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Application au banc de l’interféromètre de Toulouse

III.4 Bruit de phase dû aux vibrations de l’interféromètre

III.4.4 Application au banc de l’interféromètre de Toulouse

Dans ce paragraphe, je vais décrire le banc qui supporte les trois miroirs constituant notre interféromètre. Je montrerai qu’à partir de sa caractérisation mécanique et de la mesure du bruit sismique du laboratoire, nous pouvons évaluer le bruit de phase dû aux vibrations de notre bâti.

Le banc de l’interféromètre :

Lorsque l’interféromètre de Toulouse a été construit, notre équipe était consciente de l’importance de diminuer au possible les vibrations des trois réseaux de l’interféromètre. Ce problème avait alors été souligné par les équipes de D. Pritchard [10, 34] et de Siu Au Lee [8, 84] qui ont utilisé des asservissements actifs pour lutter contre le terme de flexion instantanée δ(t). Notre équipe a cependant choisi de recourir à un système passif pour lutter contre ces vibrations. Pour cela, il a été décidé d’utiliser une barre aussi rigide que possible pour porter les miroirs de l’interféromètre. Ce support a été construit en dural à cause d’un rapport E/ρ élevé (E = 72.4 × 10−9 N/m2, ρ = 2.79 × 103 kg/m3 ) aussi bon que celui de l’acier mais qui en évite ses inconvénients tels une densité élevée, un caractère ferromagnétique et les problèmes de corrosion. D’autre part, sa forme doit permettre un rapport Iy/A le plus important possible tout en conservant une structure ouverte pour permettre un bon pompage. C’est pourquoi on a choisi de former le banc par l’association d’une plaque épaisse et très large selon la direction −→y pour avoir un moment d’inertie Iy élevé et d’une barre qui sert à porter les supports des miroirs. Le support du miroir M2 a imposé de couper presque totalement cette barre en son milieu ce qui fait que la contribution de la barre à la rigidité est faible. Dans notre modélisation, nous avons calculé l’aire A en tenant compte des deux éléments, la plaque et la barre (A ≈ 1.49 × 10−2 m2) mais pour le moment d’inertie nous ne considérons que la plaque (Iy ≈ 3.3 × 10−5 m4). La longueur du banc dans la direction −→z est de 2L = 1.4 m soit un peu plus longue que deux fois la distance L12 = 0.605 m entre miroirs consécutifs. La figure III.11 illustre cette géométrie.

Au moment de la construction de l’interféromètre cette étude n’était pas encore faite de sorte que la suspension fut réalisée de manière très simple. Le banc en dural est supporté par trois vis de réglage, deux à une extrémité et la troisième à l’extrémité opposée de sorte à permettre un alignement. Ces trois vis reposent sur des blocs de caoutchouc de constante de raideur dans la direction transverse mal connue mais voisine d’après la documentation de K = 106 N/m. La masse totale du banc étant de ρAL ≈ 58 kg, on évalue la première fréquence d’oscillation à ωosc/2π ≈ 20 Hz et celle de rotation à ωrot/2π ≈ 35 Hz. Nous n’avons ici pas considéré le couplage entre ces deux fréquences lié à une différence entre les constantes de raideur des deux extrémités du fait de l’incertitude sur la constante de raideur des blocs de caoutchouc.

Mesure de la flexion instantanée du banc de l’interféromètre :

Comme pour des travaux antérieurs [8, 10, 34, 79, 84, 189], nous mesurons la flexion instantanée du support par un interféromètre optique de type Mach Zehnder fixé sur les miroirs de l’interféromètre atomique. Cet interféromètre optique est réalisé à l’aide de réseaux de période 200 traits /mm de la firme Paton Hawksley et d’un laser hélium néon

Fig.III.11 – Dessin technique représentant le banc de l’interféromètre. Le dessin supérieur représente une coupe du banc montrant les deux blocs qui le compose : une plaque épaisse et large dans la direction y (200 × 50 mm2 ) et une barre (70 × 70 mm2) qui sert à tenir les supports des trois miroirs. Les plans des interféromètres sont indiqués par A pour l’interféromètre optique et par B pour l’interféromètre atomique. Le dessin du bas représente une vue de dessus du banc. On peut voir la position des trois miroirs Mj, j=1..3, la position du jet atomique et la position des faisceaux laser du Mach Zehnder optique. à 633 nm. La phase du signal issu de l’interféromètre optique est similaire à celle donnée par l’équation III.35 :

ψ = pkGδ(t) (III.52)

Dans le cas de la lumière, T est négligeable et seul le terme instantané a été conservé. Le vecteur d’onde du réseau vaut kG = 2π/a = 3.14 × 105 m−1 et nous utilisons l’ordre p = 1. Grâce à cet interféromètre optique nous pouvons mesurer l’excitation du banc par son environnement. On peut alors déduire à partir de l’enregistrement du bruit sur ce signal, une valeur maximale des vibrations liées à la flexion : p

hδ(t)2i < 3 nm. Cette valeur est légèrement au dessus des bruits dus au laser et à l’électronique. Nous avons enregistré le spectre de ce signal en espérant y trouver des informations sur les fréquences propres du banc et de sa suspension. Le signal était cependant trop faible pour les fournir de manière fiable. Nous avons donc réalisé le spectre des vibrations du banc dans la direction −→x en excitant celles-ci à l’aide d’un haut parleur fixé sur le banc à proximité de son centre. Nous avons alors appliqué une tension sinusoïdale d’amplitude constante sur le haut parleur et détecté avec une détection synchrone le signal de l’interféromètre optique. Nous avons observé une première résonance intense pour une fréquence de ω0/(2π) = 460.4 Hz avec un facteur de qualité de Q ∼ 60. Une seconde résonance environ trente fois moins intense a aussi été enregistrée pour une fréquence de ω1/(2π) = 1375 Hz. Les calculs développés

a) Spectre au niveau du sol b) Spectre au niveau du bâti Fig.III.12 – Spectres mesurés du bruit sismique 10 log (|xǫ(ν)|2) où |xǫ(ν)|2 est en m2/Hz suivant les trois directions de l’espace au niveau du sol et au niveau du bâti supportant l’interféromètre.

dans l’annexe B prouvent qu’il s’agit des deux premières résonances de flexion du banc. Nous n’avons pas observé une signature claire des oscillations pendulaires sur ce signal optique, certainement parce que le niveau d’excitation et la sensibilité de détection sont très faibles. Nous comptons mettre en évidence ces oscillations, dans un futur proche, à l’aide de sismomètres.

Mesure du bruit sismique du laboratoire :

Pour évaluer le bruit de phase induit par les vibrations du banc de l’interféromètre, nous avons besoin de connaître le spectre en fréquence du bruit sismique qui provoque l’excitation du banc. Nous utilisons un enregistrement du bruit sismique dans notre salle réalisé avant que l’interféromètre ne donne ses premières franges. Nous estimons cependant que cet enregistrement donne une bonne estimation du bruit actuel. La figure III.12 re-présente les enregistrements réalisés l’un au niveau du sol et l’autre sur le bâti qui porte le système à vide de l’interféromètre. Lors de ces enregistrements, les pompes primaires étaient en marche mais les pompes secondaires et leur circuit de refroidissement étaient à l’arrêt. La majorité des pics avec des fréquences comprises entre 8 et 60 Hz présents sur le spectre du bâti sont absents du spectre au sol. Ces fréquences de résonance sont donc liées uniquement au bâti supportant notre appareil. Pour l’analyse qui suit nous avons remplacé ce spectre par un spectre lisse au niveau du sommet des pics. En effet, on peut supposer que les modifications de structures réalisées depuis l’enregistrement de ces spectres ont légère-ment déplacé la position de ces pics. C’est pourquoi nous avons préféré lisser ce spectre. De plus, nous avons étendu le spectre pour des fréquences plus élevées comprises entre 102 < ν < 103Hz où nous avons supposé le bruit constant. La figure III.13 représente le spectre |xǫ(ν)|2 du bruit sismique en traits discontinus, utilisé dans nos calculs.

1 10 100 1000 10 -13 10 -12 10 -11 10 -10 10 -9 10 -8 10 -7 10 -6 10 -5 10 -4 10 -3 10 -2 10 -1 Frequency (Hz)

Fig.III.13 – Spectres calculés du bruit de phase |Φ(ν)/p|2 en trait plein et |ΦSagnac(ν)/p|2

en traits pointillés, exprimés dans les deux cas en rad2/Hz en fonction de la fréquence ν en Hz. Le spectre du bruit sismique |xǫ|2 en m2/Hz que nous avons utilisé pour les calculs est représenté en traits discontinus après multiplication par un facteur 1010.

Simulation du bruit de phase induit par le bruit sismique :

A partir de ce bruit sismique nous avons pu modéliser le spectre en fréquence de la phase induite par les vibrations du banc de l’interféromètre. Nous avons calculé, à partir de l’équation III.50 le spectre de la phase |Φ(ν)/p|2. Par ailleurs, nous avons aussi calculé la contribution du terme Sagnac seul en ne gardant de l’équation III.50 que le terme proportionnel à l’amplitude a, comme illustré sur la figure III.13 Clairement, la phase liée à l’effet Sagnac domine partout, excepté autour de la fréquence d’oscillation pendulaire en phase, et autour de la fréquence de flexion. La contribution de l’oscillation pendulaire dépend fortement de sa fréquence et du facteur de qualité. Au contraire, la fréquence de flexion du banc est située dans une zone où le bruit sismique est déjà suffisamment faible pour que sa contribution au bruit de phase soit négligeable.

Pour ces calculs, nous n’avons pas utilisé la fréquence de résonance pendulaire ωosc/2π = 20 Hz car la valeur prédite pour le bruit de flexion p

hδ(t)2i est trop élevée par rapport à la valeur mesurée. Nous avons utilisé ωosc/2π = 40 Hz avec Qosc ≈ 16 ainsi que la valeur de ω0 mesurée à savoir ω0/(2π) = 460.4 Hz.

Par ailleurs, nous supposons que les deux termes d’excitations xǫ(ν) ont le même spectre mais sans relation de phase de sorte à pouvoir négliger le terme croisé |x+(ν)x(ν)|. Pour les basses fréquences inférieures à quelques hertz, on s’attend à ce que x+(ν) ≈ x(ν) et la correction associée aura pour effet de réduire l’effet Sagnac, faible dans ce domaine de fréquence. Dès que la fréquence est supérieure à la plus petite des fréquences de résonance de la structure supportant le banc, autour de 8 Hz, l’hypothèse que les excitations aux deux extrémités x+(ν) et x(ν) n’ont pas de relation de phase semble correcte.

0 1 2 3 4 5 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 Diffraction order p Visibility (%)

Fig.III.14 – Visibilité des franges d’interférences en fonction de l’ordre de diffraction p. Nos points expérimentaux sont représentés par des ronds et leur ajustement est réalisé grâce à l’équation III.59 avec Vmax = 98 ± 1% et hΦ2

1i = 0.286 ± 0.008. Les points expérimentaux de l’équipe de Siu Au Lee sont représentés par des carrés. Les paramètres d’ajustement dans ce cas valent Vmax = 85 ± 2% et hΦ2

1i = 0.650 ± 0.074.

En intégrant le bruit de phase sur une gamme de fréquence de 1 à 103 Hz, on obtient une estimation de l’écart quadratique moyen hΦ2i de ce bruit de phase :

2i = 0.16 p2 rad2 (III.53)

Ce résultat est largement lié à l’effet Sagnac : la même intégration sur le bruit de phase dû uniquement au terme Sagnac donne : hΦ2

Sagnaci = 0.13 p2 rad2. Nous allons voir que l’écart quadratique moyen du bruit de phase gouverne la perte de visibilité des franges d’interférences en fonction de l’ordre de diffraction.