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CHAPITRE IV : MATÉRIEL ET MÉTHODE

B. Méthodologie de travail

Les références sur la Description et le caractère éclectique et fragmentaire des lectures et écrits qui l’ont abordé nous ont déterminé à aller dans le sens d’une étude qui donnerait encore plus de cohérence, et d’unité culturelle (arabo-andalouse) et méthodologique à un texte considéré comme véhiculant une culture diffuse, mi-européenne, mi-arabe.

Les métamorphoses des mots dans le texte qui nous occupe (qui, rappelons-le, est écrit en langue italienne) au gré des éditions, traductions et retraductions successives n’ont pas complètement eu raison d’un contenu sémantique qui a traversé les siècles, en gardant beaucoup de sa pertinence et de son originalité par rapport à l’état actuel des connaissances, et par rapport à sa représentativité d’une culture arabo-islamique. Ces avatars lexicologiques traduiraient alors une dynamique culturelle (européo-berbéro-arabe) très particulière qui a imprimé sa trace sur les mots. Une approche lexicologique visant à dénicher les substrats arabes et berbères derrière les mots italiens ou français est donc nécessaire. À ce niveau les vocalisations latinisées de termes arabes ou berbères qui sont assez bien représentés dans le texte nous permettent de nous arrêter sur la physionomie de la culture scientifique arabe de l’auteur, à l’époque.

Le problème de l’absence du manuscrit original (en arabe), en supposant son existence, nous contraint aussi à adopter une démarche basée sur l’analyse du contenu notionnel, indépendamment de la langue de la traduction, française en l’occurrence.

Nous nous sommes inspirés de la méthode de « l’analyse de contenu », ou l’analyse de données qualitatives qui consiste en un nombre d’étapes et sous-étapes.

Procédure de travail

a) Étape de préanalyse:

(1) Choix du texte/ Lecture dite flottante, ou ouverte :

Le travail sur La Description consiste d’abord en des lectures de familiarisation avec le texte d’abord dans sa version Temporal, avant de choisir la vulgate française d’Épaulard, pour des raisons de commodité. La différence est parlante entre les deux éditions, celle d’Épaulard est plus moderne et mise à jour, sans être forcément toujours la plus fidèle au texte original. Le choix de l’édition s’est finalement imposé plus pour des critères de lisibilité et d’actualité que pour ceux de la fidélité à la Cosmographia. Le problème de la réédition des différentes traductions à la lumière du manuscrit découvert reste toujours posé et ne trouvera sa résolution définitive qu’avec l’établissement et l’édition du manuscrit original de la Bibliothèque Nationale Centrale de Rome. Des lectures comparatives sur des versions françaises variées, avec le texte italien ou avec les deux dernières traductions espagnoles ou sur la traduction arabe, étaient parfois nécessaires.

(2) Formulation des hypothèses

Notre hypothèse de départ consistait à considérer la Description comme un témoignage authentique d’un état général de savoirs, comme un écrit représentant une époque et un auteur porteur d’une valeur et d’une expérience interculturelle singulière et significative pour jeter plus de lumière sur l’histoire des sciences et techniques de l’Empire islamique médiéval, puisque le XVe et XVIe siècles constituent des prolongments de la dynamique scientifique des siècles précédents. Lire Léon/ al-Hassan à travers l’écran khaldounien ou à travers Jahîz a pu nous ouvrir des perspectives d’analyse intéressantes.

b) Étape d’analyse :

Repérage systématique des indices et des indicateurs et collecte des données textuelles en fonction des hypothèses de lecture en vue d’un balayage systématique et d’une extraction des données ont suivi cette première étape. Cette étape a consisté à noter et souligner tous les extraits, passages et terminologies qui ont trait à notre problématique. Notre démarche consistait à rassembler toutes les données et matières brutes relatives aux domaines d’investigation générale que constituait les idées et concepts en matière d’histoire des sciences et techniques arabes et état général des savoirs, avant d’opter pour des concepts encore bien précis. À ce stade, nous avons pu relever pas moins de 400 notes ou extraits.

Nous nous sommes finalement assigné la tâche de focaliser l’analyse et l’extraction des données sur les faits naturalistes et concepts des sciences du vivant (botanique, zoologie, médecine et diététique et techniques afférentes), poussés en cela par le nombre extraordinairement grand des références et extraits en la matière, et compte tenu de leur intérêt pour la problématique qui nous occupe.

(1) Préparation des extraits et notes brutes par des regroupements en fonction des thèmes clés.

Cette étape consiste à dégager des thématiques de la masse des notes déjà relevées de manière globale par domaines ou grands axes (botanique, zoologie, médecine, etc.). Les principaux grands axes sont la botanique et la zoologie. Pour la médecine, les notes font appel à des savoirs généraux, ou s’insèrent, pour certaines, dans des considérations botaniques ou zoologiques.

Ces deux grands axes sont d’abord introduits par des notes se référant à l’état général des savoirs dans le cadre sociologique, culturel et ethnologique de l’Afrique du Nord au XVIe siècle. Des rubriques sont dégagées à ce niveau :

Les notes afférentes à l’idée de civilisation, la culture de l’écrit, la classification des sciences, arts et techniques, maladies et institutions de santé.

En botanique, les rubriques qui se sont dégagées sont comme suit :

Descriptions morpho-botaniques dans les notes à valeur proprement botanique ; Usages des plantes : alimentation, thérapie ;

Agriculture et Produits de terroir

En matière de zoologie, les notes sont classées par rapport au :

Répertoire zoologique : animaux domestiques en zoologie agricole par rapport aux animaux exotiques ou sauvages ;

Descriptions zoologiques et zoonymiques : la terminologie et les connaissances à l’œuvre dans le texte ;

Et enfin les considérations éthologiques et thérapeutiques relatives aux animaux.

Toute somme faite, nous eu affaire à un nombre d’environ 330 notes exploitables par rapport à notre problématique principale.

c)Étape d’exploitation du matériel et des corpus

textuels :

Celle-ci consiste en un travail de catégorisation et de différentiation en fonction de l’importance que représente chaque donnée et en fonction de sa représentation pour la problématique. Ensuite nous procédons, chaque fois que la matière le permet, à une formalisation quantitative des résultats par le moyen de tableaux ou de schémas.

L’exploitation est principalement lexicographique et ethnosientifique (arrêt sur l’état des savoirs, leur positionnement dans un avant et un après et comparaison de ceux-ci avec d’autres, issus d’autres auteurs ou d’autres cultures).

Ce traitement principalement qualitatif se voit doubler d’un recensement des données de manière quantitative, servant simplement à rassembler des indices sur les occurrences et les fréquences. Ces notes sont rapportées avec, en parallèle, les commentaires éventuels du traducteur et de l’éditeur.

Nous avons eu à regrouper tous les extraits représentatifs de cette appartenance à la tradition scientifique arabe, en plus des extraits qui comportent des indices luttant en faveur d’une influence exercée par le texte sur la littérature scientifique européenne de la Renaissance.

d) Étape d’intégration et d’interprétation :

Il s’agit de l’intégration des données brutes dans une interprétation significative et une lecture qui permet de valider les hypothèses émises dans les étapes précédentes. Cette étape est de caractère inférentiel consistant à considérer les notes de l’auteur et les données du texte comme des preuves ou des indices permettant d’aboutir à des interprétations et de valider des conclusions. Elles sont placées dans un contexte logique de raisonnements historiques, conceptuels (logique interne à une discipline, état actuel des connaissances en un domaine bien précis, ou les remarques pertinentes et les vues averties de ses commentateurs et spécialistes, etc.) et intertextuels (par des renvois à des textes anciens ou ultérieurs).

Sur la situation des informations de la Description par rapport à l’état des connaissances actuelles, nous avons choisi de garder une sorte de prudence, non pas qu’elle ne soit pas pertinente, mais plutôt parce que nous ne cherchons pas une spécialisation disciplinaire aigue. De même que les résultats les plus probants en histoire des sciences ont besoin d’être confrontés à d’autres études, voire même à des résultats issus de travaux sur le terrain, de nature archéologique ou sociologique.

Nous entendons uniquement appliquer une analyse ethnoscientifique à certains aspects de la connaissance qui ont reçu des Arabes un traitement particulier : la botanique et l’agriculture, la zoologie et l’éthologie, la médecine et la pharmacologie, en matière de mécanique ou ‘‘science des poids et mesures’’. Nous soulignerons ce qui pourrait constituer une valeur ajoutée proprement en sens de documentation et d’originalité. C’est le corps de notre étude.

Bref, notre méthodologie est principalement ethnoscientifique, lexicographique ; nous avons cherché à l’étayer par une approche intertextuelle, en vue de saisir la trace de l’influence du contenu de la Description dans la littérature scientifique de l’Europe des siècles postérieurs au XVIe, notamment dans les domaines de la connaissance botanique et zoologique.

Les végétaux et les animaux rapportés par Léon/ al-Hassan seront étudiés dans la mesure où cela reflète un savoir répandu dans la littérature scientifique de l’époque et la dynamique de transmission de ce savoir visible à la manière de procéder par translitération de l’arabe au latin ou l’inverse.

Le savoir de la Description est aussi intégrable dans une sorte de dynamique de réintégration des savoirs locaux dans des perspectives de solutions originales issues de la tradition à certains problèmes de développement durable de notre modernité actuelle.

CHAPITRE V : DES SAVOIRS TECHNIQUES ET DES