• Aucun résultat trouvé

Cadre général de l'étude : le système himalayen

1.5 Débits et flux sédimentaires

L'existence de la mousson génère une très forte saisonnalité climatique et concentre l'essentiel des précipitations de juin à septembre (cf. § précédent). Cela se traduit par une forte variabilité du débit des rivières du bassin du Gange-Brahmapoutre (G-B). Pendant la mousson, le débit des rivières est un ordre de grandeur supérieur au débit d'étiage et environ 90 % du flux des rivières est transporté au cours des quatre mois de la mousson d'été (RSP, 1996)(figure 1.7).

Des études visant à estimer le débit du Gange et du Brahmapoutre ont été réalises dès la fin du XVIIIème

siècle. Ainsi, le Major James Rennell (1781) estime le débit moyen du

Gange pendant la mousson à environ 15000 m3

.s-1

. Au début du XIXème siècle, le Révérant Robert Everest (1832) réalise une étude remarquable de la variabilité du débit et du flux sédimentaire du Gange au cours de l'année et estime le débit moyen du Gange pendant la mousson à environ 18300 m3

.s-1

.

Les différents états et la communauté scientifique internationale ont finalement mis en œuvre un suivi temporel du débit des rivières du bassin himalayen à partir du milieu du XXème

siècle. Le débit annuel de plusieurs rivières du bassin a ainsi été estimé pendant plusieurs années. Ces estimations indiquent une forte variabilité interannuelle sans toutefois faire apparaître d'évolution claire de la valeur moyenne au cours de la période de mesure (RSP, 1996).

Pour la période 1949-1973, le flux annuel moyen du Gange au barrage de Farakka (Inde) est estimé à 379.6 km3

an-1

, soit un module annuel moyen autour de 12000 m3

s-1

(GRDC, 1996). Le flux annuel moyen du Brahmapoutre à Bahadurabad (Bangladesh) a été estimé pour la période 1969-1992 à 690.0 km3

an-1

, soit un module annuel moyen autour de 22000 m3s-1 (GRDC, 1996). Ces estimations indiquent que le flux du Brahmapoutre est presque 2 fois plus élevé que celui du Gange alors qu'à contrario la surface du bassin du Gange est plus élevée que celle du bassin du Brahmapoutre. Cela se traduit par un écoulement spécifique (ou runoff) 2 à 4 fois plus élevé pour le Brahmapoutre que pour le Gange ce qui est en accord avec le contraste de précipitation entre les deux bassins (cf. § précédent).

Figure 1.7 : Hydrogramme du Brahmapoutre à Bahadurabad (Bangladesh) et du Gange à Hading Bridge (Bangladesh) pour l'année hydrologique 1995-1996. L'essentiel du débit est imputable à la période de la mousson d'été (Juin-Septembre). Le retard de l'augmentation de débit du Gange est classique et correspond à une arrivée plus tardive de la mousson sur l'Ouest de la chaîne Himalayenne. La localisation précise des sites de mesure est indiquée sur la figure 1.3. Les données sont issues du rapport RSP (RSP, 1996).

L'estimation du flux sédimentaire des rivières est beaucoup plus difficile que celle des débits. Le Révérant Robert Everest (1832) est l'un des premiers à proposer une estimation du flux de sédiment du Gange; il propose une valeur moyenne de 613106 t.an-1. Au cours des 50 dernières années, de nombreuses études ont été réalisées sur les rivières du bassin Himalayen

Une compilation des différentes données disponibles fait apparaître une très grande dispersion des valeurs reportées, en partie due à l'emploi de techniques différentes. En pratique, il est souvent difficile de juger de la qualité des estimations en l'absence d'une description précise de la méthodologie employée. Cependant, le River Survey Project (RSP, regroupement d'organisations gouvernementales Bangla et d'un groupe d'étude Hollandais) a réalisé une série d'études au cours des années 90 qui (1) discutent la validité des différentes estimations réalisées à ce jour et (2) proposent une ré-estimation des flux sédimentaires du Gange, du Brahmapoutre et de leur réunion au Bangladesh. Les estimations fournies par RSP (RSP, 1996) sont objectivement les plus fiables compte tenu de la méthodologie employée, en particulier la mesure de la vitesse du courrant par sonde ADCP et l'échantillonnage de la charge solide en de nombreux points de la section des rivières. Les estimations réalisées pour la Lower Meghna sont fortement sujettes à caution du fait de l'influence des marées qui rendent très délicat l'établissement de courbes de calibrations entre débit liquide et débit solide. On peut donc retenir les estimations suivantes de flux annuel moyen de matière en suspension: 550106 t.an-1 pour le Gange à Harding Bridge (Bangladesh) et 600106 t.an-1 pour le Brahmapoutre à Bahadurabad (Bangladesh). L'incertitude sur ces estimations est estimée par le RSP à ± 10 %. Compte tenu de la différence d'écoulement spécifique entre les bassins du Gange et du Brahmapoutre, il est surprenant que les flux de matière en suspension associés à ces deux fleuves soient aussi peu différents. Ce point sera discuté au chapitre III. Le flux total de matière en suspension délivré à l'océan peut être calculé comme la somme des flux du Gange et du Brahmapoutre en supposant le terme de dépôt négligeable, on obtient 1150106

t.an-1

. Finalement, il semble raisonnable de considérer la valeur de 1109

t.an-1

comme la meilleure estimation du flux de matière en suspension associé au transport fluvial dans le bassin du G-B. A ce flux de matière en suspension, il convient toutefois d'ajouter le flux de sédiments transportés au fond de la rivière aussi dénommé la charge de fond. Ce flux est extrêmement difficile à estimer car il n'est pas possible de le mesurer directement. Cependant, l'étude de la dynamique du transport sédimentaire dans les grandes rivières a montré que, dans le cas des rivières du bassin himalayen, la proportion de sédiment transportés par la charge de fond doit être nettement supérieure à 10 %, valeur moyenne typique des rivières mondiales (Coleman, 1969; Milliman and Syvitski, 1992; Dade and Friend, 1998). Sur la base d'un bilan géochimique, Galy et France-Lanord (2001) ont proposé que la somme du flux de charge de fond et de dépôt dans la plaine est équivalente au flux de matière en suspension et ont donc révisé à la hausse le flux total d'érosion de la chaîne

Himalayenne. Il apparaît donc clairement que pour des rivières à fort potentiel de transport telles que le Gange et le Brahmapoutre, le flux de charge de fond représente une part importante du flux sédimentaire total.