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Dans ce chapitre je m’intéresserai aux études évaluant l’intérêt des CSC dans l’établissement de facteurs pronostiques de cancers du sein. Je me concentrerai en particulier sur le marqueur CD24-/CD44+ et sur les contradictions subsistant à l’heure actuelle dans la littérature.

Etudes cliniques associant l’expression de CD24 à la progression tumorale

La première étude cherchant à corréler CD24 à la progression tumorale date de 1999. Dans cet article, Fogel et al. montrent clairement une surexpression de CD24 dans tous les carcinomes mammaires canalaires étudiés, quel que soit le grade tumoral, par rapport au sein normal contrôle. Notamment, les auteurs montrent un déplacement du marqueur CD24 au cours de la progression tumorale. Ainsi, les carcinomes canalaires in situ de faible grade présentent un fort marquage apical et un faible marquage cytoplasmique de CD24 tandis que les carcinomes in situ de grade élevé et infiltrants présentent un fort marquage cytoplasmique (Fogel et al, 1999). L’étude de Bircan et al. confirme la surexpression de CD24 dans les carcinomes canalaires par rapport au tissu de sein normal (Bircan et al, 2006). De plus, le marquage CD24 cytoplasmique serait corrélé positivement au grade de la tumeur dans les carcinomes canalaires in situ tandis que le marquage CD24 membranaire est corrélé positivement au grade de la tumeur dans les carcinomes infiltrants. Finalement, CD24 ne serait pas corrélé aux facteurs histopathologiques habituels (ER, PR, c-erbB2). Ces deux études concluent à la spécificité de localisation du CD24 en fonction du type tumoral (canalaire ou infiltrant), mais ne statuent pas sur l’utilisation de CD24 comme facteur pronostique.

La valeur pronostique de CD24 est analysée dans un article publiée en 2003 par Kristiansen et al. (Kristiansen et al, 2003). Ces travaux, réalisés sur des carcinomes primaires canalaires et lobulaires de différents grades, confirment la surexpression de CD24 par le tissu tumoral par rapport au tissu sain. Ainsi, la présence de CD24 cytoplasmique, indépendamment du niveau d’expression, serait un facteur général de mauvais pronostique associé à la récurrence et à la progression tumorale, et ce quel que soit le traitement reçu au moment du diagnostic (chirurgie, radiothérapie adjuvante ou non, chimiothérapie associée ou non au tamoxifène).

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Plus récemment, Mylona et al. ont montré une corrélation négative entre la prévalence de cellules CD24+/CD44-, la durée sans rechute et la survie globale, notamment dans les tumeurs de grade II, tandis que la prévalence de cellules CD24-/CD44+ est plutôt associée à une absence de rechute (Mylona et al, 2008). Enfin, une étude portant sur les carcinomes infiltrants de faibles grades (I et II) et sur une grande cohorte de 1036 patientes indique une fois de plus la surexpression de CD24 par les cellules tumorales par rapport au tissu sain, et montre que le marquage CD24-/CD44+ est significativement de meilleur pronostique que le marquage CD24+/CD44- (Ahmed et al, 2011). Notamment, CD44 serait corrélé positivement à la survie globale tandis que le marquage CD24 cytoplasmique ne serait pas corrélé à la survie. En contradiction avec les travaux décrits précédemment un certain nombre d’études cliniques, basées sur le postulat des CSC, ont cherché à mettre en évidence une malignité accrue des cellules de type CD24-/CD44+. En effet, une analyse de carcinomes in situ réalisée par Giatromanolaki et al. a montré une corrélation entre le phénotype CD24-/CD44+, une angiogenèse accrue, les tumeurs triple-négatives (ER-, PR, c-erb-B2) et un mauvais pronostique en termes de survie globale (Giatromanolaki et al, 2010). Un pourcentage élevé de cellules CD24-/CD44+ au sein d’une tumeur a également été associé par Abraham et al. à la présence de métastases, mais ces auteurs ont montré une absence de corrélation avec le pronostique et la survie globale (Abraham et al, 2005). Une méta-analyse groupant 12 études cliniques a montré une corrélation entre les CSC de type CD24-/CD44+ et ALDH+ et les paramètres histo-pathologiques ER, PR, HER-2 ainsi que le grade de la tumeur (Zhou et al, 2010). En particulier, les marquages CD24-/CD44+ et ALDH+ sont associés dans cette étude à une survie globale réduite, bien que les marqueurs CD24-/CD44+ et ALDH+ ne soient pas corrélés l’un avec l’autre, ce qui peut être dû à l’hétérogénéité des travaux recoupés. Enfin, Lu et al. ont montré une augmentation de la proportion de cellules CD24-/CD44+ dans les carcinomes invasifs par rapport aux fibroadénomes et au sein normal, mais une absence de corrélation avec le sous-type histologique des tumeurs, et avec les paramètres cliniques utilisés habituellement (Lu et al, 2011).

Incohérences dans la littérature

La plupart des études citées précédemment s’accordent à reconnaitre une surexpression de CD24 dans les tumeurs du sein par rapport au tissu sain. En revanche, la valeur pronostique des marqueurs CD24 et CD44 n’est clairement pas établie. Différentes raisons peuvent être avancées pour expliquer les incohérences de la littérature. D’une part, il semble que la

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localisation du marquage CD24 quantifié (membranaire, cytoplasmique ou nucléaire) ait un impact sur les résultats obtenus, ainsi que l’anticorps utilisé pour réaliser l’immunohistochimie et la méthode de quantification du marquage positif. Notons que la plupart des études in vitro, dont la nôtre, étudie le phénotype CD24/CD44 par marquage membranaire sur cellules vivantes, analysé par cytométrie en flux, ce qui ne tient pas compte d’un éventuel marquage cytoplasmique. En outre, Ahmed et al. suggèrent un rôle prépondérant du microenvironnement dans les résultats des études cliniques, la plupart des expériences sur les CSC étant réalisées in vitro ou en souris immunodéficientes (Ahmed et al, 2011). Les CSC ayant été associées à la résistance des tumeurs aux chimiothérapies ou radiothérapies, leur valeur pronostique peut également différer en fonction du traitement reçu, du type tumoral et du grade au moment du dépistage. Effectivement, les études actuelles sont peu uniformes en termes de tumeurs observées, grade des tumeurs, taille des cohortes etc. L’association ou non du marqueur CD24 au marqueur CD44, éventuellement à d’autres marqueurs de CSC et au statut ER peut avoir un impact non négligeable sur les résultats (Ali et al, 2011). Enfin, il me semble qu’un dernier point mérite d’être évoqué : en effet alors que l’hypothèse des CSC accorde une place primordiale à une sous population cellulaire, certaines des études cliniques mentionnées étudient l’expression globale par la tumeur de CD24 et CD44. Peut-être serait-il intéressant d’adapter les études cliniques à la théorie des CSC, et donc de s’intéresser à la cohabitation de différentes sous populations cellulaires dans la tumeur plutôt qu’à son phénotype global.