• Aucun résultat trouvé

Conclusion

Ce rapide tour d’horizon sur les analyses typologiques des parcours présentées dans les journées du longitudinal peut conduire à proposer quelques éléments de discussion sur l’intérêt et les limites que semblent avoir aujourd’hui ces approches.

D’une part, le constat d’un certain essoufflement de ces travaux s’impose, notamment sur des données françaises. Il est peut-être à mettre en relation avec la faiblesse des publications de ce type d’analyse dans des revues académiques en France. En effet, de manière générale, les valorisations sous forme de publications de ce type de méthodes sont rares à l’exception de quelques articles dans des revues privilégiant l’empirisme (Formation Emploi, Bulletin de Méthodologie Sociologique (BMS), Economie et Statistique ou Population…). Ils sont plus rares ou inexistants dans des revues plus généralistes en économie, en sociologie ou en sciences de l’éducation. Le manque d’assise théorique de ces travaux est certainement un facteur explicatif qui limite leur diffusion dans le champ scientifique et peut-être leur utilisation par de jeunes chercheurs souhaitant entreprendre une carrière académique. Le type de méthode utilisée peut également constituer un frein : la domination de l’analyse de données en France, alors que se développent notamment les techniques d’Optimal Matching à l’étranger, limite la diffusion des travaux et les échanges méthodologiques. La librairie

« TraMineR » développée sous le logiciel libre R par plusieurs chercheurs de l’Université de Genève (Gabadinho et al., 2011) permet une utilisation accessible à tous et d’une haute technicité pour créer des trajectoires. De même sous le logiciel Stata, les modules proposés par Brzinsky-Fay et al. (2006) ou plus récemment par Halpin (2017) permettent également une offre large de méthodes d’analyse typologique des trajectoires. Ils ont, par exemple, fait l’objet de publications dans des revues reconnues au niveau international (par exemple, Brzinsky-Fay, 2007). Ces méthodes évoluent et permettent de dépasser le cadre holistique de l’approche en termes de trajectoires-types pour y introduire également une approche plus micro des transitions (Picaretta et Studder, 2019), faisant le lien avec d’autres méthodes longitudinales. Une autre explication peut venir de la raréfaction et d’une certaine uniformisation des données. L’analyse du parcours est particulièrement friande d’informations datées et longitudinales, qui coûtent cher à construire. La mise en évidence de la complexité des trajectoires individuelles, des enchevêtrements d’états, si elle a été utile dans les années 80 et 90, pour mieux comprendre et visualiser certaines phases de transition, ne suffit peut-être plus. En France, les données nationales du Céreq notamment intègrent toujours des calendriers rétrospectifs, mais cela est nettement moins le cas des données infranationales, du fait certainement de réduction dans les coûts et les temps d’enquête.

Il convient d’autre part de se demander s’il est possible d’aller plus loin dans ce type d’analyse ou s’il faut changer d’approches. En référence au titre d’un article d’Abott (1995) sur les analyses de séquences, ne faut-il pas voir les analyses typologiques des parcours comme de vieilles méthodes pour de vieilles idées7 ? Le réinvestissement de champ théorique peut être une solution. Dès la sixième édition, Alain Degenne et José Rose concluaient à la nécessité d’approfondir les concepts pour se donner de nouvelles grilles de lecture en repartant par exemple, « des mouvements, des interactions qui en sont la base, des conditions dans lesquelles il se produisent, des séquences de vie dans lesquelles ils sont inscrits, en liaison avec un ou des projets » (Degenne et al., 1999, p. 74). Il n’est pas certain qu’un effort suffisant ait été fait dans ce sens par la suite. De (rares) références par exemple aux travaux de Sen sur les capabilités ont été proposées mais leur intérêt théorique se heurte aux données utilisées. L’enjeu serait de dépasser la référence à des « fonctionnements », pour essayer de saisir de manière plus longitudinale les capabilités qui s’offrent aux individus. Par ailleurs, tous les nouveaux questionnements ne sont pas forcément aisés à intégrer dans les analyses des parcours. Ainsi, l’intérêt porté autour d’une notion de compétence relativement protéiforme, au détriment parfois de celle de qualification, ne se traduit pas facilement par des indicateurs statistiques dans des enquêtes, en encore moins, lorsque celle-ci impliquent des mesures

7 Le titre de l’article d’Abott (1995) était : « Sequence analysis: new methods for old ideas ».

longitudinales. Autre débat émergent, la fragmentation et le cumul des activités au sein et en dehors du travail, serait peut-être plus facile à saisir empiriquement dans une approche longitudinale permettant de capter les temps passés dans des activités variées.

Mais, globalement, tout nouveau questionnement nécessite de nouvelles données. Celles-ci semblent absolument nécessaires, non seulement pour mieux décrire les situations ou même les représentations des individus à un moment donné de leur trajectoire mais également pour expliquer, donner du sens à ces trajectoires. L’appariement de données administratives avec des données d’enquête, ou de différentes enquêtes pourrait être une solution si elle permet d’enrichir les données utilisées et surtout d’ouvrir les questionnements à partir de nouvelles informations que pourraient contenir les enquêtes. Enfin, les méthodes mixtes, combinant par exemple typologies statistiques et entretiens semi-directifs pour des individus issus de chaque parcours-type sont une piste qui reste pour l’instant relativement peu empruntée mais qui apparaît comme prometteuse pour progresser dans l’analyse des parcours (Liefbroer, 2019).

Références bibliographiques

Abbott, A. (1995). Sequence analysis: new methods for old ideas. Annual review of sociology, 21(1), 93-113.

Baron, M., Blanchard, S., Delage, M., Frouillou, L. (2017). État des savoirs du lot n°2 : Territoires d’études et mobilités quotidiennes des étudiants. Rapport Final, 84 p.

Bessin, M., Bidart, C., Grossetti, M. (dir.) (2009), Bifurcations. Les sciences sociales face aux ruptures et à l'évènement, La Découverte, coll. « recherches ».

Boudesseul, G. (2012) Le thème de la mobilité dans les actes des Journées du Longitudinal (1994-2011) : rare dans les titres et omniprésent dans les textes ? Dans G. Boudesseul et al., Mobilités et changements de catégories, portée et limites des données longitudinales, XIXes journées d'étude sur les données longitudinales (p. 39-47). Marseille : Céreq, coll. « Céreq Échanges » (n° 37).

Brzinsky-Fay, C. (2007). Lost in transition? Labour market entry sequences of school leavers in Europe. European sociological review, 23(4), 409-422.

Brzinsky-Fay, C., Kohler, U., & Luniak, M. (2006). Sequence analysis with Stata. The Stata Journal, 6(4), 435-460.

Degenne, A., Rose, J., & Fournier, C. (1999). Nouvelles du longitudinal : Échange entre Alain Degenne et José Rose, animé par Christine Fournier. Formation Emploi, 68(1), 69-75.

Gabadinho, A., Ritschard, G., Studer, M., & Müller, N. S. (2009). Mining sequence data in R with the TraMineR package: A user’s guide.

Guérin-Pace, F., Saint-Julien, T., & Lau-Bignon, A. W. (2012). Une analyse lexicale des titres et mots-clés de 1972 à 2010. L’Espace géographique, 41(1), 4-30.

Halpin, B. (2017). SADI: Sequence analysis tools for Stata. The Stata Journal, 17(3), 546-572.

Liefbroer, A. C. (2019). Methodological diversity in life course research: Blessing or curse? Advances in Life Course Research, 41.

Piccarreta, R., & Studer, M. (2019). Holistic analysis of the life course: Methodological challenges and new perspectives. Advances in Life Course Research, 41.

Robette, N. (2011). Explorer et décrire les parcours de vie : les typologies de trajectoires. CEPED, pp.

86. Lien : https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01016125.

Rousset, P., Giret, J. F., & Grelet, Y. (2012). Typologies de parcours et dynamique longitudinale.

Bulletin of Sociological Methodology/Bulletin de Méthodologie Sociologique, 114(1), 5-34.

Atelier 1 – Sécurisation des parcours

Documents relatifs