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2.3 Simulation du rayonnement

2.3.1 Généralités sur les modèles de transfert radiatif

Nous savons, entre autres depuis les travaux d’Einstein et de Louis De Broglie, que le rayonnement électromagnétique a une nature à la fois ondulatoire et corpusculaire. Son vecteur est la particule baptisée photon. Chacune de ces particules transporte une énergie E telle que : E = h×cλ . Avec h la constante de Planck (h = 6, 626.10−34 J.s), c la valeur de la célérité de la lumière dans le vide et λ la longueur d’onde du rayonnement élec- tromagnétique. Ces photons sont capables d’interagir avec les autres particules du milieu traversé, notamment atomes et molécules, provoquant alors absorption et ré-émission de quanta d’énergie à nouveau sous la forme de photons. C’est en fonction de la physique sous-jacente que les photons, liés à une émission/absorption, ont une longueur d’onde (et par conséquent une énergie) plus ou moins élevée, en effet lors de l’interaction avec une molécule on peut distinguer trois cas de transition d’énergie :

— Les transitions de type électronique, c’est à dire liées au changement d’orbitale molé- culaire ou atomique d’un électron. Ces transitions sont associées à des énergies élevées résultant en l’émission ou l’absorption de photons dans l’ultraviolet et le visible. — Les transitions de type vibrationnelle, c’est à dire liées aux mouvements des atomes

dans une molécule. Ces transitions sont associées à l’émission ou l’absorption de pho- tons dans le domaine du visible et de l’infrarouge.

— Les transitions de type rotationnelle, c’est à dire liées aux mouvements d’une molécule autour d’un axe. Ces transitions sont associées à des énergies faibles résultant en l’émission ou l’absorption de photons dans l’infrarouge lointain et micro-ondes. Chaque transition d’énergie émet/absorbe ainsi un photon à une longueur d’onde (ou encore le nombre d’onde ν = 1

λ) donnée, ce qui correspond à ce que l’on appelle une raie

s’étaler sur une gamme de longueur d’onde (ou nombre d’onde). On distingue 3 types d’élargissement :

— L’élargissement naturel des raies spectrales. En effet le principe d’Heisenberg en méca- nique quantique stipule que tout état excité dont la durée de vie est limitée par Δt aura une incertitude sur son état d’énergie E telle que ΔE = h

2πΔt, ce qui conduit donc a

une incertitude sur le nombre d’onde de la transition (ν0) telle que Δν0 = 2πc1 Δt. Une

transition donnée donnera donc un photon de nombre d’onde compris entre ν0− Δν0

et ν0+ Δν0.

— L’élargissement Doppler, apparaît lorsque la molécule émettrice (ou absorbante) a une vitesse dont la composante suivant la direction de propagation du rayonnement est u par rapport à l’observateur. Il y a alors un changement du nombre d’onde lié à l’effet Doppler tel que Δν = ν0uc. La distribution spectrale de l’intensité de la raie

sur cette intervalle de nombre d’onde (on parle de « forme de la raie ») va également varier suivant une fonction gaussienne :

gD(ν− ν0) = 1 αD√π exp((ν− ν0) 2 α2 D ) avec αD = ν0 c � 2kT m mreprésentant la masse de la molécule.

— L’élargissement collisionnel. Ce dernier est prédominant dans la troposphère, et cor- respond au fait que lorsque deux molécules sont en interaction, les niveaux d’énergie d’une transition donnée vont être légèrement modifiés. La forme de la raie est alors modifiée selon une loi de Lorentz :

gL(ν− ν0) = αL π[(ν− ν0)2+ α2L] avec αL = αL,0 p p0 (T0 T ) 2

αL représente la demi-largeur de raie à mi-hauteur, et est proportionnelle au nombre

de collisions par unité de temps, ce qui explique sa dépendance en fonction de la pression et de la température. n est un indice compris entre 0,3 et 1 selon la molécule. Le profil résultant de ces sources d’élargissement est appelé profil de Voigt, il correspond à la convolution d’une gaussienne et d’une lorentzienne.

En s’intéressant au devenir d’un photon lorsqu’il interagit avec la matière, on peut distinguer deux processus différents, l’absorption et la diffusion :

— L’absorption est le processus associé à la disparition du photon et à la transmission de son énergie à la matière sous forme d’énergie cinétique. Comme on l’a vu précé- demment, l’absorption dépend directement de la transition énergétique, donc de la raie spectrale, à laquelle elle est associée. L’efficacité de l’absorption d’un photon à un nombre d’onde donnée et pour une transition énergétique donnée, va ainsi dépendre de l’intensité (S) de la raie spectrale et de sa forme (g(ν − ν0)). On modélise ainsi

souvent les processus d’absorption en passant par ce que l’on appelle la section efficace d’absorption (kabs) définie par : kabs(ν) = Sg(ν− ν

0), et plus généralement, pour un

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c, on utilise le coefficient d’absorption (σabs) tel que : σabs(ν) = �p

i=1kiabs(ν)ci. Au

final si l’on étudie la variation de la radiance (I) par absorption lors de la traversée d’un milieu de longueur ds, on retrouve la loi de Beer-Lambert :

dIν

ds =−σ

abs ν (s)Iν

— La diffusion (élastique) est le processus résultant de l’interaction entre un photon et la matière sans qu’il y ait modification de leurs énergies, seule la trajectoire du photon est modifiée. En fonction de la longueur d’onde du photon par rapport au diamètre (d) de la particule sur laquelle le photon va être diffusé, on utilise différentes théories : la diffusion Rayleigh dans le cas où λ � d (diffusion moléculaire), l’optique géométrique dans le cas où λ � d (diffusion avec les gouttes d’eau), et dans le cas intermédiaire on utilise une théorie plus générale : la diffusion de Mie (diffusion des aérosols). Comme pour l’absorption, on peut exprimer la diffusion à partir d’une section efficace de diffusion (σdif f), cependant associée cette fois-ci a une fonction de phase (p(θ), avec θ

l’angle de diffusion) pour prendre en compte la directionnalité du rayonnement diffus. Ainsi par exemple dans le cas de la diffusion moléculaire dans l’air, la diffusion de Rayleigh nous donne :

σdif f(λ) = 24π 3 N2λ4 (m2− 1)2 (m2+ 1)2 et p(θ) = 3 4(1 + cos 2(θ))

avec m l’indice de réfraction de l’air, et N la densité de molécules.

De plus, depuis les travaux de Planck en 1900, on sait que tout corps noir émet un rayonnement en fonction de sa température selon la loi de Planck :

Bλ(T ) =

2hc2

λ5[e(kT λhc )− 1]

Sachant que l’on peut relier l’émission de tout corps à son émissivité � et la loi du corps noir avec : Iem

λ (T ) = �λ(T )Bλ(T ), et que la loi de Kirchhoff stipule qu’à l’équilibre thermodyna-

mique local (ce qui est globalement valide dans l’atmosphère) on a : � = σabs, on peut en

déduire la formulation générale de la variation de la radiance lors de la traversée d’un milieu de longueur ds en tenant compte seulement des processus d’émission et d’absorption :

dIλ

ds =−σ

abs

λ (s)[Iλ− Bλ(T )]

Au final, en couplant tous ces processus, on obtient l’équation générale du transfert radiatif :

dIλ

ds =−[σ

abs

λ (s) + σλdif f(s)]Iλ+ σλabs(s)Bλ(T ) +

σλdif f(s) 4π

où P (Ω, Ω�)représente la probabilité, décrite par la fonction de phase, qu’un photon vu à

travers l’angle solide Ω soit diffusé vers l’angle solide Ω�. Ainsi on retrouve que le rayon-

nement, pour une ligne de visée donnée, traversant un milieu dépend du rayonnement en entrée, de l’absorption qu’il a subi durant sa traversée, et de la diffusion qu’il a subi et l’ayant amené en dehors de la ligne de visée. Auquel on ajoute le rayonnement émis le long de la ligne de visée à l’intérieur du milieu, et le rayonnement dans le milieu qui a subi une diffusion l’ayant amené sur la ligne de visée.

Les modèles de transfert radiatif résolvent l’équation générale du transfert radiatif (2.2), et ce pour toutes les longueurs d’onde d’intérêts. Souvent la modélisation diffère lors de l’étude d’une bande de longueur d’onde à une autre du fait que plusieurs approximations peuvent être faites, simplifiant l’équation. Par exemple lors de l’étude du transfert radiatif dans l’atmosphère, dans le cas de la bande du visible, le milieu traversé étant à une tempé- rature avoisinant les 300 °K il ne pourra pas émettre via la loi de Planck de rayonnement visible, on peut donc négliger le terme d’émission Bλ(T ). Également, dans le cas du rayon-

nement infrarouge thermique, la diffusion moléculaire étant décroissante avec la longueur d’onde en 1

λ4 elle peut être négligée. Enfin, nous ne nous sommes intéressés qu’à la modéli-

sation de l’intensité du rayonnement, décrivant ainsi le flux de photons traversant le milieu d’étude, mais en réalité il faudrait également décrire la nature ondulatoire de la lumière en passant par exemple par le formalisme de Stokes qui décrit l’onde lumineuse comme un vecteur à 4 composantes : I, Q, U, V ; avec I l’intensité lumineuse, V l’intensité de pola- risation circulaire, et L = Q + iU l’intensité de polarisation rectiligne. Bien que la lumière du soleil soit dite non-polarisée (car l’état de polarisation est orienté de façon aléatoire, ce qui en moyenne revient à une polarisation nulle), ce n’est plus vrai lors de sa traversée de l’atmosphère, en particulier à cause des processus de diffusion qui vont orienter l’état de polarisation vers une direction préférentielle. Une étude sur l’impact de la polarisation sur l’inversion de données est présentée en section 2.6.