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Introduction : problématique et méthodologie

L’étude de l’industrie en silex des deux secteurs fouillés au Marais de Santes s’inscrit dans l’approche plus large des séries lithiques qui caractérisent les

1. La méthode d’analyse fonctionnelle mise en œuvre repose sur trois niveaux d’inter-prétation : à l’œil nu, à faible grossissement de x 6 à x 40 (binoculaire stéréoscopique Wild) et à fort grossissement (microscope métallographique Olympus Bx51M). Elle reprend le protocole expérimental défini par Keeley (1980) ainsi que les procédures d’ob-servation et d’interprétation adoptées par de nombreux chercheurs (Caspar 1988 ; Plisson 1985 ; Vaughan 1985, pour ne citer qu’eux).

de la France et, plus particulièrement, dans la vallée de la Deûle (Martial et al. 2004 ; Martial, Praud 2007, 2011 ; Martial et al. 2011 ; Praud et al. 2007). La caractérisation de ces industries se réfère à plusieurs volets d’analyse qui sont : l’identification des matières premières et de leur gestion, la définition des pro-ductions comprenant la technologie des débitages, la gestion des supports, la

typologie et la caractérisation fonctionnelle de l’outillage1, la mise en évidence

des différents systèmes techniques, ainsi que la reconstitution de la distribution des principales activités sur le site.

Traiter cet aspect de la culture matérielle sous ces angles permet d’aborder les questions concernant l’économie des matières premières et celle des débitages. Cette approche, la plus complète et la plus systématique possible, permet de valider les comparaisons entre sites à l’échelle régionale dans l’objectif, à terme, de pouvoir caractériser de manière fiable les industries en silex associées aux implantations datées de la fin du Néolithique et attribuées en l’occurrence au groupe régional Deûle-Escaut.

Contextes d’étude

La série étudiée sur le site d’habitat (tranche 1) correspond à l’ensemble des élé-ments récoltés lors de la fouille du site implanté en rive droite de la Deûle, sur le versant jusqu’en bordure d’un petit méandre fossile, comportant en particulier un très grand bâtiment rectangulaire dans un enclos palissadé.

Rappelons que la fouille de ce secteur de 1,1 ha, dont les limites réelles n’ont pas été approchées, a été réalisée dans des conditions ardues qui n’ont permis de traiter les différents aménagements que très partiellement. Il faut donc consi-dérer le mobilier récolté dans ce contexte d’intervention comme un échantillon, a priori représentatif du corpus potentiel, témoin résiduel des activités qui se sont déroulées sur le site.

La fouille d’une portion de paléochenal (tranche 2) sur une surface totale d’en-viron 400 m² avait pour objectif principal d’étudier l’aménagement de bois du Bronze final et d’explorer les vestiges rencontrés dans le comblement de ce méandre de la Deûle, afin d’identifier les relations supposées entre l’habitat du versant et la fréquentation de ce secteur humide en contrebas, suivant une approche pluridisciplinaire la plus complète possible. La complexité du cadre chronostratigraphique et les conditions taphonomiques posent des problèmes classiquement rencontrés dans ce type de gisement. En effet, il s’agit, dans un premier temps, d’évaluer la qualité de l’assemblage issu d’un contexte fluviatile archéologiquement non structuré, que l’Homme a pu fréquenter pendant une très longue durée et où les remaniements potentiels, naturels et anthropiques, doivent être appréciés. Le risque majeur, dans ce cas de figure, est de se trouver face à un palimpseste d’industries difficile à démêler.

Lors de la fouille, le mobilier lithique a été systématiquement prélevé et enre-gistré par mètre carré en plan et suivant sa position verticale par unité strati-graphique. Six couches distinctes et leurs zones de contact ont été distinguées dans le comblement du méandre et l’amorce de la berge. Rappelons qu’il s’agit, de bas en haut, de : sédiment verdâtre (SV), sable tuffacé néolithique (SN), tourbe (T), limon coquillier (LC), tourbe limoneuse et tuf (TLT) et, enfin, rema-niements (R) pour les comblements de fossés et les remblais (cf. supra). Les dates obtenues sur cette séquence sont cohérentes et confirment, par exemple, la formation de la tourbe (T) à une phase ultérieure à celle de la couche de sable à mobilier néolithique (SN) sur la surface fouillée (cf. supra).

2. La présence d’artefacts en silex méso-lithiques avait été détectée sur le terrain, mais dans des proportions moindres.

Méthode adoptée à la suite des premières observations et en fonction des contraintes taphonomiques

L’approche de l’industrie trouvée lors de la première campagne de fouille sur l’habitat a été menée de manière classique dans ce cas de figure : les artefacts ont été triés et étudiés par structure, puis analysés dans leur globalité. En effet, l’assemblage issu du comblement des structures en creux attribuées au Néo-lithique final est a priori homogène. Néanmoins, la présence de quelques arma-tures microlithiques attribuables au Mésolithique a été relevée.

Dans le cas du paléochenal, nous avons dû adapter la méthode aux contraintes du contexte.

La première étape a consisté à étaler l’intégralité des artefacts, en les triant par unité sédimentaire et par mètre carré. une première observation permettait de formuler d’emblée plusieurs remarques : l’industrie est globalement comparable dans toutes les couches, avec une répartition correspondant grosso modo à la moitié de l’effectif dans le SN et l’autre moitié dans les autres couches, majori-tairement dans T et, dans une moindre mesure, dans SV ; en outre, l’existence d’artefacts attribuables au Mésolithique et au Paléolithique supérieur pose éga-lement problème.

Autrement dit, le défaut d’homogénéité2 et l’existence d’un spectre

compa-rable, toutes proportions gardées, d’une couche à l’autre et de bas en haut de la séquence, semblent en contradiction avec une partie des interprétations géo-morphologiques et palynologiques, confortées par un panel de dates.

Ces premières observations nous amènent à nuancer notre perception globale de l’assemblage du point de vue de sa qualité et, par voie de conséquence, à nous questionner sur la manière de l’appréhender. En effet, quelle démarche adopter face à un corpus numériquement important (environ 10 000 pièces au total) comprenant des industries nettement diachroniques dans un contexte strati graphique complexe et avec les contraintes d’un temps d’étude limité ? Autrement dit : comment tirer le maximum d’informations valables d’un tel assemblage dans les limites posées ?

Sur la base de séries régionales de référence et, plus particulièrement, celle issue du vaste habitat immédiatement voisin (Martial, Praud 2007 ; Piningre 1985), nous avons choisi de réaliser successivement :

– un pointage et une cartographie de tous les éléments a priori caractéristiques du Néolithique final pour les principales unités sédimentaires sur toute la sur-face fouillée ;

– un pointage et une cartographie de tous les éléments a priori diachroniques, paléolithiques et mésolithiques, essentiellement sur la base de critères morpho-typologiques ;

– un inventaire informatisé de l’industrie issue du SN dans le secteur où cette couche ainsi que la tourbe sont les plus dilatées et les moins perturbées, soit

54 m2 à valeur de référence dans le nord-ouest du décapage ;

– un décompte complété par une détermination des produits et des matières premières pour tout le reste du mobilier contenu dans SN. En ce qui concerne l’industrie recueillie dans T, dans T/SN, dans SV, dans T/SV et dans SN/SV, seuls les éléments particuliers ont pu être distingués dans les délais d’étude impartis. Le but de la démarche, à travers ces étapes successives, est de tenter de décryp-ter ce corpus et d’essayer de caractériser au mieux l’industrie attribuable au

IIIe millénaire avant notre ère pour le comparer ensuite avec celui récolté sur