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Cadre général de l'étude : le système himalayen

1.3 Le système turbiditique du Cône du Bengale

La majeure partie des sédiments produits par l'érosion de l'Himalaya et transportés par le système fluvial Gange-Brahmapoutre sont déversés dans la Baie du Bengale et forment le Cône sous-marin du Bengale. Il s'agit d'un système turbiditique de plus de 3000 km de long et 1000 km de large dont l'épaisseur sédimentaire maximale atteint 16.5 km ce qui en fait le plus gros système sédimentaire actif de la planète (Curray et al., 2003). La reconstruction des volumes sédimentaire, bien que très difficile et certainement sujette à caution, indique que plus de 90 % des produits de l'érosion de l'Himalaya sont déposés au niveau du Cône du

Bengale tandis que moins de 10 % sont déposés dans le bassin continental d'avant pays, actuellement constitué de la plaine Indo-Gangétique (Métivier et al., 1999). L'âge des premiers sédiments déposés dans le Cône du Bengale n'est pas connu, mais il est fort probable que le Cône du Bengale soit actif depuis au moins la fin de l'Eocène. Des forages profonds réalisés dans la partie distale du Cône du Bengale (ODP Leg 116) montrent que la sédimentation détritique y est active depuis au moins 20 millions d'années (Cochran et al., 1989). En outre, la composition de ces sédiments indique qu'ils dérivent principalement de l'érosion de formations Himalayennes, ce qui suggère que l'architecture du bassin Himalayen est demeurée semblable à l'architecture actuelle tout au long du Néogène (France-Lanord et al., 1993). L'architecture précise du Cône ancien est difficile à reconstruire, en particulier à cause de la taille du système considéré. En revanche, la connaissance du Cône actuel et du Cône Quaternaire a beaucoup progressé au cours des deux dernières décennies grâce à de nombreuses campagnes d'études sismiques (e.g. Schwenk et al., 2005).

Directement au Sud du Delta du Gange-Brahmapoutre, une plateforme (dans la suite nous utiliserons la dénomination anglo-saxonne, Shelf) peu profonde se développe vers le Sud sur environ 100 à 150 km. Le Shelf peut se décomposer en deux parties : (1) le Prodelta qui représente la continuité directe du delta exondé et dont la profondeur maximale est de 20 m et, (2) le Shelf externe (ou Outer Shelf) dont la profondeur varie entre 80 et 120 m. Ces deux sous unités sont séparées par une pente (Prodelta slope) correspondant aux foresets du Prodelta (Hubscher and Spiess, 2005). Les taux de sédimentation au niveau du Shelf, quoique extrêmement variables, sont globalement très élevés et peuvent dépasser 30 cm/an (Kuehl et al., 1997; Suckow et al., 2001).

A l'extrémité Sud du Shelf, le talus continental (Shelf Break) descend brutalement jusqu'à une profondeur d'environ 1400 m. Le Shelf est profondément incisé par un canyon sous-marin, le Swatch of No Ground (SONG), dont l'entrée se situe à une profondeur de 38 m. Le SONG assure une connexion entre le Shelf et le Cône profond du Bengale qui se développe à la base du talus continental. Le Cône profond du Bengale se développe vers le Sud sur plus de 2500 km de long, et est parcouru sur toute sa longueur par une vallée sous-marine qui se situe dans le prolongement du SONG. La largeur et la profondeur de la vallée centrale tendent à décroître d'amont en aval du Cône; au niveau du vingtième parallèle, ses dimensions sont d'environ 16.5 km de large et 220 m de profondeur (Curray et al., 2003). Curray et ses co-auteurs (2003) ont proposé de diviser le Cône profond du Bengale en trois sous unités en fonction de la pente de la vallée centrale actuelle : (1) le Cône supérieur (Upper Fan) où la pente de la vallée centrale (2.39 m/km) est plus faible que la pente de la surface du Cône (5.7 m/km), (2) le Cône Médian (Middle Fan) où la pente de la vallée et du Cône sont identiques (1.68 m/km) et, (3) le Cône Inférieur (Lower Fan) où la pente décroît encore (jusqu'à < 1 m/km). Les sédiments sont transportés par des courants turbiditiques au fond de la vallée centrale. De part et d'autre de la vallée se forment des levées constituées de sédiments fins. L'ensemble des sédiments grossiers remplissant le chenal et des levées constitue un système de dépôt dit de chenal-levée (e.g. Hübscher et al., 1997). Le Cône du Bengale est constitué dans sa plus grande partie par un empilement complexe de systèmes de chenal-levée (Schwenk et al., 2005). De nombreuses vallées abandonnées ont été détectées tout le long du Cône et les phénomènes d'avulsion sont fréquents (Schwenk et al., 2003). Au niveau des systèmes de chenal-levée, les taux de sédimentation sont en général plus faibles qu'au niveau du Shelf mais demeurent élevés et peuvent encore atteindre le cm/an (e.g. Weber et al., 1997). La superposition des différentes unités sédimentaires fait souvent apparaître des discontinuités et des hiatus sédimentaire, à l'échelle de la dizaine ou de la centaine de millier

d'années (Curray et al., 2003; Schwenk et al., 2005). La partie la plus distale du Cône du Bengale est constituée d'un empilement de lobes terminaux faisant apparaître une alternance de sédiments très fins et de pulses de sédiments grossiers correspondant à une migration des systèmes turbiditiques (Cochran et al., 1989).

1.4 Climat

Le climat joue un rôle essentiel dans la majorité des processus auxquels la surface de la Terre est soumise. Les paramètres climatiques tels que la pluviosité et la température exercent en effet un contrôle majeur sur les phénomènes d'érosion et de transport fluvial ainsi que sur la répartition de la végétation. Il est donc capital de préciser les caractéristiques générales du climat auquel le bassin Himalayen est soumis.

Figure 1.6 : Représentation schématique du principe du fonctionnement de la mousson Indienne, à l'origine des principales caractéristiques du climat du bassin himalayen. En hiver (bas), l'océan Indien est relativement plus chaud que les masses continentales et la boucle de circulation des masses d'air correspond à la cellule de Hadley classique. En été (haut), la boucle s'inverse suite à un réchauffement plus rapide du plateau du Tibet que de l'océan Indien. Cela génère une circulation d'air humide depuis la baie du Bengale vers l'Himalaya, à l'origine des intenses précipitations de la mousson d'été.

Le climat d'une grande partie du globe est fortement marqué par le phénomène de mousson. Le système Himalayen, soumis à un climat sub-tropical, est plus particulièrement affecté par la mousson Indienne, ou mousson Sud Asiatique. Il s'agit d'une inversion de la boucle de circulation atmosphérique, la cellule de Hadley, principalement liée à la présence d'une importante masse continentale au Nord (le plateau du Tibet) et d'une vaste étendue d'eau océanique au Sud (l'Océan Indien) (figure 1.6). En hiver, le refroidissement des masses continentales est plus marqué que celui de l'océan ce qui provoque une zone de haute pression au-dessus du continent et une circulation d'air sec depuis le continent vers l'océan; il s'agit de la circulation atmosphérique classique dite cellule de Hadley. A contrario, en été, le réchauffement du plateau du Tibet est plus marqué que celui de l'océan, provoquant une zone de basse pression au-dessus du continent. Ainsi, la masse d'air humide créée par une intense évaporation au-dessus de la Baie du Bengale se déplace vers le continent et y génère de très fortes précipitations.

A ce phénomène d'inversion de la circulation atmosphérique vient s'ajouter la perturbation générée pas la présence de la chaîne Himalayenne qui forme une barrière orographique sur le trajet des masses d'air. Cela a pour conséquence de concentrer les fortes précipitations de mousson d'été au Sud de l'axe de la haute chaîne c'est-à-dire sur la plaine Indo-Gangétique et sur la chaîne elle-même sous la forme de précipitations orographiques (e.g. Roe, 2005). Le climat auquel le système Himalayen est soumis est donc marqué à la fois par de très forts contrastes saisonniers et géographiques. En hiver, les précipitations sont faibles sur l'ensemble du système Himalayen, mais les zones de haute altitude sont marquées par des températures froides alors que la plaine est soumise à un climat plutôt doux. La mousson d'été, dénommée simplement mousson dans la suite de ce travail, dure généralement de juin à septembre. Pendant ces quatre mois, et en particulier en juillet et en août, les précipitations sont extrêmement importantes sur la Baie du Bengale, la plaine Indo-Gangétique et le flanc sud de la chaîne Himalayenne. La valeur moyenne des précipitations