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Comme mentionné précédemment, un des objectifs principaux de l’étude des cellules souches cancéreuses est de comprendre les mécanismes qui mènent à la rechute tumorale. Ainsi, bien que les thérapies conventionnelles (chimiothérapie et radiothérapie) permettent une fonte tumorale rapide chez la plupart des patientes, on observe parfois au bout d’un certain temps une récidive de la tumeur. Les CSC étant par définition plus résistantes à la chimiothérapie et à la radiothérapie que le reste des cellules tumorales, celles-ci pourraient être à l’origine de la rechute. La résistance à la chimiothérapie des CSC est associée à des altérations des voies de signalisation contrôlant l’autorenouvèlement et la différenciation, telles que Notch, Wnt, Hedgehog et HER2 (Nguyen et al, 2010; Velasco-Velazquez et al, 2012).

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Etudes in vitro

La définition des cellules SP repose sur leur capacité à effluer les drogues toxiques. Il est donc naturel de supposer que ces cellules sont à l’origine de la chimiorésistance des tumeurs. Ainsi, Hirschmann-Jax et al. cités précédemment ont montré une chimiorésistance amplifiée des cellules SP de neuroblastomes traités par la mitoxantrone (Hirschmann-Jax et al, 2004). Dans les cancers du sein, les cellules SP surexpriment des pompes à efflux, notamment ABCG2, qui leur permettraient de résister aux chimiothérapies. Britton et al. ont observé l’existence de cellules SP surexprimant ABCG2 dans des micro-aspirations de tumeurs (Britton et al, 2012). Ils ont de plus démontré la résistance à la mitoxantrone de ces cellules dans des lignées mammaires cancéreuses. D’autres marqueurs de CSC du sein ont été examinés pour isoler les cellules chimiorésistantes. Afin de démontrer la résistance accrue des CSC mammaires aux drogues toxiques utilisées en chimiothérapie, Crocker et al. ont trié et exposé aux drogues doxorubicine/paclitaxel les cellules de type ALDH+/CD44+ et ALDH-/CD44- issues des lignées mammaires humaines MDA-MB-231 et MDA-MB-468 (Croker & Allan, 2011). Au bout de 72h de traitement, les cellules ALDH+/CD44+ présentent un meilleur taux de survie, et l’inhibition de l’activité ALDH permet de chimio-sensibiliser ces cellules. L’activité ALDH serait donc fortement liée à la chimiorésistance des cellules, bien que cette étude ne propose pas de mécanismes pour expliquer ce phénotype. Une approche différente utilisée par Li et al. démontre la chimioresistance de CSC murines in vitro (Li et al, 2008a). Ainsi, considérant la chimiorésistance des CSC acquise d’office, ces auteurs ont utilisé des drogues toxiques pour identifier le meilleur marqueur de CSC dans une lignée mammaire tumorale de souris. La lignée TM40D contient initialement 0.7 à 1.6% des cellules CD24-/CD44+. Après 10 passages sous forme de mammospheres en milieu sans sérum, suivis de 1 semaine de traitement paclitaxel/epirubicine, cette lignée contient plus de 99.8% de cellules CD24- /CD44+, hautement tumorigéniques lorsqu’elles sont injectées à des souris BALB/C. Ces auteurs concluent donc à la validité du marqueur CD24-/CD44+ pour identifier les CSC murines, et démontrent par la même occasion la chimiorésistance de ces cellules. Paradoxalement, il est généralement admis que les CSC murine possèdent un phénotype CD29+/CD24+ (Zhang et al, 2008). Les travaux de Li et al. se démarquent donc du reste de la littérature, et soulignent les incertitudes qui existent à l’heure actuelle sur les marqueurs de CSC murines. Enfin, Van Phuc et al. ont montré que l’inhibition de CD44 par siRNA permet de sensibiliser des cellules de cancer du sein à un traitement par la doxorubicine (Van Phuc et al, 2011).

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Etudes cliniques

Dans des études cliniques, différents travaux ont cherché à mettre en évidence la résistance accrue des CSC à la chimiothérapie et à en comprendre les origines. Li et al. ont ainsi évalué la proportion de CSC dans des biopsies de patientes avant et après traitement (Li et al, 2008b). Leur étude montre que, 12 semaines après une chimiothérapie néoadjuvante (docetaxel, doxorubicine, cyclophosphamide), les tumeurs HER2- sont enrichies en cellules CD24- /CD44+ et en cellules capables de former des mammospheres. De plus, les cellules ayant survécu à la chimiothérapie présentent une capacité accrue à former des tumeurs chez la souris SCID/Beige. En revanche, chez les patientes traités par lapatinib (traitement des tumeurs qui surexpriment HER2), on observe une diminution non statistiquement significative du pourcentage de cellules CD24-/CD44+ et de cellules capables de former des mammospheres. La chimiothérapie conventionnelle pourrait donc sélectionner les CSC de type CD24-/CD44+, tandis que le lapatinib permettrait d’éliminer les CSC en ciblant la voie EGFR active dans les tumeurs HER2+. Cette étude est en contradiction avec les travaux de Tanei et al., qui ont quantifié les cellules CD24-/CD44+ et ALDH+ issues de biopsies de 108 patients, avant traitement et après chimiothérapie (paclitaxel, epirubicine) (Tanei et al, 2009). Dans ces échantillons, seul le marqueur ALDH+ est corrélé au risque de rechute. De plus, seules les cellules ALDH+ sont sélectionnées par le traitement, tandis que le pourcentage de cellules CD24-/CD44+ n’est pas modifié. Pour expliquer l’apparente contradiction de ces résultats avec ceux de Li et al., ces auteurs avancent des différences dans les protocoles de traitement et d’immunohistochimie. Bien que ne s’accordant pas sur le marqueur CSC le mieux adapté aux études cliniques, ces deux études suggèrent donc une sélection des CSC par le traitement de chimiothérapie sans proposer toutefois de mécanisme moléculaire mis en jeu. Un second travail publié par les mêmes auteurs va plus loin dans la caractérisation des cellules résistantes. A partir de tumeurs du sein, cette étude propose une signature moléculaire de 493 gènes issue du recoupement entre une signature des cellules CD24-/CD44+ et une signature de mammospheres. Cette signature, corrélée avec le sous-type tumoral claudin- low/basal B, est également enrichie dans les tumeurs après traitement endocrine au letrozole, ou chimio-thérapeutique au docetaxel. Enfin, de manière intéressante, parmi les gènes surexprimés après traitement dans les tumeurs figurent un certain nombre de gènes de la transition épithéliale-mésenchymateuse, ce qui confirme le lien établi entre EMT et CSC (Creighton et al, 2009).

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