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Marchés protégés, monopoles et positions dominantes

Dans le document UNIVERSITÉ DE LA POLYNÉSIE FRANÇAISE (Page 29-33)

CHAPITRE 1 : LA POLYNÉSIE FRANÇAISE : UNE ÉCONOMIE SOUS SERRE

6. Marchés protégés, monopoles et positions dominantes

Les barrières tarifaires (et non tarifaires) et de manière générale la fiscalité

polynésienne favorisent certaines entreprises dans certains secteurs bien précis, ce qui nuit clairement à la concurrence sur bon nombre de marchés, que l’on peut donc considérer comme des marchés « protégés » par les pouvoirs publics locaux.

En effet, la concurrence est absente dans de nombreux secteurs, tels que

l’électricité, les postes, les transports aériens intérieurs, la brasserie, les boissons non alcoolisées, la charcuterie, etc.

De plus il existe également des positions (très) dominantes dans beaucoup d’autres secteurs (télécommunications, grande distribution, bières, etc.)

L’exemple le plus marquant concerne la grande distribution où le groupe Wane

détient 75% de parts de marché (enseignes Carrefour et Champion).

Il existe aussi bon nombre de marchés oligopolistiques où les ententes sont faciles (car les consommateurs ont peu de points de comparaison extérieurs) et rarement réprimées (banques, assurances, hydrocarbures, acconage, importation de produits agro-alimentaires ou de construction, transports aériens internationaux, production de fruits et légumes dont l’importation est contingentée).

Concernant le marché bancaire, on notera, par exemple, que les taux d’intérêt appliqués en Polynésie française sont généralement 1% à 2% plus élevés que les taux en Métropole (selon l'Observatoire des tarifs bancaires aux particuliers dans les COM du Pacifique, IEOM).

L’écart est encore plus flagrant sur les commissions bancaires qui peuvent, dans

certains cas, être très élevées.

Ces monopoles et positions dominantes perdurent car il n’y a pas d’associations de protection des consommateurs dotées de moyens suffisants mais aussi car certains monopoles semblent être protégés par la puissance publique (transports en

commun, poste, télécommunications, fournisseur d’accès internet, grande distribution, etc.).

Enfin, certaines entreprises importatrices bénéficient d’une exclusivité d’importation de certaines marques connues (Colgate-Palmolive, Unilever, etc.).

Ceci explique pourquoi les entreprises importatrices polynésiennes ont des marges absolues deux fois plus élevées que leurs homologues métropolitaine (environ 38 % en PF contre 17-18% en Métropole)6.

7. Déficit de compétitivité à l’origine de la baisse des exportations de biens

(perles) et de services (tourisme)

Comme nous l’avons vu dans les précédentes sections, plusieurs facteurs

interviennent sur le niveau de prix en Polynésie, qui est donc très élevé. Deux études ont comparé les prix polynésiens avec les prix en Métropole : la

première étude du CEROM (associant l’INSEE, l’IEOM, l’AFD et l’ISPF) montrait en 2010 que le budget de consommation d’un ménage de France métropolitaine augmenterait de 51% en Polynésie française (contre « seulement » 17% en Martinique ou 15% en Guadeloupe par exemple).

Voici quelques exemples d’écart de prix secteur par secteur :

-75% pour l’alimentation

-103% pour les boissons alcoolisées et le tabac

-45% pour le logement, l’eau, le gaz, l’électricité

-63% pour l’habillement

-64% pour l’ameublement

-36% pour la santé -25% pour les transports

6Rapport de l’IEOM 2013

-60% pour les loisirs et la culture -25% pour les communications

La seconde étude en 2016 (ISPF), en améliorant la méthodologie, avait trouvé un différentiel de prix d'un panier de consommation métropolitain de 55%.

De tels niveaux de prix affectent grandement la compétitivité de la Polynésie française, notamment sur l’exportation de services comme le tourisme mais aussi sur les exportations de perles.

Cependant, les exportations de biens représentant une part très faible du PIB, nous nous intéresserons d’abord au tourisme, qui représente 15% de l’emploi salarié en PF et environ 8 à 10% du PIB polynésien.

De plus, Lewis (1950), Demas (1965) et Poirine (1995, 1996a, 1996b, 2007,2011) montrent que le seul levier de croissance économique à long terme pour une PEI, repose sur les ressources extérieures, en raison de la taille insuffisante du marché

intérieur, qui ne permet ni économies d’échelle ni économies externes

d’agglomération.

La Polynésie ne disposant pas de matières premières à exporter (comme par exemple le nickel en Nouvelle-Calédonie), on comprend donc l’importance du tourisme sur une éventuelle croissance à long terme en PF.

Or, force est de constater que le tourisme ne se porte pas bien en Polynésie, et ce ,

notamment depuis une quinzaine d’années, alors que, pourtant, le marché

touristique Asie-Pacifique connaît une croissance annuelle moyenne d’environ 6% sur cette même période.

Plus précisément, entre 2000 et 2008, le nombre de touristes en PF a chuté de plus de 20% alors qu’il augmentait de plus de 60% dans la région Asie-Pacifique7. Entre le début de la crise en 2009 et 2015, le nombre de touristes en PF a chuté puis est

revenu à son niveau initial, alors qu'il augmentait de plus de 50% dans la région Asie-Pacifique8.

En tout cas, le nombre de touristes en PF oscille depuis 10 ans entre 160000 et 200000 touristes, soit environ 0,7 touriste par habitant par an là où des destinations comme Hawaii engendrent 6 à 7 touristes par habitant par an.

Ces chiffres sont bien loin de l’objectif de doublement des ressources extérieures propres, notamment grâce au tourisme international, qui était annoncé dans le « Pacte de progrès » de 1995. Ce document de réflexion tentait de trouver une voie de développement pour la PF suite à l’arrêt des essais nucléaires.

Cet impact négatif du niveau de prix élevés sur les ressources extérieures et donc sur la croissance nous amène donc à la question suivante : est-ce que la fiscalité douanière, via ses effets inflationnistes directs (droits de douane, TDL) et indirects (manque de concurrence et marges élevées), a un coût pour l’économie

polynésienne ?

C’est ce qui va être traité dans le chapitre 2 où nous allons tenter de chiffrer

l’éventuel coût du protectionnisme pour la société polynésienne.

CHAPITRE 2 : LE COUT DU PROTECTIONNISME EN POLYNÉSIE

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