• Aucun résultat trouvé

Matériaux et méthodes

29 échantillons de sédiments, provenant des deux couches de comblement du méandre de la Deûle associées à l’occupation néolithique, ont été prélevés pour en étudier le contenu en graines et fruits. Ces échantillons qui présentent tous un volume identique de 5 l sont répartis inégalement selon les couches (tabl. 3). Le sable à matériel néolithique, premier ensemble étudié en partant du bas de la stratigraphie, est décrit comme un sable limoneux gris meuble calcaire. Il livre un abondant matériel du Néolithique final, comparable à celui mis en évi-dence sur l’habitat de versant. Sa mise en place s’inscrit au cours du Subboréal (cf. supra). 12 échantillons en proviennent.

Au sein de la tourbe sus-jacente ont pu être distingués un niveau de tourbe inférieure et un niveau de tourbe supérieure, la première plus sableuse que la seconde. La tourbe inférieure a donné lieu à l’étude de dix prélèvements, la tourbe supérieure à l’étude de sept prélèvements.

Cette tourbe se forme au cours du Subboréal. une datation 14C réalisée sur le

chemin de bois qui s’inscrit à son sommet permet de fixer un terminus post quem à la mise en place de la tourbe vers la fin de l’âge du Bronze. Le volume total de sédiment pris en compte dans cette étude du méandre de la Deûle s’élève à 145 l. Le tamisage à l’eau des sédiments a été effectué sur une colonne de deux tamis calibrés aux mailles de 2 mm et 0,5 mm. un tamis à mailles de 4 mm y a été adjoint pour isoler les gros morceaux de bois ou d’écorces présents dans le

Tabl. 3 : Liste des unités

stratigraphiques et des mètres carrés échantillonnés (© M.-F. Dietsch-Sellami, Inrap).

méandre. Avant tamisage, les échantillons de tourbe avaient été mis à tremper pendant 24 heures dans de l’eau additionnée de carbonate de sodium afin de dissoudre la majorité des boulettes de sédiment. Les refus de tamis ont été main-tenus humides dans des sacs étanches.

Le tri sous loupe binoculaire a porté sur l’intégralité de toutes les fractions grossières (4 mm et 2 mm). Les refus de tamis humides (méandre et puits) ont été examinés en milieu aqueux. un sous-échantillonnage des refus de 0,5 mm pour les plus volumineux s’est révélé nécessaire. En ce qui concerne le méandre, seules trois fractions fines ont été intégralement triées. Dans le cas de six échan-tillons issus du sable à matériel néolithique, nous avons mesuré 50 ml de refus de tamis. Très vite cependant, en tenant compte d’une part de la rareté des nouveaux taxons venant s’ajouter à ceux identifiés lors du tri de 25 ml de refus de tamis, et d’autre part des délais impartis pour cette étude, nous avons décidé de limiter la quantité de refus de tamis triée pour tous les autres échantillons à 25 ml (tabl. 3).

MÉANDRE

unités stratigraphiques volume tamisé tri fraction 0,5 mm tourbe supérieure ZD112 5 litres Partiel (25 ml) tourbe supérieure ZD114 5 litres Partiel (25 ml) tourbe supérieure ZD116 5 litres Partiel (25 ml) tourbe supérieure XD115 5 litres Partiel (25 ml) tourbe supérieure XD119 5 litres Partiel (25 ml) tourbe supérieure VE102 5 litres Intégral tourbe supérieure TR9 2-3m 5 litres Intégral tourbe inférieure VE102 5 litres Intégral tourbe inférieure ZD112 5 litres Partiel (25 ml) tourbe inférieure ZD114 5 litres Partiel (25 ml) tourbe inférieure ZD116 5 litres Partiel (25 ml) tourbe inférieure ZD119 5 litres Partiel (25 ml) tourbe inférieure XD115 5 litres Partiel (25 ml) tourbe inférieure VD113 5 litres Partiel (25 ml) tourbe inférieure VD117 5 litres Partiel (25 ml) tourbe inférieure UD113 5 litres Partiel (25 ml) tourbe inférieure TR9 2-3m 5 litres Partiel (25 ml) sable néolithique VD112 5 litres Partiel (50 ml) sable néolithique VD117 5 litres Partiel (50 ml) sable néolithique foncé VD117 5 litres Partiel (50 ml) sable néolithique EE105 5 litres Partiel (50 ml) sable néolithique OE110 5 litres Partiel (50 ml) sable néolithique TR9 2-3m 5 litres Partiel (50 ml) sable néolithique VD115 5 litres Partiel (25 ml) sable néolithique YD116 5 litres Partiel (25 ml) sable néolithique YD119 5 litres Partiel (25 ml) sable néolithique ZD114 5 litres Partiel (25 ml) sable néolithique ZD116 5 litres Partiel (25 ml) sable néolithique ZD118 5 litres Partiel (25 ml)

Tabl. 4 : Représentation relative des semences carbonisées et imbibées dans chaque unité stratigraphique du méandre (© M.-F. Dietsch-Sellami, Inrap).

Tabl. 5 : Récapitulatif des taxons ayant livré des semences carbonisées dans le comblement du méandre (© M.-F. Dietsch-Sellami, Inrap).

Résultats et discussion

Les résultats bruts des identifications (tri des refus de tamis de 0,5 mm) n’ont pas été corrigés avant d’être ajoutés au nombre de restes provenant des frac-tions grossières (4 mm et 2 mm). Compte tenu du caractère très volumineux des fractions fines, principalement de celles issues du méandre, les facteurs correc-tifs auraient été tellement élevés que les corrections auraient été statistiquement discutables. Aussi avons-nous choisi de ne pas corriger les données issues des fractions fines, quitte à nous priver en partie d’une exploitation quantitative de ces données.

Le nombre total de restes isolés s’élève à 11 920, dont 11 030 proviennent du comblement du méandre, soit une large majorité. Il s’agit essentiellement de semences. Des Coenococcum, en nombre très variable d’un échantillon à l’autre, sont également présents.

90 taxons ont été identifiés, dont 59 au rang de l’espèce. Ils ont été classés en fonction de leur statut (cultivé/sauvage), des groupements végétaux auxquels se réfèrent les plantes sauvages, de leur présence au sein de l’habitat ou du méandre et de leur nom vernaculaire. Il apparaît que seuls 26 taxons sont com-muns aux deux ensembles étudiés (habitat et méandre).

Dans le comblement du méandre, les semences imbibées sont largement majo-ritaires (tabl. 4). La carbonisation ne concerne que 13 taxons (tabl. 5), à savoir les plantes cultivées (céréales indéterminées, Orge vêtue, Amidonnier, Engrain, Froment, Féverole), trois essences des milieux forestiers ou de leurs marges (Noisetier, Aubépine et If) et une herbacée des prairies (Fléole des prés). En livrant respectivement des semences carbonisées de onze et de huit taxons, le sable à matériel néolithique et la tourbe inférieure apparaissent comme les deux

sable à matériel néo. tourbe inf. tourbe sup.

semences carbonisées 2,2 % 1,4 % 0,4 %

semences imbibées 97,8 % 98,6 % 99,6 %

sable à matériel néo. tourbe inf. tourbe sup. Cerealia

Hordeum vulgare Triticum aestivum l.s. Trticum dicoccum Triticum monococcum Vicia faba var. minuta Corylus avellana Crataegus monogyna Taxus baccata Phleum pratense Fabaceae Poaceae indéterminés

unités stratigraphiques qui enregistrent la diversité taxonomique en semences carbonisées la plus forte.

En fonction de leur comportement phytosociologique actuel (Ellenberg 1979 ; Bournérias 1979), les plantes identifiées peuvent être classées en sept groupes : les plantes aquatiques (hydrophytes), les plantes amphibies des grèves alluviales, les plantes de roselières, les plantes de ripisylve, les plantes de milieux forestiers et de leurs lisières établis sur des sols moins humides, les rudérales et les adven-tices des cultures.

Les hydrophytes

Le premier groupe, celui des plantes aquatiques, compte cinq taxons : le Cornifle émergé (Ceratophyllum demersum), des Potamogetons (Potamogeton spp.), le Zanichellie des marais (Zanichellia palustris), le groupe des Renoncules d’eau (Ranunculus aquatilis agg.) et des algues charophytes. Le Cornifle émergé, privé de système racinaire, voit son habitat limité aux eaux lentes ou stagnantes ( Haslam 1978). Il est ainsi caractéristique de l’alliance avec le Potamion euro-sibiricum qui se rencontre dans les bras morts ou les parties calmes des rivières, les étangs et les mares (Bournérias 1979). À de rares exceptions, les diffé-rentes espèces de Potamogetons sont elles aussi associées à des eaux calmes. Le Zanichellie des marais et les Renoncules d’eau sont deux taxons constants de cette alliance phytosociologique. Le Zanichellie des marais ne manifeste cepen-dant pas de préférence vis-à-vis de la mobilité de l’eau et fréquente aussi bien les eaux calmes du Potamion eurosibiricum que les eaux courantes du Ranunculion fluitantis (Bournérias 1979). Toutefois, l’absence de plantes caractéristiques des eaux courantes nous fait penser que le Zanichellie des marais poussait en com-pagnie des plantes d’eaux calmes, majoritaires.

Les plantes amphibies

Le deuxième groupe rassemble 11 taxons : Renouée à feuilles de Patience ( Polygonum lapathifolium), Scirpe des marais (Eleocharis palustris), Œnanthe aquatique (Oenanthe aquatica), Plantain d’eau (Alisma plantago-aquatica), Laîche hérissée (Carex hirta) et Renoncule scélérate (Ranunculus sceleratus). Ces herbacées amphibies réclament des sols fréquemment inondés, tout en supportant leur assèchement superficiel en été. Ces espèces sont caractéris-tiques de sols neutro-alcalins et riches en nitrates. Elles colonisent les marges des milieux aquatiques qu’occupent les hydrophytes du Potamion eurosibiri-cum. une autre espèce de sols dénudés, humides à mouillés, la Renouée poivre d’eau ( Polygonum hydropiper), a pu coloniser ce milieu. Quatre taxons nitro-philes – la Renouée des oiseaux (Polygonum aviculare), la Renouée persicaire ( Polygonum persicaria), les Chénopodes du groupe polysperme (Chenopodium groupe poly spermum) et l’Arroche hastée (Atriplex hastata) – ont également pu tirer profit de la richesse de ces sols pour s’y implanter (Bournérias 1979). Indépendamment de toute occupation humaine, les grèves constituent un milieu favorable aux rudérales et adventices. Mais il ne faut toutefois pas oublier que ces lieux ont été effectivement fréquentés par l’Homme et que des restes de plantes cultivées sont présents dans le méandre de la Deûle. Par conséquent, la possibilité que ces herbacées proviennent de milieux rudéraux ou de champs cultivés ne peut être exclue (cf. infra).

La roselière

Le troisième groupe est celui des plantes de roselières. Il existe une étroite

relation entre les roselières2, peuplements denses d’hélophytes sur alluvions

minérales (Phragmition), et la présence d’eaux calmes dont témoignent les hydrophytes identifiées : « les roselières typiques, denses et de grandes dimen-sions forment normalement, en l’absence de faucardage, la végétation spontanée de la marge des cours d’eau calmes, étangs et mares non ou faiblement acides » ( Bournérias 1979). Huit plantes de roselières ont été identifiées. Cinq d’entre elles sont typiques des roselières sur alluvions minérales : le Jonc des tonneliers (Scirpus lacustris) et le Rubanier dressé (Sparganium erectum), caractéristiques de la scirpaie, la Berle à feuilles étroites (Berula erecta), commune à la phragmi-taie et à la glycériaie, le Cresson officinal (Nasturtium officinale), typique de cette dernière, et la Lycope d’Europe (Lycopus europaeus). La scirpaie, qui ne tolère pas un assèchement prolongé, constitue un milieu favorable à l’implan-tation d’espèces des grèves alluviales, telles que le Plantain d’eau. L’accumula-tion de matière organique fait évoluer la roselière en une cladiaie-phragmitaie turficole dont le Cladium marisque (Cladium mariscus) est caractéristique. On observe la Salicaire (Lythrum salicaria) aussi bien sur alluvions minérales que sur tourbe. Lycopus europaeus et Lythrum salicaria se rencontrent aussi dans les bois humides. Des Joncs (Juncus spp.) ont également été identifiés. Étant donné que les hydrophytes témoignent d’un milieu aquatique à eaux calmes ou stagnantes, il n’est pas surprenant de trouver, parmi les végétaux implantés en bordure de l’eau, un certain nombre d’espèces, comme le Plantain d’eau, le Rubanier dressé et le Jonc des tonneliers, qui témoignent également de la faible mobilité du milieu aquatique.

La ripisylve

L’Aulne glutineux (Alnus glutinosa) est plus caractéristique des sols maréca-geux que des sols simplement humides des forêts riveraines. un engorgement permanent confère aux sols marécageux un caractère asphyxiant, permettant l’accumulation de tourbe et interdisant aux arbres un enracinement profond. Dans ce domaine, les longues racines que possède l’Aulne lui donnent un avan-tage certain (Haslam 1978). L’Aulne, essence héliophile pionnière (Rameau et al. 1989), était probablement la principale essence à occuper les zones les plus marécageuses en bordure de la Deûle. Il pouvait y pousser en compagnie d’hélophytes des roselières, telles que la Lycope d’Europe et la Salicaire. La Douce-amère (Solanum dulcamara), liane caractéristique des forêts hygrophiles (classe : Alnetea glutinosae ; ordre : Alnetalia), a pu s’y implanter. Appréciant les sols riches en azote, cette espèce mésohygrophile peut toutefois se rencontrer en milieux plus secs, en situation rudérale (Rameau et al. 1989). un certain nombre d’essences recherchant des sols humides, mais pas constamment engorgés, ont pu s’implanter dans la ripisylve (Alno-Padion). Les conditions mésohygrophiles des sols sur lesquels s’établit l’Alno-Padion favorisent particulièrement le Chêne pédonculé (Quercus robur) (cf. infra) (Rameau et al. 1989).

La strate arbustive de la ripisylve pouvait abriter le Sureau noir (Sambucus nigra), le Noisetier (Corylus avellana) et l’Aubépine (Crataegus monogyna). Il faut néanmoins remarquer que ce sont des sols moins humides – frais ou secs –, qui conviennent le mieux à cette dernière.

Enfin, parmi les herbacées qui investissent les sols humides de l’Alno-Padion, il faut citer le Galéopsi tetrahit (Galeopsis tetrahit) qui en est caractéristique,

la Malachie aquatique (Malachium aquaticum), la Renoncule rampante

2. Bournérias distingue cinq types de rose-lières : la scirpaie, la phragmitaie, la glycé-riaie, la typhaie et la phalaridaie. Chacun d’entre eux doit son nom à l’hélophyte pré-dominante : Scirpus lacustris, Phragmites

communis, Glyceria spectabilis, Typha latifo-lia et Phalaris arundinacea.

( Ranunculus repens), l’Ortie dioïque (Urtica dioïca), le Lierre terrestre ( Glechoma hederacea) et l’Épiaire des bois (Stachys sylvatica) qui s’y ren-contrent fréquemment.

Le milieu forestier et ses lisières

Plusieurs espèces identifiées peuvent être issues d’un milieu forestier, principa-lement caractérisé par des sols mieux drainés que ceux de la forêt riveraine. Cependant, la possibilité de trouver certains arbres et arbrisseaux dans l’une ou l’autre formation suggère une certaine continuité entre l’Alno-Padion et ce milieu forestier.

Les essences forestières en présence sont le Chêne (Quercus sp.), l’Érable cham-pêtre (Acer campestre) et l’If (Taxus baccata). Les restes de Chêne que nous avons isolés n’autorisent pas de détermination spécifique. Seules les exigences écologiques des candidats potentiels peuvent nous orienter vers l’espèce en pré-sence. La majorité des essences ligneuses identifiées par ailleurs (Alnus gluti-nosa, Sambucus nigra, Corylus avellana, Prunus spigluti-nosa, Crataegus monogyna, Acer campestre) réclament des sols basiques à neutres, voire légèrement acides (Rameau et al. 1989). De telles conditions favorisent le Chêne pédonculé (Quer-cus robur) au détriment du Chêne sessile (Quer(Quer-cus petraea) (Bournérias 1979). La strate arbustive de ces forêts pouvait abriter le Noisetier (Corylus avellana), l’Aubépine à un style (Crataegus monogyana), le Sureau noir (Sambucus nigra), rattaché à la classe des Epilobietea, et les Ronces des bois (Rubus fruticosus agg.), présentes dans divers milieux forestiers (Rameau et al. 1989). Soulignons toutefois que les milieux boisés n’offrent pas à ces petits ligneux les conditions les plus propices à la fructification, même si certains, notamment le Noisetier, s’en tirent mieux que d’autres (Moffett et al. 1989) (cf. infra).

Le cortège des herbacées pouvant provenir de tels milieux forestiers ne comporte que la Sabline à trois nervures (Moehringia trinervia) qui, contrairement à la majorité des herbacées identifiées, croît souvent dans la pénombre, la Bugle rampante (Ajuga reptans) et l’Épiaire des bois (Stachys sylvatica) sur les sols les plus humides, le Lierre terrestre (Glechoma hederacea) sur les sols les plus riches en nitrates, et le Fraisier des bois (Fragaria vesca).

Les lisières sont l’habitat privilégié de nombreux arbustes, arbrisseaux et sous-arbrisseaux, tous héliophiles ou photophiles : le Prunellier (Prunus spinosa) et l’Aubépine à un style, caractéristiques de l’ordre des Prunetalia spinosae, le Noisetier considéré comme une espèce constante de cet ordre (Ellenberg 1979 ; Rameau et al. 1989). Le Sureau noir et les Ronces des bois en font également par-tie ; leur statut de plantes caractéristiques ou constantes des Prunetalia spinosae varie toutefois selon les auteurs consultés. Les lisières abritent également la plu-part des espèces de Rosiers (Rosa spp.). Elles sont ainsi plu-particulièrement riches en petits fruits comestibles. La fréquentation dont elles font l’objet, pour peu qu’elles soient proches de lieux habités, favorise le développement de l’ormaie rudérale. Ce groupement se développe « au voisinage des villes, villages ou lieux fréquentés par l’Homme (lisières des bois, boqueteaux dégradés), notamment sur des substrats argilosableux ou lœssiques, sur sol riche en nitrates, neutre ou alcalin, à humus doux, souvent assez peu humide. Il s’agit d’une association de forêts dégradées ou en reconstitution » (Bournerias 1979). Le Sureau noir et le Prunellier, caractéristiques de ce groupement, recherchent des sols que la fré-quentation anthropique enrichit fortement en nitrates. En revanche, le Noisetier et l’Aubépine se montrent moins exigeants vis-à-vis de la richesse en sub-stances nutritives du sol. Ce sont, comme le Chêne pédonculé, des constantes de l’ ormaie. Les sols riches et frais sur lesquels s’établit l’ormaie rudérale répondent

aux exigences de l’ordre des Calystegio-Alliarietalia (classe des Artemisietea) : le Sureau yèble (Sambucus ebulus), la Lampsane commune (Lapsana communis), l’Ortie dioïque, la Malachie aquatique. La Sabline à trois nervures figure parmi les herbacées compagnes de cet ordre, le Lierre terrestre et la Bugle rampante parmi les compagnes des Prunetalia spinosae (Rameau et al. 1989). La plupart de ces herbacées recherchent des sols frais et riches en nitrates.

Après avoir présenté les formations végétales naturelles, nous allons maintenant discuter de l’existence de formations, principalement herbacées, dont l’origine et le maintien sont étroitement liés aux activités anthropiques.

Les milieux rudéraux

Par leur appartenance à la classe phytosociologique des Artemisietea ( Ellenberg 1979), le gaillet gratteron (Galium aparine), le Sureau yèble ( Sambucus ebu-lus), la Lampsane commune (Lapsana communis), la Douce-amère (Solanum dulcamara) et l’Ortie dioïque (Urtica dioïca) renvoient aux endroits incultes sur lesquels l’Homme exerce une forte emprise à intervalles plus ou moins réguliers (bords de chemins, friches, jachères, etc.). De nos jours, aussi bien les dépotoirs, anciens jardins et décombres semi-ombragés que les ourlets forestiers aux sols frais enrichis en nitrates (Bournerias 1979) accueillent ces rudérales.

une action anthropique en apparence plus anodine, le piétinement, a pu favoriser le développement de quelques autres plantes, comme la Laîche hérissée (Carex hirta) que l’on peut voir au bord des chemins sur sol hydromorphe, pour peu que ceux-ci fassent l’objet d’une fréquentation régulière (Bobe, Kovacs 1989), la Renouée des oiseaux (Polygonum aviculare) et le grand Plantain (Plantago major). Attestés au sein de deux trous de poteau de la palissade (st. 429 et 547), la Renouée des oiseaux et le grand Plantain affectionnent particulièrement les sols tassés et rendus asphyxiants par des piétinements répétés auxquels ces plantes résistent très bien (Bournérias 1979). Gaillet gratteron et Sureau yèble livrent eux aussi des semences carbonisées en contexte d’habitat.

Les champs cultivés

Le groupe des « mauvaises herbes » des cultures compte 11 taxons, dont la répar-tition entre annuelles des cultures d’hiver (classe des Secalietea) et annuelles des cultures d’été et/ou sarclées (classe des Chenopodietea) est assez déséquilibrée. Les annuelles hivernales germent dès l’automne, traversent l’hiver à l’état de plantules et, dès les premiers beaux jours, connaissent une croissance rapide, même sur des sols plutôt pauvres (Greig 1988). La flore adventice des céréales d’hiver est représentée par l’Alchémille des champs (Aphanes arvensis) et la Neslie paniculée (Neslia paniculata). Cette dernière est attestée, au sein du trou de poteau 661, non par une semence, mais par le fruit qui renferme cette der-nière (silique). De la famille des Brassicacées, cette herbacée apprécie la chaleur et les sols argileux ou glaiseux (Aichele 1975).

L’Arroche hastée/étalée (Atriplex hastata/patula), le Chénopode blanc et les Chénopodes du groupe polysperme (Chenopodium album et C. groupe poly-spermum), la Renouée des oiseaux et la Renouée persicaire (Polygonum avi culare et P. persicaria), la Morelle noire (Solanum nigrum), la petite Ciguë (Aethusa cynapium), la Renoncule rampante (Ranunculus repens) et la Mercuriale annuelle (Mercurialis annua) investissent aussi bien les cultures sarclées que les champs de céréales semées au printemps (ordre des Polygono-Chenopodietalia). Adeptes des sols riches en azotes, ces herbacées ne sont pas strictement associées aux seules terres emblavées et envahissent tout autant les milieux rudéraux, incultes (ordre des Sisymbrietalia) (cf. supra).

Les informations relatives aux plantes cultivées, relevant plus du domaine éco-nomique que de l’environnement, sont présentées plus loin. Il en va de même pour les plantes sauvages utilisées à des fins techniques ou alimentaires.

Apports de l’anthracologie à la connaissance