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CHAPITRE VI : DES NOTES ETHNOBIOLOGIQUES ET

B. Matériel et Méthode

En annonçant son programme des chapitres, Léon/ al-Hassan évoque le dernier chapitre de son œuvre (le chapitre IX) et le présente en ces termes :

« J'en ajouterai une autre [partie] dans laquelle, avec l'aide de la Volonté du Très-Haut -

puisqu'on ne peut rien accomplir sans elle ici-bas qui soit parfait- je me propose de décrire les fleuves principaux, les divers animaux, les plantes variées, les fruits et légumes ayant quelque vertu que l'on trouve en Afrique. » (II, 69) ;

Ce livre a justement été particulièrement recommandé par l’historien des sciences et orientaliste italien Aldo Mieli, un des promoteurs de la discipline en Europe du XXe siècle, en ces termes :

« Particulièrement intéressant pour l’historien des sciences est le livre IX de la

Description de l’Afrique. Leone y traite des fleuves, des minéraux, des plantes et des animaux qu’on y rencontre. »131, écrit Mieli.

Un autre savant européen moderne, dans ses deux tomes de l’Histoire de la médecine

arabe, souligne lui aussi l’intérêt de cet aspect de l’œuvre de Léon/ al-Hassan. Leclerc, qui

ne manque pas de critiquer Léon/ al-Hassan pour des erreurs et le manque de précision sur certains détails à propos des illustres savants dans son Libellus, le cite pourtant plus d’une cinquantaine de fois, et déclare :

« Léon l'Africain n'intéresse pas seulement la Géographie, qu'il a dotée de la première

connaissance détaillée du Soudan et du littoral de la Méditerranée, mais encore l'histoire naturelle, et même la médecine, tant par certaines observations que par ses Vies des illustres médecins et philosophes arabes, qui ont longtemps défrayé les historiens. »132

131MIELI, Aldo, La science arabe et son rôle dans l'évolution scientifique mondiale, 1938, réédition de A.

Mazahéri, Brill Archive, 1966, p. 279.

132LECLERC, Lucien, Histoire de la médecine arabe, Tomes II, Ernest Leroux, éditeur, 1876 ; réédition

Il affirme aussi qu’ « on trouve dans l'Afrique de Léon plusieurs renseignements relatifs à

ses produits naturels et à ses établissements scientifiques. »133 , qu’il juge important

d’étudier.

Ce livre comporte un nombre important de faits scientifiques comme la principale contribution de l’auteur au savoir naturaliste de son temps. En plus de ce livre, la

Description compte plusieurs passages et notes à caractère scientifique répartis au fils des

autres livres.

La richesse végétale et animale de cette partie géographique du monde et la biodiversité qu’elle renferme expliquent ces remarques et l’intérêt que leur porte Léon/ al-Hassan.

Notre but dans ce chapitre est d’apporter un éclairage ethnoscientifique sur certains aspects de la connaissance biologique et naturaliste dans le texte de Léon l’Africain/ al- Hassan al-Wazzan situé dans le prolongement des contributions scientifiques ou savantes de personnalités arabes médiévales et les traces qu’elle a imprimées sur les pratiques agricoles, alimentaires et médicales.

Nous soulignerons donc l’apport ou la valeur ajoutée, pour ce qui est du travail de notre auteur, comme « chercheur » et « trouveur », et comme « passeur » et « transposeur » de connaissances dans un contexte d’échanges et d’influences Sud/Nord, Maghreb islamique- Afrique/Europe.

Parallèlement à ce livre, plusieurs passages des autres livres de la Description permettent également de s’arrêter sur l’état des connaissances naturalistes de Léon/ al-Hassan, dans les limites géographiques de l’Afrique du Nord et tout spécifiquement du Maroc. Ces connaissances, qui ont une valeur informative et illustrative certaine, sont censées se situer dans le cadre d’une tradition arabe classique en la matière ou du moins trouver leur place dans le cadre d’un savoir local moins érudit mais plus ouvert sur les données pragmatiques, populaires et biocénotiques du milieu.

Nous allons donc procéder, sur la base de ces informations, à une collection des termes véhiculaires et vernaculaires des concepts relatifs à la botanique, au terroir et à la zoologie, tout en essayant de renvoyer aux considérations médicales en relation avec chacun de ces trois champs de connaissance.

Nous mettrons, bien entendu, ces savoirs transmis à l’épreuve de la pertinence scientifique par rapport à l’état des connaissances de l’époque et aussi, mais de manière pas très appuyée, en fonction des données scientifiques modernes.

Mais, notre but étant de rapporter toutes ces indications dans une perspective ethno- scientifique, et dans le sens de l’histoire des sciences arabes, nous chercherons à justifier la place de ces données dans leur cadre historique et culturel, et à l’intérieur du système de représentation du monde vivant propre à la culture et science arabo-islamiques. Nous chercherons en même temps à relever des traces de cette culture, en matière de connaissance des plantes et des animaux, diffusée en ce début du XVIe siècle dans la culture européenne de l’époque, qui s’en est certainement inspirée.

Nous nous basons pour l’élaboration de cette partie de notre travail essentiellement sur les travaux du biologiste marocain Jamal Bellakhdar, dont l’expérience et l’autorité sont bien confirmées, à ce sujet. Notre cadre méthodologique rappelle pour beaucoup la démarche, bien ethnoscientifique, qu’il adopte dans ces écrits. Beaucoup de chercheurs modernes qui se donnent pour mission d’éclairer cet aspect du patrimoine commun andalou-maghrébo-islamique, nous ont aussi été d’un grand secours. Du point de vue lexicographique, nous faisons appel à Lisan al-Arab et aux travaux du lexicographe Dozy, sans oublier l’ouvrage incontournable de Massignon, dont le travail mérite bien d’être actualisé, ce que nous tenterons de faire.

C. Terroirs, cultures et savoirs agronomiques et