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1.5 La mesure de la qualité de l’air et en particulier de l’ozone

1.5.2 Les mesures par télédétection

Le deuxième type de mesures possibles sont les mesures par télédétection, ou encore mesures dîtes « à distance ». La télédétection atmosphérique est l’étude à distance de l’at- mosphère à partir des caractéristiques du rayonnement qui s’y propage. En effet, le rayon- nement interagit avec les espèces chimiques présentes dans l’atmosphère (par absorption, diffusion, émission, cf. section 2.3). Ainsi en mesurant le rayonnement, on obtient une infor- mation indirecte sur les concentrations des espèces chimiques présentes dans l’atmosphère. Pour pouvoir exploiter cette information, et remonter à la distribution de la concentration de l’espèce chimique à analyser on doit passer par la modélisation du transfert radiatif (cf. section 2.3) et des algorithmes d’inversion de données (cf. section 2.5). Les domaines spec- traux utilisés pour les mesures par télédétection atmosphérique vont de l’ultraviolet aux ondes radio. De plus, il existe deux types de techniques de télédétection : la télédétection passive dans laquelle on utilise une source de rayonnement externe au système d’observation (généralement le soleil), et la télédétection active, dans laquelle on est maître de la source de rayonnement qui est générée par le système.

Les mesures de télédétection passive sont réalisées via des spectromètres. Les spectro- mètres sont des instruments capables de décomposer la lumière incidente en raies spectrales, mesurant ensuite la quantité de rayonnement présente dans chacune de ces raies. On dis- tingue plusieurs types de spectromètres (ceux à prisme, ceux à réseaux, ou ceux utilisant les deux -les grismes-, les spectromètres à transformée de Fourier, etc) faisant intervenir des techniques de mesure soit par dispersion, soit par transformée de Fourier. Plus de dé- tails sont donnés dans la section 1.5.2.1. Dans tous les cas, l’objectif in fine est le même, mesurer aussi précisément que possible la quantité de photons appartenant à une raie spec- trale donnée, aussi fine que possible. Ensuite, c’est un traitement complexe réalisé par les algorithmes d’inversion de données qui va permettre d’extraire de l’information spectrale les valeurs des concentrations des espèces chimiques à analyser et leurs distributions.

Les mesures de télédétection active sont réalisées par des LiDARs (Light Detection And Ranging) ou RADAR (RAdio Detection And Ranging, pour le rayonnement dans les longueurs d’onde radio). Le principe du LiDAR est basé sur l’émission active de photons dans l’atmosphère au moyen d’un laser pulsé, et de la mesure des photons rétrodiffusés par l’atmosphère résultant de la diffusion atmosphérique élastique et inélastique. C’est un système composé de un ou plusieurs télescopes paraboliques et de photo-multiplicateurs qui est chargé de mesurer ces photons rétro-diffusés. Ensuite l’analyse des caractéristiques de l’émission, et des photons rétro-diffusés reçus permet de calculer les valeurs de différents composés ou paramètres atmosphériques. Les divers systèmes LiDARs existants permettent

58 1.5. LA MESURE DE LA QUALITÉ DE L’AIR ET EN PARTICULIER DE L’OZONE

la mesure des aérosols, de la température, de la vapeur d’eau et de l’ozone troposphérique, de l’ozone stratosphérique, du CO2, etc. L’avantage d’un tel système est qu’il permet d’obtenir des profils verticaux des polluants atmosphériques avec une résolution verticale allant de la dizaine de mètre au kilomètre.

1.5.2.1 Les spectromètres

Comme évoqué précédemment, pour réaliser la mesure du spectre de lumière, on peut distinguer deux grandes types de spectromètres : Les spectromètres dispersifs et les spec- tromètres à transformée de Fourier.

Figure 1.10 – Schéma optique d’un spectromètre à réseau. Un rayonnement polychro- matique (composé de deux longueurs d’onde λ1 et λ2) traverse le réseau avec un angle

d’incidence θ0. L’angle du rayonnement sortant du réseau θe est alors dépendant de la lon-

gueur d’onde, on a ainsi un angle θe1 pour les rayons de longueur d’onde λ1, et un angle θe2

pour les rayons de longueur d’onde λ2. Le rayonnement est alors collecté par une lentille et

mesuré par un capteur placé à la distance focale f de la lentille.

Spectromètres dispersifs : ce sont les moyens de mesures les plus intuitifs pour mesu- rer l’information spectrale contenue dans le rayonnement. En effet, avec ces instruments, le rayonnement va être séparé en différents rayons monochromatiques, puis chaque rayon monochromatique va être mesuré séparément, donnant ainsi accès à l’information spectrale. Il existe différents types de systèmes dispersifs comme le prisme, le réseau par transmission, le réseau blazé, le grisme.

Si l’on se place par exemple dans le cas d’un réseau (par transmission), ses caracté- ristiques de disperseur lui sont données par ses nombreuses fentes qui vont permettre aux

ondes lumineuses diffractées par chaque fente d’interférer entre elles. Les caractéristiques d’un tel réseau sont :

— sa période (ou son pas) p et le nombre de fentes par unité de longueur F = 1 p,

— la largeur a de la fente,

— et la largeur L de la portion du réseau éclairé par le faisceau incident.

La lumière est diffractée par chaque fente et interfère à la sortie du réseau. Un capteur, placé dans le plan focal d’une lentille à la sortie du réseau, permet alors de mesurer les différentes composantes spectrales.

Pour un rayonnement arrivant sur le réseau avec un angle θ0 par rapport à la normale

au réseau, et sortant avec un angle θe, la différence de marche δ s’écrit :

δ = p(sinθe− sinθ0) = kλ (1.1)

où λ est la longueur d’onde et k représente l’ordre d’interférence.

L’une des caractéristiques les plus importantes d’un spectromètre à réseau et son pouvoir de résolution, P R, qui définit l’écart spectral minimal, Δλ, qu’est capable de résoudre l’instrument :

P R = λ

Δλ = mk (1.2)

le pouvoir de résolution dépend ainsi de l’ordre de l’interférence et du nombre de fentes du réseau éclairées, m.

La figure 1.10 représente le schéma optique d’un spectromètre à réseau.

Spectromètre à transformée de Fourier : la spectrométrie par transformée de Fourier repose sur le phénomène d’interférences à deux ondes et l’utilisation de l’interféromètre de Michelson (cf. Fig. 1.11). La rayonnement à mesurer va traverser une lame séparatrice divisant le faisceau en parts égales. L’un des faisceaux est dévié vers un miroir fixe et l’autre vers un miroir mobile, ce qui introduit une différence de chemin optique (ou différence de marche), δ. Après réflexion sur les deux miroirs, les faisceaux interfèrent. Le détecteur va ainsi mesurer l’intensité, I, en fonction de la différence de marche (δ), que l’on appelle interférogramme, I(δ) :

I(δ) =

0

B(ν)[1 + cos(2πνδ)] dν (1.3)

où B est la densité spectrale d’énergie caractérisant le rayonnement et ν est le nombre d’onde. L’équation (1.3) est alors composée d’un terme constant et d’un terme pair modulé I2 :

I2 =

0

B(ν)[cos(2πνδ)] dν (1.4)

Ce terme correspond à la transformée de Fourier en cosinus du spectre B(ν). La transfor- mation :

B(ν) =

−∞

I2(δ)[cos(2πνδ)] dδ (1.5)

60 1.5. LA MESURE DE LA QUALITÉ DE L’AIR ET EN PARTICULIER DE L’OZONE

La spectrométrie à transformée de Fourier procède donc en deux temps : l’interféro- gramme est d’abord enregistré en fonction de δ, puis sa transformée de Fourier restitue le spectre en fonction de ν.

En pratique, le déplacement du miroir mobile est limité, δ est ainsi limité à une valeur maximale δmax. On ne mesure ainsi pas l’interférogramme complet, mais seulement ses va-

leurs pour δ allant de −δmax à δmax. Cela revient ainsi à mesurer le spectre du rayonnement

convolué par une fonction sinus cardinal (qui est la transformée de Fourier d’une fonction porte). Pour diminuer les maxima secondaires de la fonction sinus cardinal qui détériorent le signal, on convolue généralement l’interférogramme par une fonction appropriée. C’est ce qu’on appelle l’apodisation qui, en contrepartie, dégrade la résolution.

Avec l’apodisation, la résolution de l’instrument Δν est déterminée par le déplacement maximal du miroir mobile suivant :

Δν = 1

2δmax (1.6)

Figure1.11 – Schéma optique d’un interféromètre de Michelson. 1.5.2.2 Télédétection à partir des satellites

Les mesures par télédétection ont connu un succès retentissants depuis l’avènement du premier satellite de télédétection de la surface terrestre, LANDSAT 1, lancé en 1972 par les États-Unis. Très vite de nombreuses nations ont saisi l’intérêt de pouvoir disposer de moyens d’observation embarqués à bord des satellites. En effet, la télédétection satellite, ou encore l’observation de la Terre depuis l’espace, permet de répondre à des enjeux à la fois scientifiques, économiques et stratégiques. La France est elle-même impliquée directement

dans des projets d’observation de la Terre depuis l’espace, notamment avec les satellites de surveillance Helios et SPOT, le satellite d’océanographie Jason-1, ou encore les satellites météorologiques METEOSAT.

L’engouement des nations pour la télédétection satellite a ainsi permis l’essor des sa- tellites météorologiques et scientifiques, dédiés à l’étude de l’atmosphère. Pour étudier l’at- mosphère, on peut distinguer deux types de visée du satellite :

— La visée au limbe, c’est à dire une visée tangente à l’atmosphère (cf. Fig. 1.12), elle permet d’avoir une bonne résolution verticale, mais une mauvaise résolution horizon- tale. De plus la visée au limbe ne permet pas les mesures dans les couches les plus basses de l’atmosphère. Pour ces raisons, on n’utilisera pas cette visée dans notre étude.

— La visée au nadir, c’est à dire lorsque le satellite vise la surface terrestre (cf. Fig. 1.12), elle permet d’avoir une bonne résolution horizontale, mais une mauvaise résolution verticale, dépendant des caractéristiques du capteur.

Figure 1.12 – Schéma décrivant les deux types de visée satellite. (À gauche) La visée au nadir. (À droite) La visée au limbe.

On peut également distinguer deux types d’orbites :

— L’orbite basse (qui est souvent dans le cadre de l’observation de la Terre également une orbite polaire héliosynchrone) est une orbite circulaire se situant entre 300 et 1 000 km d’altitude. On parle d’orbite polaire lorsque l’inclinaison de l’orbite est proche de 90°, ce qui la fait passer au-dessus ou près des pôles. Un satellite situé sur une orbite polaire passe régulièrement au-dessus de tous les points de la surface grâce à la rotation de la Terre. De plus, les orbites héliosynchrones permettent de passer toujours à la même heure solaire locale au-dessus d’un lieu donné, ce qui est utile pour comparer les mesures au-dessus d’un même lieu entre elles car on s’affranchit des effets

62 1.5. LA MESURE DE LA QUALITÉ DE L’AIR ET EN PARTICULIER DE L’OZONE

lumineux liés aux différentes positions du soleil. Cependant, comme le montre la figure 1.13, pour espérer pouvoir réaliser des mesures au-dessus de l’Europe, avec un temps de revisite moyen de 1 h (contrainte liée à la mesure des constituants chimiques pour la qualité de l’air), il faudrait lancer une quinzaine de satellite en orbites basses. — L’orbite géostationnaire est une orbite circulaire située dans le plan de l’équateur

à une altitude de 35 786 km. À cette altitude, la période de révolution du satellite correspond exactement à la période de rotation de la Terre, soit 23 heures, 56 minutes et 4 secondes. Vu de la Terre, un satellite géostationnaire semble immobile dans le ciel, cette orbite est donc particulièrement intéressante pour suivre l’évolution d’un processus au-dessus d’une zone fixe du globe. De plus, malgré la perte de flux avec la distance, qui est donc plus importante dans le cas des satellites géostationnaires que pour les satellites en orbites basses, le fait que le satellite géostationnaire ait une position apparente fixe permet de réaliser des mesures avec un temps d’intégration beaucoup plus long que celui des satellites en orbites basses. De plus, trois satellites géostationnaires suffisent pour couvrir l’ensemble de la surface du globe terrestre (en dehors des pôles). Cependant, la mise en orbite d’un satellite géostationnaire nécessite, du fait de l’altitude, un lanceur puissant, et est donc très cher (∼100 millions d’euros).

Figure1.13 – Nombres de satellites en orbites basses nécessaires pour couvrir l’Europe. (À gauche) Pour une résolution spatiale de 1° (environ 100 km). (À droite) Pour une résolution spatiale de 0,4° (environ 40 km). D’après Lahoz et al. (2012).