou un élargissement des bandes Ramans observés ainsi qu’à la participation de phonons au-delà du centre de la zone de Brillouin. Un autre effet possible consiste en l’activation de modes étant normalement interdits par symétrie. L’observation de ces derniers est ainsi fréquemment associée à la présence de distorsion importante du réseau cristallin ou à la présence d’impuretés 1. Le processus (inhérent aux matériaux désordonnés) dans lequel tous les modes de la zone de Brillouin participent au spectre de diffusion a été formulé par R. Shuker et R. W. Gammon 2 dans l’étude de verres et sera discutée en partie 5.6.2. Ce phénomène n’est a priori pas attendu à pression ambiante dans les nanocristaux de notre étude (sous réserve d’une densité de défauts raisonnable). En effet un calcul simple dans un nanocristal de 5 nm d’oxyde de zinc par exemple, conduit 3 à un ratio ݍ ݍൗ ௓஻̱ܿȀܮ̱ͲǤͲʹ, où q et qZB désignent respectivement le vecteur d’onde des phonons dans un cristal de dimension L et le vecteur d’onde de la première zone de Brillouin, c désigne un paramètre de maille de la structure hexagonale de type wurtzite de ZnO. Les modes restent ainsi très proches du point Γ de la zone de Brillouin.

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Instrumentation de la spectroscopie Raman

L’instrumentation d’un spectromètre Raman se résume essentiellement en trois composants: une source de lumière monochromatique (laser), un système optique permettant de collecter la lumière diffusée par l’échantillon et enfin un spectromètre dispersif associé à un système de détection très sensible. La grande majorité des mesures Raman présentées dans la suite du manuscrit sont obtenues à l’ILM (Université Lyon 1) via un spectromètre Raman non commercial représenté en figure 3.2 et constitué comme suit.

La raie verte d’un laser Argon 514.53 nm refroidi par air était utilisée comme longueur d’onde excitatrice. La puissance laser généralement utilisée en sortie était de 15mW (ou inférieure via l’utilisation de filtres) et était contrôlée afin de ne pas observer d’échauffements dans l’échantillon. Ce dernier était disposé sur une platine de translation permettant un déplacement micro-métrique de l’échantillon suivant les axes XYZ. Les cellules à enclumes de diamant utilisées sont montées avec des diamants IIA de faible fluorescence.

Figure 3.2 : (en haut) Schéma du montage pour une expérience de spectroscopie Raman. (en bas) Photo du dispositif expérimental

38 Un premier filtre interférentiel (filtre Notch Kaiser) est disposé en sortie du laser afin d’améliorer la résolution en énergie des photons. Le spectromètre Raman est configuré en géométrie de rétrodiffusion. Ce système offre notamment l’avantage de travailler sur des échantillons opaques. Un système de miroir est disposé afin de définir le trajet optique du laser. L’utilisation de miroirs à défauts de fibre optique (utilisés dans les spectromètres Raman commerciaux) permet à ce titre un gain conséquent de signal. La focalisation du faisceau sur l’échantillon est effectuée via l’utilisation d’un objectif Mitutoyo 50x, conduisant à une taille de faisceau au niveau de l’échantillon de l’ordre de 2μm. La lumière rétrodiffusée était collectée par cette même lentille. Il est disposé sur le trajet optique un second filtre Notch coupe-bande présentant un taux de rejet élevé dans une zone étroite de longueur d’onde, à savoir dans notre cas la raie Rayleigh rétrodiffusée. Un troisième filtre Notch peut être disposé en aval du périscope afin de filtrer les réflexions parasites. Finalement le signal est collecté par un spectrographe Acton 300i équipé d’une caméra CCD PIXIS de haute qualité.

L’enregistrement du signal est effectué par le logiciel Winspec tandis que les logiciels

Fityk ou Peakfit ont été utilisés pour décomposer les spectres Raman expérimentaux obtenus.

Après soustraction du bruit de fond les pics Raman sont simulés par des fonctions Lorentziennes.

3.1.2 La diffraction de Rayons X