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Mesure par interférométrie atomique

IV.2 Revue des méthodes expérimentales de mesure de la polarisabilité électrique 98

IV.2.3 Mesure par interférométrie atomique

En 1995, l’équipe de D. Pritchard effectue la première mesure par interférométrie atomique d’une polarisabilité électrique : cette mesure est possible grâce à leur interfé-romètre atomique qui permet de séparer physiquement les deux faisceaux atomiques par une électrode mince appelée "septum". En appliquant un champ électrique homogène sur un seul des chemins atomiques on modifie la propagation de l’onde atomique quand elle passe dans le champ et cette modification se traduit par un déphasage qui est directement proportionnel à la polarisabilité électrique de l’atome dans l’état interne qui est le sien quand il traverse le champ. Cette technique pourrait donc être appliquée même avec des interféromètres utilisant une diffraction inélastique (interféromètre de Mach Zehnder uti-lisant la diffraction Raman ou interféromètres de Ramsey-Bordé), à condition de pouvoir séparer les faisceaux atomiques.

a) b)

Fig. IV.3 – Expérience de mesure de la polarisabilité de l’atome de sodium par interféro-métrie atomique [9] a) Dispositif expérimental représentant l’interféromètre à trois réseaux matériels. Le condensateur est placé juste après le deuxième réseau. b) Déphasage mesuré du signal de franges d’interférences en fonction de la tension (en Volts) appliquée sur le condensateur : les deux types de points correspondent à l’application du champ sur l’un ou l’autre des chemins atomiques et le graphe du bas de cette figure montre les résidus de l’ajustement.

Remarquons que, même si on ne peut pas séparer les faisceaux, les interféromètres utilisant une diffraction inélastique permettent cependant la mesure de la différence de po-larisabilité entre les deux états internes de l’atome par l’application d’un champ électrique homogène sur les deux faisceaux atomiques à la fois : ceci a été réalisé sur le magné-sium [135] et sur le calcium [136] mais cette mesure pourrait être faite par spectroscopie optique.

Revenons à la mesure par interférométrie atomique d’une polarisabilité électrique. La mise en oeuvre de cette technique est difficile essentiellement à cause de l’interféromètre atomique. La première mesure date de 1995 et elle est due à l’équipe de D. Pritchard [9] travaillant avec l’atome de sodium. Le dispositif expérimental est représenté sur la figure IV.3 : c’est un interféromètre de Mach Zehnder à trois réseaux. Le jet supersonique de sodium de vitese moyenne u ≈ 1000 m/s est diffracté par trois réseaux matériels de période a = 200 nm et la séparation des faisceaux est voisine de 55 µm au niveau du deuxième réseau de diffraction. Le condensateur, dont l’électrode centrale très fine le "septum", s’intercale entre les deux faisceaux atomiques comme illustré sur la figure IV.3, est situé juste après ce deuxième réseau. De cette manière, un champ électrique est crée sur un seul des chemins atomiques provoquant un déphasage ∆φ des franges d’interférences donné par :

∆φ = 2πε0 ~v α

Z

où v est la vitesse de l’atome et s l’abscisse curviligne le long de la trajectoire atomique. Les déphasages mesurés sont tracés en fonction de la tension appliquée sur la partie b) de la figure IV.3. Pour extraire du déphasage mesuré la polarisabilité électrique, il faut déterminer avec précision la distribution de vitesse des atomes ainsi que le champ électrique vu par les atomes du faisceau atomique dans le condensateur. Lors de cette expérience, la vitesse atomique a été déterminée en analysant le profil de diffraction d’un réseau de période connue. Quant au champ électrique, le condensateur était muni d’électrodes de garde pour que la géométrie soit mieux connue et l’intégrale du carré du champ électrique le long de la trajectoire atomique est calculée numériquement.

La valeur ainsi obtenue pour la polarisabilité de l’atome de sodium est de :

α(N a) = (24.11 ± 0.06 ± 0.06) × 10−30 m3 (IV.11) avec deux incertitudes égales à 0.25%, l’une d’origine statistique et l’autre d’origine sys-tématique. La précision de cette mesure a été remise en cause dans l’équipe même de D. Pritchard, dans la thèse de T. Roberts [190] pour deux raisons :

- l’emploi de réseaux matériels de diffraction permet de diffracter non seulement les atomes de sodium mais aussi les molécules Na2 dont l’intensité représente environ 20% de l’intensité du jet atomique incident sur l’interféromètre. Ces molécules peuvent alors, de même que les atomes, interférer et ainsi contribuer au déphasage mesuré, mais leur polarisabilité est différente. Cette contibution causerait alors une légère erreur, pouvant atteindre d’après T. Roberts [190] 2% sur la polarisabilité mesurée du sodium. Il est très difficile d’estimer cette erreur car les molécules sont beaucoup plus arrêtées que les atomes par le septum et le déphasage pour les molécules dépend du niveau rotationnel J, mJ.

- les faisceaux parasites issus des ordres de diffraction plus élevés peuvent aussi mo-difier la phase du système de franges observé et fausser la mesure car ces atomes ne voient pas le même champ électrique.

Il semble difficile de conclure sur la précision réelle de cette mesure.

Une expérience un peu similaire a été réalisée par l’équipe de J. Toennies avec un interféromètre fonctionnant avec un jet supersonique froid d’hélium dans son état fon-damental [131]. Le condensateur utilisé n’avait pas d’électrodes de garde et sa géométrie n’était pas connue avec précision. La seule mesure effectuée a consisté à comparer la pola-risabilité de l’atome d’hélium à celle de son dimère. Ces résultats sont encore non publiés à ce jour.

La mesure que nous avons effectué à Toulouse est donc vraiment la deuxième mesure de précision d’une polarisabilité électrique par interférométrie atomique. Par rapport à la mesure de l’équipe de D. Pritchard, nous avons apporté plusieurs améliorations :

- la qualité des signaux de notre interféromètre est bien meilleure

- nous avons trouvé une géométrie du condensateur qui permet un calcul analytique de l’intégrale du carré du champ électrique le long de la trajectoire atomique.

- l’utilisation de la diffraction laser dans le régime de Bragg présente deux avantages. Le premier est de ne pas créer de faisceaux parasites puisque la diffraction ne produit que deux faisceaux. Le second avantage est de sélectionner l’espèce diffractée et donc d’éli-miner toute contribution au signal interférométrique provenant d’atomes présents comme impuretés dans le jet ou de molécules dimères de lithium.

a) b)

Fig. IV.4 – Expérience de mesure de la polarisabilité du césium par H. Gould. [201] a) Schéma du dispositif expérimental : les atomes sont lancés à partir d’un piége magnéto-optique et détectés soit pendant leur ascenssion soit pendant leur chute par fluorescence induite. Le profil spatial du carré du champ électrique est représenté à droite du schéma. b) Signal de fluorescence des atomes de césium ascendant et descendant en fonction du temps écoulé depuis le lancement.

Notre mesure a cependant une incertitude plus grande que celle publiée sur le sodium car il est plus difficile de déterminer précisement la vitesse moyenne des atomes contribuant au signal interférométrique puisque la diffraction de Bragg est un processus sélectif en vitesse. Ces points seront développés dans la suite du chapitre.

IV.2.4 Méthode par temps de vol au travers d’une fontaine