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PREMIÈRE PARTIE

1.2. L ES MUSICIENS DES SCENES LOCALES

1.2.1. A MATEURS ET PROFESSIONNELS : UNE DISTINCTION IMMUABLE ?

Parmi les musiciens rencontrés sur les scènes locales étudiées, il existe de nombreux musiciens qui ont une pratique artistique intense en termes de temps consacré (composition, répétition, enregistrement) et de dates de concerts effectuées : ils tournent régulièrement sur scène (en café- concert, petits lieux de diffusion -jauge de moins de 300 places- festivals et éventuellement en tournées en France ou à l’étranger), et occupent pourtant une activité professionnelle (souvent à temps plein) autre que la musique. Ces derniers sont souvent décrits à défaut d’un autre terme, comme des amateurs, au sens où ils ne sont pas principalement rémunérés au titre de la musique (ils sont parfois « défrayés »). Pourtant, il va sans dire qu’ils connaissent des expériences bien différentes de la représentation usuelle des amateurs. Pour ces derniers nous pouvons préciser par le terme « amateurs de loisir », ceux qui pratiquent pour eux-mêmes, composent éventuellement, jouent seuls ou entre amis, et présentent possiblement leur musique à leur cercle privé (famille/amis) mais non sur scène devant des publics inconnus. Ce qui nous pousse à proposer l’expression d’« amateurs de scène » (certains acteurs parlent d’« amateurs éclairés »). Les « amateurs de scène » sont des musiciens pratiquant sur les scènes locales, donnant à voir leurs

productions musicales devant des publics186 mais qui ne sont pas principalement rémunérés au

184 BUREAU Marie-Christine, PERRENOUD Marc, SHAPIRO Roberta (dir.), L’artiste pluriel. Démultiplier l’activité

pour vivre de son art, Villeneuve d'Ascq : Presses universitaires du Septentrion, 2009, 193p.

185 On inclue le chant aux pratiques musicales puisque certains ne pratiquent que le chant, quand d’autres

notamment les bassistes et batteurs le pratiquent assez rarement.

186 En conséquence lorsque nous parlons des amateurs sans précision supplémentaire au long de cette thèse, nous

prenons cette définition d’amateur de scène et évinçons les amateurs de loisirs qui ne font pas partie de notre champ de recherche.

titre de la musique. D’autres musiciens encore contribuent aux pratiques musicales des scènes locales, ce sont les musiciens intermittents qui sont principalement rémunérés au titre de la musique, couplée au régime de chômage qu’est l’intermittence. Ceci pose la question du distinguo entre amateur et professionnel qui fait figure d’une véritable problématique aussi délicate que reléguée par les intermédiaires politiques et associatifs. On notera que ce sujet brûlant pour certains, procure en revanche chez d’autres une posture volontairement indifférente (chez certains musiciens ou intermédiaires autonomes). Nous allons donc parcourir ces représentations sociales ambivalentes et leurs enjeux.

1.2.1.1.DES HABITUDES CULTURELLES DE CLASSIFICATION

Les identités sociales se cristallisent très souvent autour des catégories professionnelles, ce qui a

notamment été induit au 20ème siècle par les statistiques basées sur la profession (les CSP de

l’INSEE créées en 1954, devenues PCS en 1982). Cela a pour conséquence à la fois de développer une partition du monde social relativement simplificatrice, et d’isoler ceux qui n’entrent pas (pas encore, ou plus) dans la logique de la catégorisation professionnelle (telles que les femmes au foyer, les élèves et étudiants ou encore les personnes âgées). Les disciplines des sciences sociales (démographie, économie, sociologie, …) ont elles-mêmes participé à la fixation de cette partition du monde entre actifs et inactifs (en sus des politiques sociales qui en usent pour attribuer les aides). Or l’univers professionnel d’appartenance, s’il est indéniablement déterminant quant à de nombreux paramètres de nos modes de vie, ne peut être la seule entrée pour expliquer l’ensemble des expériences des êtres. Le travail et l’exercice d’activités ne renvoyant pas forcément à l’occupation d’un emploi.

Explorer des pratiques non ou peu rémunératrices exercées avec passion et appartenant à d’autres sphères que la sphère professionnelle rémunératrice, est riche d’instructions concernant les motivations des pratiquants ainsi que les représentations sociales relatives aux activités exercées.

Comme il s’avère que la question d’une différence de qualité entre les productions étiquetées comme professionnelles ou amateurs, et ce singulièrement à l’ère numérique, est difficilement

tenable sur le terrain187, ce sont les questions des finalités et représentations qui entrent en jeu.

Plusieurs enquêtes188 ont montré qu’au-delà de l’univers professionnel, les personnes s’attachent

souvent à d’autres activités et engagements qui concourent à l’expression de soi. Ces activités s’inscrivant en dehors de la sphère professionnelle sont autant de domaines d’investissement personnel qui fonctionnent comme véritables ressources de sens pouvant en outre octroyer aux personnes des statuts secondaires. Ces activités nécessitent souvent une mise à distance des

contraintes quotidiennes, Florence Weber parle notamment de « tiers-espaces »189 pour désigner

ces pratiques qui ne relèvent ni de l’espace professionnel produisant de quoi vivre ni de l’espace domestique. Aussi, les musiciens des scènes locales, hormis ceux qui sont principalement rémunérés par la musique couplée au régime chômage de l’intermittence, exercent leurs activités musicales dans ce tiers-espace que représente pour eux la scène locale.

Les cultures occidentales ont aussi construit d’autres modèles de classification, notamment concernant la musique. Ces classifications définissent celui qui sait chanter et celui qui ne sait pas, celui qui est musicien professionnel et celui qui ne l’est pas, ce qui est considéré comme musique et ce qui ne l’est pas, ce qui a le statut de grande musique et ce qui ne l’a pas... En somme, la construction de visions du monde partitionnant ce dernier, le plus souvent dans une dialectique oppositionnelle.

Dans De la note au cerveau190, Daniel Levitin relate l’expérience de l’un de ses amis

anthropologue, faisant la lumière sur les conceptions ethnocentrées de la musique. Alors que cet anthropologue est sur son terrain d’études en Afrique, la communauté qu’il étudie lui propose de

187 Jacques Rancière déclare à ce propos qu’à l’heure actuelle la technique, au travers de ses évolutions, ne joue

plus le rôle de distinction entre amateur et professionnel et permet une déhiérarchisation ; en somme les évolutions techniques abolissent les frontières supposées entre qualités de pratiques « professionnelles » et « amateurs ». RANCIERE Jacques, La Méthode de l’égalité : Entretien avec Laurent Jeanpierre et Dork Zabunyan, Paris : Bayard, 2012.

188 BONNEAU Michel, Les loisirs. Du temps dégagé au temps géré, Collection Transversale – Débats, 2009.

BROMBERGER Christian (dir.), Passions ordinaires : du match de football au concours de dictée, Paris : Bayard, 1998. VIARD Jean, POTIER Françoise, URBAIN Jean-Didier (dir.), La France des temps libres et des vacances, Editions de l'Aube, 2002. WEBER Florence, Le Travail à-côté : une ethnographie des perceptions, (1989) Paris : Éditions de l'Ecole des hautes études en sciences sociales, nouvelle édition revue et augmentée, 2009.

189 WEBER Florence, Le Travail à-côté : une ethnographie des perceptions, (1989) Paris : EHESS, 2009.

190 LEVITIN Daniel, Musicophlia De la note au cerveau, L’influence de la musique sur le comportement, Editions.

prendre part au chant collectif en cours. Lorsque gêné, il déclare qu’il ne sait pas chanter, la communauté reste pantoise et ne comprend pas le sens de cette déclaration. Car cette déclaration leur est tout simplement parfaitement impensable. Pour ces derniers, la musique fait partie intégrante de la vie au même titre que manger, respirer ou dormir. Ainsi, déclarer qu’il ne sait pas chanter reviendrait à déclarer qu’il ne sait pas respirer : c’est un non-sens, il est impossible d’être en vie et de ne pas savoir respirer. Chacun sait respirer sans jamais l’avoir appris et la quasi-totalité du temps tout à fait inconsciemment. Cette assertion quant à la respiration qui semble pour le moins évidente, et dont l’affirmation du contraire paraîtrait bien étrange, procure le même effet à cette communauté lorsque le chercheur déclare qu’il ne sait pas chanter.

Nous pouvons postuler que les courantes différenciations entre amateurs et professionnels qui semblent mal retranscrire les réalités vécues, prennent racine dans la culture occidentale de classification surmontée d’un processus élitaire excluant attaché à classer et différencier pour mieux distinguer.

Ce qui renvoie nécessairement aux apports de Pierre Bourdieu quant à la distinction191 : afin de

marquer leur prestige de classe, les individus des classes dites supérieures (dans une perception hiérarchisée de la société) n’ont de cesse de se différencier au travers de codes (vestimentaires, comportementaux, sociaux), des classes dites inférieures qui tenteraient en vain de les imiter avec un décalage temporel permettant aux classes supérieures d’inventer de nouveaux codes de distinction. Ces analyses présentent un grand intérêt de dénonciation critique de formes de dominations, mais s’inscrivent dans une optique seulement déterministe, qui évince les capacités critiques des acteurs comme les pratiques de réappropriations créatives et tel que les met par

exemple en avant Michel de Certeau avec le concept de « braconnage culturel »192. À l’appui de

cette approche introductive quant aux classifications, nous nous référons également aux apports d’Alfred Schütz qui travailla amplement sur la musique. Dans un article intitulé « Faire de la

191 BOURDIEU Pierre, La Distinction. Critique sociale du jugement, Éditions de Minuit, 1979.

192 Le concept de braconnage culturel est issu de l’idée selon laquelle les personnes en situation de réception

culturelle agissent comme des braconniers sur les terres des producteurs officiels de sens. Ils y entrent et choisissent les sens qu'ils veulent donner aux choses qu'on leur propose. De la sorte Ils participent à la création du sens, comme un lecteur participe au sens d'un livre. Ce concept théorique affirme la coproduction du sens par les récepteurs. Voir à ce sujet : CERTEAU Michel de, L’invention du quotidien, 1. Arts de faire, (1980), Paris : Gallimard, 1990.

musique ensemble. Une étude de la relation sociale »193, où il entend par « musique de musicien » celle qui passe par le système de notation musicale comme on l’apprend plus haut dans le texte, il déclare ce qui suit :

« Il me semble que la distinction entre une musique de musicien et une musique accessible au profane est sans aucun fondement dans les faits (…) Les pensées musicales peuvent être transmises aux autres soit par les mécanismes du son audible, soit par les symboles de la notation musicale (…) La notation musicale n’est par conséquent qu’un véhicule de la pensée

musicale parmi d’autres »194

Ainsi pour Alfred Schütz, il n’y a pas lieu de distinguer, comme le fit entre autres Theodor

Adorno195, les musiques utilisant le système de notation musicale, des autres musiques qui ne

s’en servent guère. Notons qu’à l’époque de cette déclaration (1951), nous sommes aux prémices d’un développement sans précédent des musiques populaires n’utilisant pas forcément la notation musicale pour composer. De façon générale les définitions catégorielles cristallisent les oppositions mais leurs réalités s’avèrent plus complexes qu’il n’y paraît. Où commence le professionnel et où s’arrête l’amateur ? En matière artistique, cette distinction est d’autant moins aisée que le domaine auquel elle s’applique est lui-même relativement instable. Usuellement et au-delà de la musique, il est entendu qu’un professionnel désigne une personne exerçant un

métier fondé sur une compétence et pour lequel elle se voit rémunérée196. Cette rémunération

ayant pour effet d’attester socialement l’existence de la compétence. L’opposé strict du professionnel au sens de « celui qui sait » serait le profane qui « ne sait pas ». Alors que le terme amateur (qui est l’opposé usuel du professionnel) prend possiblement le sens de « celui qui aime » : amateur est étymologiquement issu d’amare signifiant « aimer ». De la sorte, on dénote déjà l’ambivalence des représentations en la matière. Cette première définition du professionnel comme celui exerçant un métier pour lequel il se voit rémunéré, a pour conséquence de désigner

193 SCHÜTZ Alfred, Écrits sur la musique. 1924-1956, Paris : Éditions Musica Falsa, 2007, p.121.

194 Ibidem, pp.121-123

195 Theodor Adorno percevait une différence qu’il présentait comme fondamentale - et qui nous paraît injustifiée

de la même façon qu’à Alfred Schütz ou encore David Hesmondhalgh- entre musique savante et musiques populaires : ADORNO Theodor W., Introduction à la sociologie de la musique. Douze conférences théoriques, (1962), Nouvelle édition revue, Genève : Contrechamps, 2009, pp. 169-174.

196 FRANCOIS Pierre, « Qu'est-ce qu'un musicien ? Professionnels et amateurs » in NATTIEZ Jean-Jacques (dir.),

Musiques. Une encyclopédie pour le XXIème siècle. Volume 2 : les savoirs musicaux, Paris/Arles : Cité de la musique,

en creux l’amateur comme un pratiquant de loisir pouvant seulement et éventuellement toucher

un cercle restreint de proches197. Or, en explorant les pratiques créatives actuelles telles que

celles advenant sur les scènes locales, une réalité tangible et couramment partagée émerge : un amateur -au sens de non rémunéré- qui « fait des dates ». Cela occasionne une multitude de représentations d’autant plus ambivalentes que cette situation fait face à un vide de définition consensuelle. En effet, de nombreux musiciens rencontrés sur les scènes locales ne retirent guère de rémunération de leur activité musicale, qui cependant touche des publics plus élargis que leurs cercles de proches. Face à ce constat d’un manque de catégories pour décrire et saisir la réalité, le dessein n’est pas tant d’apposer une définition circonscrivant précisément les expériences mais de proposer a minima une possibilité de les penser. C’est en cela que l’entre-deux « ni professionnel ni amateur » que donnent à voir les musiciens des scènes locales aujourd’hui,

appellent les sociologues (et le législateur198) à se mobiliser pour élaborer un concept désignant

des formes d’engagement de soi et d’expression de sa singularité, non rémunérées

(potentiellement défrayées199) mais se donnant à voir en public au même titre que les pratiques

dites professionnelles. D’autant que ces pratiques s’avèrent plus prégnantes à l’ère numérique200.

1.2.1.2.CADRE LEGISLATIF INAPPROPRIE ET ARRANGEMENTS A LA MARGE

Le cadre législatif des pratiques musicales amateurs est pour le moins inapproprié aux réalités contemporaines, puisqu’aussi étonnant que cela puisse paraître il est à ce jour (2014) illégal de se

197 DONNAT Olivier, Les amateurs, enquête sur les activités artistiques des Français, Paris : La Documentation

française, 1996.

198 En 2008, une première tentative de travail collectif mené par le Ministère avec certains professionnels de

terrain a vu le jour, mais au vu des dissensions entre les participants, ce travail n’a pas abouti. En fin d’année 2013, ce projet de réforme du décret de 1953 régissant les pratiques amateurs, totalement inadapté aux réalités actuelles, est revenu à l’ordre du jour. L’année 2015 devrait voir apparaître un nouveau texte de loi encadrant et définissant à nouveaux frais les pratiques amateurs, notamment dans le cadre du spectacle vivant.

199 Entre 50€ à 200€ par prestation scénique par musicien comprenant le transport et l’installation du matériel, les

balances en amont, le concert, le rangement. Ces défraiements se font sous formes de facturation à l’association que constitue le groupe ou de la main à la main selon les exigences et possibilités des programmateurs et diffuseurs comme des musiciens.

200 On renvoie au dernier chapitre de cette thèse portant sur les conséquences de l’ère numérique quant au

retrouver en groupe et de jouer devant un public sans être salarié sous contrat. De la sorte de nombreuses pratiques visent à pallier cette réalité juridique. Tout d’abord, les groupes de musique des scènes locales adoptent assez fréquemment la forme juridique de l’association. Sur notre panel plus de la moitié des musiciens interrogés sont constitués en association (59%). Ce statut juridique des groupes permet aux organisateurs de concerts de les rémunérer au travers de l’association. S’ils ne souhaitent pas acquérir un statut professionnel certains musiciens considèrent cependant que leur défraiement est justifié par l’investissement conséquent de temps et d’argent que représentent les concerts. Hubert Crukowicz parle à ce sujet d’économie du

dédommagement201, mais celle-ci nous allons le voir s’inscrit dans un cadre juridique complexe.

L’argent ainsi obtenu par le groupe permet aux membres d’investir dans l’achat ou le renouvellement de matériel, mais officieusement cet argent versé sur le compte de l’association permet bien souvent aux musiciens de défrayer leur prestation. En effet, en l’état actuel des choses, le seul moyen pour un groupe de jouer légalement serait d’être en possession de la licence d’entrepreneur de spectacle vivant, qui leur donnerait la possibilité de vendre leur prestation musicale. En l’occurrence ce serait la licence de deuxième catégorie qui concerne les producteurs de spectacle ou entrepreneurs de tournée et permet d’assumer la responsabilité d’un

spectacle202. Or cette licence est quasi inaccessible aux musiciens. La licence d’entrepreneur est

accordée à des personnes physiques (et non des personnes morales, ce que pourrait constituer le groupe) mais implique la responsabilité d’employeur à l’égard du plateau artistique. Ainsi, le

musicien titulaire de la licence devrait prendre en charge la rémunération de ses partenaires203.

Or même pour les musiciens qui deviennent intermittents, les productions musicales qu’ils proposent et le montant des rémunérations accordées par les diffuseurs ne leur permettraient aucunement de rémunérer les autres musiciens du groupe. Qui plus est, de nombreux groupes sont constitués de musiciens aux statuts divers. Il n’est pas rare de trouver un intermittent, un

201 CUKROWICZ Hubert, « Le prix du beau », in: Genèses n°36, Amateurs et professionnels, Belin, septembre 1999,

pp.35-53.

202 La licence 1 concerne les exploitants de lieux de spectacles et la licence 3 les diffuseurs (accueil du public,

billetterie, sécurité), les 3 licences peuvent être cumulées.

203 En outre l’obtention d’une licence d’entrepreneur de spectacle, suppose d’avoir obtenu un diplôme de

l'enseignement supérieur (bac + 2) quel que soit le domaine, ou dans le domaine du spectacle la justification d'une expérience professionnelle d'au moins un an (en métier administratif, technique ou artistique), ou encore d'une formation professionnelle de 500 heures minimum.

enseignant et un étudiant, au sein du même groupe de musiciens. Qui plus est certains musiciens pratiquent au sein de plusieurs groupes comme on le verra dans la section suivante sur la pluriactivité. Certains musiciens intermittents jouent avec des musiciens qui ont une activité professionnelle à plein temps et ne souhaitent pas être officiellement rémunérés pour leur prestation. C’est par exemple le cas des fonctionnaires, qui devraient faire des demandes auprès de leur administration pour obtenir le droit de toucher une rémunération émanant d’une autre entité que leur institution.

C’est principalement un décret et une loi qui constituent le cadre légal actuel des pratiques

musicales des scènes locales. Le décret de 1953204 portant sur l’organisation des spectacles

amateurs, toujours valable actuellement bien que sujet à de nombreux débats ; et la loi de 1969

sur la présomption de salariat205. Le décret implique que les amateurs ne sont pas rémunérés au

titre de leurs prestations206 (afin que seuls les professionnels puissent l’être). Et la loi implique le

fait qu’il est illégal de faire jouer un musicien s’il n’est pas salarié. Le décret de 1953 visait à l’époque la protection des pratiques théâtrales professionnelles, car les représentations théâtrales d’amateurs avaient connu une forte inflation au début du 20ème siècle. En 2008, il fut question d’abroger ce texte pour le remplacer par un nouveau plus en adéquation avec l’époque. Cependant, les négociations n’ont pu aboutir, les divergences de représentations et conflictualités entre acteurs ayant eu raison de cette initiative de réforme du statut amateur dans le spectacle vivant. Les syndicats de défense des musiciens professionnels prônent l’argument de la concurrence déloyale des amateurs par rapport aux professionnels. Une représentation récurrente dans les milieux professionnels de la musique tient au fait que les amateurs proposeraient gratuitement le travail pour lequel les professionnels sont rémunérés. On note à quel point le débat engage des représentations diversifiées potentiellement contradictoires. D’où l’importance de ce projet de refonte voire d’abrogation du décret de 1953, repris en 2013 et qui devrait aboutir

204 Décret n° 53-1253 du 19 décembre 1953, relatif à l’organisation des spectacles amateurs et leurs rapports avec

les entreprises de spectacles professionnelles, paru au Journal officiel du 20 décembre 1953.