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Erosion de l'Himalaya et transport sédimentaire dans le système Gange-Brahmapoutre

3.3 Mesure de la vitesse du courant

contacts avancés avec les organisations chargées de la surveillance des rivières du Bangladesh (WARPO), nous ne sommes malheureusement pas parvenus à obtenir les relevés journaliers de hauteur d'eau ou de débit correspondant aux périodes auxquelles nous avons réalisé les échantillonnages. Cependant, depuis une vingtaine d'années l'avènement de sondes permettant de mesurer en temps réel la vitesse du courant depuis la surface jusqu'au fond de la rivière a permis de grands progrès dans l'étude de la répartition des vitesses de courant au sein des grandes rivières. Nous avons donc utilisé ce type d'appareil sur les fleuves du Bangladesh afin de mesurer la répartition des vitesses de courant.

3.3.1 La mesure de la vitesse du courrant par ADCP

L'ADCP, Acoustic Doppler Current Profiler, est une sonde émetteur-récepteur de mesure de la vitesse de courant basée sur la réflexion d'une onde acoustique émise sur les particules solides en suspension dans l'eau. L'onde acoustique incidente est émise par la sonde avec une fréquence connue, le récepteur de l'ADCP mesure en continu l'onde réfléchie par les particules en suspension. Le mouvement des particules par rapport à la sonde modifie la fréquence de l'onde réfléchie par effet Doppler. Le décalage en fréquence entre l'onde incidente et l'onde réfléchie est proportionnel à la vitesse de déplacement des réflecteurs. Il est ainsi possible de déterminer la vitesse des particules en suspension en analysant l'onde réfléchie. Grâce à un système de 4 émetteurs-récepteurs disposés selon 2 plans orthogonaux et orientés à 20° de la verticale, l'ADCP mesure la vitesse du courant selon les 3 directions principales de l'espace (2 composantes planes et une composante verticale). Le signal est intégré sur une cellule virtuelle parallélépipédique dont la taille est fixée par l'utilisateur. L'ADCP est également munie d'un sonar qui permet de mesurer la profondeur de la rivière à chaque instant ainsi que d'un compas qui indique la trajectoire et la vitesse de déplacement du bateau par rapport au lit de la rivière supposé fixe. D'un point de vue pratique, l'ADCP est immergée dans l'eau à partir du bord d'un bateau et connectée à un ordinateur qui effectue en temps réel le traitement des données. Au cours du déplacement du bateau sur la rivière, l'ADCP enregistre donc la profondeur totale de la rivière, la vitesse du courant en tout point situé à la verticale du bateau ainsi que le déplacement du bateau. Des contraintes physiques rendent impossible la mesure de la vitesse de la cellule située en surface et de celle située directement au-dessus du fond. Toutefois, le logiciel de traitement des données extrapole ces vitesses à partir de la loi mesurée d'évolution de la vitesse avec la profondeur.

3.3.2 Utilisation de l'ADCP sur les rivières du bassin du Gange-Brahmapoutre

Au cours des missions d'échantillonnage 2004 et 2005 au Bangladesh, la sonde ADCP de l'IPGP du type Rio Grande 600 kHz a été utilisée afin de mesurer la vitesse du courant lors de la réalisation des profils d'échantillonnage en profondeur de matières en suspension. Des profils transversaux d'une rive à l'autre ont également été réalisés. Compte tenu du type d'appareil utilisé, les principales limitations directement reliées aux caractéristiques des rivières du basin du Gange-Brahmapoutre sont : (1) la vitesse élevée du courant et (2) la présence de zones de fortes turbulences. En théorie la vitesse de déplacement de l'embarcation ne doit pas dépasser celle du courant afin de garantir une meilleure qualité de mesure. Sur les rivières du bassin du Gange-Brahmapoutre, cette condition est en pratique très difficile à satisfaire à cause de vitesses de courant importantes qui, lorsque la vitesse de déplacement du bateau est trop faible, engendrent une forte dérive vers l'aval. En outre, pendant la mousson les rivières du bassin du Gange-Brahmapoutre sont très turbulentes du fait de vitesses de courant élevées associées à de fortes irrégularités topographiques de leur lit. Localement, ces écoulements turbulents génèrent de rapides et intenses variations du vecteur vitesse qui génèrent une forte perturbation du signal reçu par l'ADCP. Afin de limiter l'effet de ces deux contraintes sur la qualité de la mesure ADCP, la solution adoptée a été d'augmenter à la foi la profondeur des cellules et le temps d'intégration. Ceci a permis d'obtenir en 2005 des profils de vitesse de bonne qualité, y compris dans des conditions très défavorables telles que celles rencontrées sur le Brahmapoutre.

3.3.3 Répartition de la vitesse de courant dans les rivières du bassin du

Gange-Brahmapoutre

Figure 3.10 : Profils de vitesses typiques réalisés par mesure ADCP sur le Gange à Harding Bridge (haut) et le Brahmapoutre à Sirajganj (bas) au cours de la mousson 2005. La vitesse du courant, représentée par un code de couleur, correspond à la norme du vecteur vitesse principal. Les zones en blanc correspondent à des zones de turbulences ou de vitesses de surfaces élevées que l'ADCP n'a pas pu mesurer correctement. Le trait foncé représente le fond de la rivière détecté par le sonar de l'ADCP. Les deux profils font apparaître de forts gradients de vitesse entre la surface et le fond ainsi qu'entre le centre des chenaux et les berges.

Les topographies du fond du Gange, du Brahmapoutre et de la Lower Meghna au Bangladesh sont notablement différentes. Dans le détail, cela génère d'importantes différences dans la répartition des vitesses de courant dans une section transversale. Le Gange à Harding Bridge à une section assez régulière marquée par la présence d'un chenal unique occupant environ 50 % de la largeur de la rivière (figure 3.10). La différence de régime d'écoulement est bien marquée entre (1) le chenal où le gradient vertical de vitesse est fort et la vitesse de surface élevée et (2) les zones calmes proches des rives où la vitesse de surface et le gradient vertical de vitesse sont modérés. Le Brahmapoutre à Sirajganj possède un fond nettement plus irrégulier, la profondeur de la rivière évoluant de façon brutale, parfois de plusieurs mètres en quelques mètres de déplacement latéral (figure 3.10). Il est divisé en plusieurs chenaux plus

ou moins profonds souvent séparés par des lignes de "chaurs", nom donné à ces morceaux de berges transformés en îles par la montée des eaux. A proximité des berges et des lignes de chaurs, la vitesse en surface est faible et le gradient vertical de vitesse est limité alors que les chenaux principaux présentent des gradients verticaux élevés et des zones de fortes turbulences marquées par de brusques variations latérales de la vitesse. On note, à peu de distance de la rive droite, la présence d'un chenal double plus large et profond que les autres et qui peut donc être désigné comme le chenal principal (figure 3.10). C'est dans ce dernier que les profils d'échantillonnage en profondeur ont été réalisés. La topographie complexe du lit du Brahmapoutre résulte de l'inondation au cours de la mousson d'un lit majeur complexe, tel que peut l'être celui d'une grande rivière en tresse.

Le lit de Lower Meghna est délicat à caractériser du fait de la largeur démesurée du fleuve qui peut atteindre à certains endroits plusieurs dizaines de kilomètres. L'existence de nombreux bras rend l'architecture du fleuve très complexe, comme cela est souvent le cas dans la zone deltaïque des grands fleuves. En 2004, nous avons échantillonné le bras principal de la Lower Meghna près de l'île de Bhola, c'est à dire à peu de distance de l'embouchure (figure 3.1). L'embarcation utilisée, une frégate de la marine Bangla, ne nous a pas permis de réaliser de mesures dans les zones peu profondes (< 4 m). Cependant la largeur totale du fleuve dépassait certainement 10 km. La partie de la rivière sur laquelle nous avons pu mesurer la répartition des vitesses de courant possède une profondeur relativement constante et un gradient vertical de vitesse important avec néanmoins une zone plus profonde et calme très proche d'une ligne de chaurs (figure 3.11). En 2005, le mélange du Gange et du Brahmapoutre à été échantillonné plus en amont, au niveau de Mawa (figure 3.1). L'absence de multiples bras y rend l'architecture générale du fleuve plus simple qu'à Bhola (figure 3.11). Cependant, comme pour le Brahmapoutre à Sirajganj, on note de brusques variations de la profondeur et la présence de plusieurs chenaux majeurs. Deux sont particulièrement importants; le premier est assez étroit et possède une profondeur avoisinant les 20 mètres alors que le second profond d'une quinzaine de mètres est très large. C'est dans ce dernier que

Figure 3.11 : Profils de vitesses typiques réalisés par mesure ADCP sur la Lower Meghna à Bhola (haut) et la Padma à Mawa (bas). La vitesse du courant, représentée par un code de couleur, correspond à la norme du vecteur vitesse principal. Les zones en blanc correspondent à des zones de turbulences ou de vitesses de surfaces élevées que l'ADCP n'a pas pu mesurer correctement. Le trait foncé représente le fond de la rivière détecté par le sonar de l'ADCP. Les deux profils font apparaître de forts gradients de vitesse entre la surface et le fond ainsi qu'entre le centre des chenaux et les berges.

3.4 Estimation de la composition moyenne des matières en