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Estimation de la composition moyenne des matières en suspension

Erosion de l'Himalaya et transport sédimentaire dans le système Gange-Brahmapoutre

3.4 Estimation de la composition moyenne des matières en suspension

Nous avons mis en évidence une forte hétérogénéité de la charge solide, de la composition des matières en suspension et de la vitesse de courant au sein des grandes rivières du basin du Gange-Brahmapoutre. Afin de caractériser le flux sédimentaire associé à

l'érosion de l'Himalaya il est donc nécessaire d'estimer la composition moyenne des particules en suspension exportées par ces rivières. Il s'agit de reconstruire par le calcul un sédiment théorique, la matière en suspension moyenne, dont la composition correspond à la composition moyenne des matières en suspension qui traversent une section de la rivière à chaque unité de temps. A partir de l'échantillonnage détaillé en profondeur des matières en suspension et de la mesure de la répartition de la vitesse du courrant associé il est possible de calculer la composition moyenne des matières en suspension le long de la verticale d'échantillonnage. Réalisé à partir des échantillonnages effectués dans le chenal principal, où la majorité des sédiments sont transportés, ce calcul permet d'obtenir une estimation de la composition de la matière en suspension moyenne. En outre, en 2005 nous avons également réalisé des profils d'échantillonnage dans des zones calmes du Gange et du Brahmapoutre. A partir de ces échantillonnages il a été possible d'estimer la variabilité latérale de la composition moyenne des matières en suspension au sein de la rivière. Ceci à finalement permis l'obtention d'une bonne estimation de la composition de la matière en suspension moyenne des trois rivières étudiées.

3.4.1 Intégration sur une verticale d'échantillonnage

L'estimation de la composition moyenne le long d'une verticale d'échantillonnage est basée sur l'intégration sur toute la verticale du flux de chaque élément X passant par un élément infinitésimal de surface ds. Le calcul discret en chaque point d'échantillonnage des flux élémentaire X est obtenu grâce à l'équation :

X = c  v  X

[ ]

(3.1) où :

c est la charge solide en g.l-1

, v est la vitesse des particules en m.s-1

de surface ds = 1dz. La valeur moyenne du flux X est finalement calculée en utilisant le théorème de la moyenne : X = 1/ Zmax X(Z) dZ 0 Zmax



(3.2)

où Zmax est la profondeur totale en mètre de la rivière au niveau de la verticale

d'échantillonnage considérée.

3.4.2 Vitesse de déplacement des matières en suspension collectées

Dans le calcul précédent, la vitesse des particules doit être connue pour chaque matière en suspension collectée et a donc été extraite à partir des mesures ADCP. En 2005 la sonde ADCP était en acquisition au moment même où les matières en suspensions étaient échantillonnées. Ce protocole présente le double avantage de (1) pouvoir connaître en temps réel la répartition des vitesses et ainsi de préciser son positionnement dans le chenal principal et (2) pouvoir extraire de l'enregistrement la valeur de la vitesse à l'endroit et au moment précis de la collecte des échantillons. Compte tenu du temps de remplissage de l'échantillonneur et afin de lisser d'éventuelles valeurs de vitesses anormales liées à des turbulences, la vitesse à été intégrée sur environ une minute à partir de l'ouverture de l'échantillonneur. En 2004, cette méthodologie d'échantillonnage n'a pu être mise en place pour des raisons techniques. Cependant, la mesure de la vitesse du courant a été réalisée au même endroit et le même jour que la collecte des échantillons. Ainsi, les vitesses de courant associées à chaque matière en suspension ont été extraites grâce à un positionnement précis des profils ADCP et de chaque échantillon par GPS.

Les différents échantillonnages réalisés sur le Gange, le Brahmapoutre et la Lower Meghna sont relativement comparables. Dans les zones de fort courant de surface, ils montrent une décroissance quasi-linéaire de la vitesse des particules avec la profondeur (figure 3.12). Dans les zones calme, la vitesse est relativement constante sur l'ensemble de la colonne d'eau.

3.4.3 Composition des matières en suspension moyenne

A partir des mesures réalisées en 2004 et 2005, les flux élémentaire X ont été calculés pour chaque profondeur d'échantillonnage. La variation de X avec la profondeur peut être modélisée par une relation polynomiale complexe, généralement d'ordre 4. Celle-ci résulte du produit de trois paramètres (c,v et [X]) dont la variation avec la profondeur est elle même décrite par un polynôme (en général, respectivement d'ordre 1, 1 et 2). L'intégration exacte de X est aisée puisque la primitive en est connue; elle ne nécessite pas l'emploi de méthode de résolution numérique.

Les résultats sont présentés sous la forme de rapports élémentaires pour les trois éléments majeurs pouvant être considérés en Himalaya comme insolubles : Si, Al et Fe (table 3.3).

Table 3.3 : Rapports Al/Si et Fe/Si moyens des sédiments transportés par le Gange, le Brahmapoutre et la Lower Meghna en Juillet 2004 et 2005. La composition moyenne des matières en suspension transportées par chaque rivière correspond à la valeur obtenue par intégration sur la verticale d'échantillonnage de la variation de la charge sédimentaire, de vitesse de courant et de la composition chimique. La composition des sédiments de fond obtenu par draguage à la verticale des profils d'échantillonnage de matières en suspension est également indiquée.

Rivière Localisation du profil Année Charge de fond Matières en suspension

Al/Si Fe/Si Al/Si Fe/Si

chenal principal 2004 0.13 0.05 0.30 0.07 chenal principal 2005 0.13 0.02 0.28 0.07 Gange zone calme 2005 0.17 0.04 0.31 0.08 chenal principal 2004 0.17 0.06 0.28 0.07 chenal principal 2005 0.15 0.03 0.29 0.08 Brahmapoutre zone calme 2005 0.18 0.04 0.30 0.08 chenal principal 2004 0.16 0.05 0.27 0.06 Lower Meghna chenal principal 2005 0.15 0.03 0.28 0.07

Comme indiqué plus haut (cf § 3.2), dans un diagramme Al/Si versus Fe/Si les sédiments définissent une droite de mélange minéralogique et le rapport Al/Si permet de caractériser la composition minéralogique des sédiments de rivières Himalayennes. Pour l'ensemble des échantillonnages, la composition calculée des matières en suspension moyennes est très différente de la composition des matières en suspension de surface; en accord avec l'hétérogénéité de la composition des matières en suspension et de la vitesse du courrant au sein des rivières étudiées. En revanche, la composition moyenne calculée par

calcul intégral est proche de la moyenne arithmétique de la composition des matières en suspension prélevées en surface et juste au-dessus du fond. Dans le diagramme Al/Si versus Fe/Si, pour chaque échantillonnage, le point correspondant à la matière en suspension moyenne calculée se situe sur la droite de mélange minéralogique définie par le jeu d'échantillon considéré dans le calcul (figure 3.13). Ceci indique clairement la robustesse du calcul réalisé puisque nous calculons un sédiment moyen théorique dont la composition est compatible avec celle des sédiments produits par tri minéralogique et granulométrique au cours du transport. La composition des sédiments moyens exportés dans les zones de fort courant et dans les zones calmes est assez proche, bien que les sédiments transportés dans les zones calmes soient en général un peu plus riches en micas et argiles (Al/Si plus élevés). Ceci indique clairement que l'estimation de la composition moyenne des matières en suspension exportées par la rivière à partir du seul échantillonnage des zones de fort courant conduit à un biais minime. La comparaison des valeurs obtenues à partir des échantillonnages 2004 et 2005 montre une variabilité assez faible pour chaque rivière. En outre les matières en suspension moyennes exportées par le Gange et le Brahmapoutre sont très comparable avec un rapport Al/Si calculé autour de 0.29. La composition moyenne des matières en suspension exportées par la Lower Meghna semble légèrement différente, avec un rapport Al/Si plus faible que le Gange et le Brahmapoutre (table 3.3). Cela est surprenant si l'on considère que le rapport Al/Si des matières en suspension devrait augmenter d'amont en aval du système fluvial sous l'effet du dépôt préférentiel de particules grossières enrichies en quartz. Plusieurs phénomènes peuvent néanmoins expliquer ce phénomène. D'abord, la charge de fond de la Lower Meghna semble avoir un rapport Al/Si légèrement plus élevé que celles du Gange et du Brahmapoutre (table 3.3). Cela peut par exemple refléter des conditions hydrodynamiques moins turbulentes limitant la ségrégation minéralogique au sein de la rivière. Par ailleurs, les échantillonnages réalisés ne sont que la photographie à un instant t des sédiments exportés par la rivière. Ainsi, des variations temporelles de composition peuvent-elles être générées par des événements érosifs particuliers et expliquer l'apparente singularité de nos échantillonnages de

Figure 3.13 : Diagramme représentant la composition en Fe, Al et Si des matières en suspension et des sédiments de fond des profils en profondeur du Gange, du Brahmapoutre et de la Lower Meghna réalisés en 2004 et 2005. Les sédiments de rivière définissent une droite de mélange entre les sédiments de fond et les matières en suspension de surface. Pour chaque profil d'échantillonnage, la composition calculée des matières en suspension moyennes (diamants noirs) est cohérente avec la droite de mélange définie par l'ensemble des sédiments. Cette composition calculée est sensiblement plus proche de la composition moyenne des roches sources (étoile verte) que celle des matières en suspension de surface (points bleus).