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2.5 L’inversion de données

2.5.1 Généralités sur l’inversion de données

Par définition, un problème inverse est une situation dans laquelle on tente de détermi- ner les paramètres conduisant à un phénomène observé à l’aide d’instruments. Pour pouvoir résoudre un problème inverse il faut d’abord modéliser le phénomène, dit modèle direct, permettant ainsi de relier les divers paramètres du modèle aux effets observables expérimen- talement. Ensuite, la démarche consiste à approximer au mieux les différents paramètres du modèle de sorte que le résultat du modèle direct soit le plus proche possible des mesures, on parle alors de méthode d’inversion de données. La difficulté de l’inversion de données réside dans le fait que généralement les seules mesures ne suffisent pas à déterminer de manière unique tous les paramètres du modèle, on parle alors de problème mal posé, et aussi du fait que parfois les problèmes sont non linéaires, c’est à dire que le résultat du modèle di- rect peut s’approcher des mesures alors que les paramètres du modèle direct s’écartent des paramètres réels. Il faut alors ajouter des contraintes ou des a priori permettant de réduire l’espace des possibilités de façon à aboutir à une solution unique.

Une méthode d’inversion consistant à déduire la meilleure estimation statistique d’un état de l’atmosphère à partir des mesures spectrales, du modèle direct, et de la connaissance a priori de l’état de l’atmosphère, est décrite dans Rodgers (2000). Nous nous proposons dans la suite de décrire cette méthode, dite d’estimation optimale.

2.5.1.1 Le modèle direct

On peut donc modéliser un état mesuré y à partir d’un modèle direct F dépendant de divers paramètres, et d’une erreur de mesure �. On distingue parmi tous les paramètres du modèle direct ceux que l’on va vouloir par la suite inverser, que l’on place alors dans le vecteur d’état x, des paramètres restants b :

y = F (x, b) + � (2.4)

Cette description de la mesure est d’autant plus facile à comprendre que cela représente exactement ce que l’on a mis en place jusqu’à présent pour modéliser les observations de notre instrument virtuel.

En supposant que le modèle direct est linéaire autour d’une valeur a priori du vecteur d’état xa et des paramètres ˆb, on peut linéariser l’équation (2.4) :

y = F (xa, ˆb) + ∂F ∂x(x− xa) + ∂F ∂b(b− ˆb) + � (2.5) On pose alors ∂F ∂x = Kx, et ∂F

∂b = Kb, respectivement les jacobiens du vecteur d’état et des

paramètres du modèle.

2.5.1.2 Le modèle inverse

Le problème inverse consiste donc maintenant à retrouver une estimation du vecteur d’état ˆx, la plus proche possible de la solution réelle x, à partir de la connaissance d’un état mesuré y et d’une estimation des paramètres ˆb :

ˆ

x = R(y, ˆb) = R(F (x, b) + �, ˆb) (2.6)

On peut alors à nouveau linéariser autour de l’état a priori xa et des paramètres ˆb :

ˆ

x = R[F (xa, ˆb) + Kx(x− xa) + Kb(b− ˆb) + �, ˆb] (2.7)

qui après linéarisation du modèle inverse par rapport à y donne : ˆ

x = R[F (xa, ˆb)] +

∂R

∂y[Kx(x− xa) + Kb(b− ˆb) + �] (2.8)

En posant ∂R

∂y = Gy la matrice de gain du modèle inverse, GyKx= ∂ ˆx

∂x = Ala matrice des

fonctions de balayage (en anglais, averaging kernels -AVKs-) et Kb(b− ˆb) + � = �y l’erreur

totale de la mesure relative au modèle direct, on peut alors ré-écrire l’équation 2.8 ainsi : ˆ

x = R[F (xa, ˆb)] + A(x− xa) + Gy�y (2.9)

Sachant que si la méthode d’inversion est fiable R[F (xa, ˆb)] = xa, on peut alors réécrire

(2.9) :

ˆ

x = Ax + (I − A)xa+ Gy�y (2.10)

où I est la matrice identité.

L’équation (2.10) nous permet ainsi de mieux cerner le rôle de la matrice des AVKs, A. En effet, cette dernière représente la sensibilité de l’état estimé par rapport à l’état réel, et permet d’estimer la qualité de l’inversion en général. Ainsi dans le cas parfait, Gy�y

tend vers 0 et la matrice des AVKs est égale à la matrice identité. Toute l’information de l’inversion provient alors de la mesure et l’on obtient ˆx = x.

D’après Rodgers (2000) la résolution du problème inverse revient à minimiser l’écart entre les radiances mesurées y et les radiances calculées par le modèle direct F (x), et l’écart

96 2.5. L’INVERSION DE DONNÉES

entre le vecteur d’état x et l’a priori xa, tout en considérant les matrices de covariance

d’erreur associées à la mesure et à l’a priori, respectivement S� et Sa :

�y − F (x)�2 S�−1+�x − xa� 2 Sa−1 = (y− F (x)) TS−1 � (y− F (x)) + (x − xa)TSa−1(x− xa)

Cependant, à cause de la non-linéarité de F (x) il est nécessaire d’utiliser une minimisation itérative, par exemple de type Gauss-Newton, qui nous donne alors :

xi+1= xi+ (KiTS�−1Ki+ Sa−1)−1[KiTS�−1(y− F (xi))− Sa−1(xi− xa)] (2.11)

avec i le numéro de l’itération et Ki le jacobien à l’itération i.

On peut alors écrire la matrice de gain du modèle inverse ainsi :

Gy = (KTS�−1K + Sa−1)−1KTS�−1 (2.12)

ce qui donne pour la matrice des AVKs : A = (KTS−1

� K + Sa−1)−1KTS�−1K (2.13)

Enfin, il est également utile de définir les degrés de liberté de l’inversion (en anglais, Degrees of Freedom for Signal -DFS-) tel que : DFS = tr(A), c’est à dire la trace de la matrice des AVKs. Les degrés de liberté représentent la quantité d’information indépendante à un niveau donné issu de l’inversion.

2.5.1.3 L’estimation des erreurs

L’avantage à utiliser cette méthode d’inversion est de pouvoir estimer les contributions des diverses sources d’erreurs possibles. En effet, si l’on reprend l’équation (2.10) et qu’on la réécrit en exprimant l’erreur sur l’inversion, ˆx − x, on obtient :

ˆ

x− x = (A − I)(x − xa) + GyKb(b− ˆb) + Gy�

Ainsi le terme (A − I)(x − xa) représente l’erreur de lissage que l’on peut réécrire en

terme de matrice de covariance d’erreur Ss :

Ss= (A− I)Se(A− I)T

où Se est la covariance d’un ensemble d’états réels par rapport à l’état moyen. L’erreur

de lissage dénote l’erreur commise à partir de l’état a priori et du lissage du profil par les AVKs.

Le terme GyKb(b− ˆb) représente l’erreur sur l’estimation des paramètres non-inversés

du modèle. La matrice de covariance d’erreur s’écrit alors : Sp = GyKbSbKbTGTy

où Sb correspond à la matrice de covariance d’erreur des paramètres b du modèle direct, et

Kb le jacobien correspondant. Elle dénote l’erreur commise par la connaissance imparfaite

des paramètres du modèle.

Enfin le terme Gy� représente l’erreur de bruit de mesure. La matrice de covariance

d’erreur associée est :

Sm= GyS�GTy

Cette erreur représente la propagation de l’erreur de mesure sur l’inversion.

Au final, on peut déduire à partir de ces erreurs la matrice de covariance d’erreur totale sur l’estimation Stot :

Stot= Ss+ Sp+ Sm