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Définition

La théorie des Cellules Souches Cancéreuses (CSC) a émergé dans les années 2000, de la comparaison faite entre les mécanismes moléculaires permettant l’auto-renouvellement des cellules souches normales et les propriétés des cellules tumorales. Les cellules souches normales sont définies comme une sous population cellulaire rare, qui possède la capacité de s’auto-renouveler et de se différencier en différents types de cellules matures. Dès 1855, Rudolf Virchow a émis l’hypothèse que le cancer proviendrait de l’activation de cellules « dominantes » ayant conservé leurs propriétés embryonnaires au sein des tissus matures. En 1875, des pathologistes comme Julius Cohnheim ont développé cette idée, et supposé que le développement cancéreux serait originaire de cellules embryonnaires mal placées lors du développement fœtal (Schmitt et al, 2012). Ainsi, par la suite, une hypothèse a été émise selon laquelle les Cellules Souches Cancéreuses formeraient une sous population réduite et relativement indifférenciée, probablement issue de la cancérisation des cellules souches normales et dont la prolifération et la différenciation seraient à l’origine de la masse tumorale (Reya et al, 2001). Comme nous le verrons par la suite, il est probable que les cellules souches normales et cancéreuses partagent les mêmes machineries moléculaires, et les facteurs contrôlant les fonctions des cellules souches normales seraient impliqués dans le processus oncogénique. Yamanaka a montré que l’introduction de 4 facteurs (Oct3/4, Sox2, c-Myc et Klf4) suffisait à induire des cellules souches pluripotentes à partir de fibroblastes adultes ou embryonnaires (Takahashi & Yamanaka, 2006). Parallèlement à cela, l’introduction de ces facteurs dans des cellules mammaires immortalisées induit un phénotype de cellules souches tumorales (Nishi et al, 2013).

Mise en évidence des CSC et propriétés

Le modèle stochastique de progression tumorale établi traditionnellement qu’une tumeur peut provenir de la cancérisation de n’importe quelle cellule de l’organisme qui aurait accumulé aléatoirement certaines mutations. D’après ce modèle, les cellules de la tumeur forment un

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groupe homogène également tumorigènes, qui possèdent toutes le même potentiel de prolifération, comme représenté sur la figure 17 (Ginestier et al, 2007b; Takebe et al, 2011a).

Figure 17 : Modèles stochastique et hiérarchique de prolifération tumorale

(a) Modèle stochastique : toutes les cellules de la tumeur possèdent le même potentiel tumorigénique, la progression tumorale est due à des mutations aléatoires qui confèrent à la cellule mutée un avantage prolifératif. (b) Modèle hiérarchique : un sous-groupe de cellules tumorales agressives, les « cellules souches cancéreuses » (CSC), possède la capacité de s’autorenouveler et constitue la masse tumorale en proliférant asymétriquement (Reya et al, 2001)

La nécessité de déterminer un nouveau modèle de carcinogenèse a été fondée sur l’observation que seules 0.001% à 1% des cellules leucémiques sont capables de former des colonies in vitro ou in vivo (Reya et al, 2001). Les cellules souches de leucémie myéloïde aigüe (AML) ont été identifiées dans les années 90, à partir du phénotype des cellules souches hématopoïétiques normales. Ainsi, Bonnet et al. ont démontré que les cellules de leucémie humaine possédant un phénotype CD34++CD38- sont au moins 100 fois plus tumorigéniques que les cellules CD34+CD38+ lorsqu’elles sont injectées à des souris NOD/SCID. Les CSC de leucémie possèdent de plus la capacité de se différencier et exprimant différents marqueurs de lignées hématopoïétiques, et leur descendance reproduit l’hétérogénéité du cancer d’origine. Enfin, ces CSC peuvent être passées en souris NOD/SCID, ce qui prouve leur potentiel d’auto-renouvèlement illimité. De même que les cellules souches normales, les CSC de leucémie forment une sous-population rare, ainsi les cellules CD34++CD38- représentent environ 0.2% des cellules d’AML (Bonnet & Dick, 1997; Lapidot et al, 1994).

Les propriétés des cellules souches cancéreuses peuvent être généralisées, en comparaison avec les cellules souches normales (CSN). Les deux populations possèdent un potentiel de

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prolifération en théorie illimité, et leur descendance peut posséder le même potentiel ou au contraire se composer de cellules différenciées au potentiel de division limité. Les CSC sont plus tumorigéniques que les autres cellules composant la tumeur, et sont potentiellement à l’origine des métastases. Enfin, il est généralement suggéré que les CSC tout comme les CSN forment une sous-population rare au sein de la tumeur, cela est toutefois sujet à caution (Johnston et al, 2010).

On suppose habituellement que les CSC seraient issues de la transformation cancéreuse des CSN ou de cellules progénitrices. D’une part, ces cellules possèdent des voies moléculaires nécessaires aux CSC déjà activées, en d’autres termes la transformation d’une CSN en CSC nécessite d’accumuler moins de mutations que la transformation d’une cellule différenciée en CSC. D’autre part, la durée de vie d’une CSN et le grand nombre de divisions effectué par ces cellules augmente statistiquement la probabilité d’accumuler des mutations permettant la transformation cancéreuse (Reya et al, 2001; Woodward et al, 2005). Ainsi, on assimile généralement la « cellule d’origine », c’est-à-dire la cellule subissant la première transformation oncogénique à l’origine de la formation d’une tumeur, à une cellule souche cancéreuse. Cette vision linéaire de la progression tumorale est affinée actuellement par des modèles qui distinguent les notions de cellule d’origine et de CSC (Visvader, 2011).

Les principales voies moléculaires communes aux CSN et aux CSC sont les voies permettant l’auto-renouvèlement illimité et la différenciation de ces cellules : Notch, Wnt et Hedgehog. Ainsi, la voie Notch joue un rôle dans la régulation des communications cellulaires au cours de l’embryogenèse, la prolifération et la différenciation et l’apoptose, et des inhibiteurs de cette voie sont testés en essais cliniques. La voie de signalisation Hedgehog contrôle la polarité cellulaire et la maintenance des cellules souches au cours du développement de l’embryon. En particulier, dans les leucémies et le cancer du sein, le répresseur de transcription Bmi-1 en aval de la voie Sonic-Hedgehog contrôlerait la maintenance des CSC. Enfin, dans les tissus adultes, la voie de signalisation Wnt-βcatenin joue un rôle dans la régulation de l’auto-renouvèlement cellulaire et une activité dérégulée de Wnt a été associée à l’activité des CSC (Takebe et al, 2011a). Une dérégulation concomitante et coordonnée de ces voies et d’autres acteurs moléculaires pourrait jouer un rôle dans le maintien des propriétés des CSC.

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