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Efficacité de la dépense publique et qualité des institutions

Dans le document UNIVERSITÉ DE LA POLYNÉSIE FRANÇAISE (Page 151-157)

1. Revue de la littérature

1.3 Efficacité de la dépense publique et qualité des institutions

La littérature économique est abondante en ce qui concerne le lien entre qualité des institutions et croissance économique (North (1990), Algan et Cahuc (2007), (2012), Tabellini (2003),(2008), etc.),

De même, beaucoup d’études récentes montrent les liens entre fiscalité,

redistribution et croissance (Battaglini, and Coate (2007, 2008); Song, Storesletten, and Zilibotti (2007); Acemoglu, (2005); Azzimonti (2009), Besley and All (2013)).

152 Les conclusions de ces études montrent globalement que les pays qui prélèvent beaucoup et qui redistribuent le mieux ont en général de meilleures performances économiques que les autres.

Algan et al. (2014) montrent que l’efficacité des dépenses publiques dépend en fait de la part de citoyens civiques dans un pays car le degré de civisme a un impact sur la demande de redistribution des citoyens.

Mais le degré de civisme aura un impact différent sur la demande de redistribution selon que le niveau de confiance des citoyens est bas ou élevé.

Algan et al. expliquent notamment que : “The scope of welfare states is associated with trust in a non trivial way. Large and inefficient welfare states survive thanks to the support of a majority of uncivic individuals. The creation of large and efficient welfare states needs a large majority of civic citizen”.

Cette conclusion de Algan et al. se vérifie et s’explique assez simplement en prenant les exemples du Danemark (équilibre civique) et de la France (équilibre incivique). A ce sujet, on peut noter que la moitié des ménages français sont exonérés de l’impôt sur le revenu (qui par ailleurs comporte de nombreuses ‘niches fiscales” pour les plus riches), tandis que la quasi totalité des ménages danois paient cet impôt (même les étudiants boursiers). L’État providence français, de type corporatiste, augmente les prélèvements en réponse aux demandes des corporations qui sont en

concurrence pour l’obtention de rentes au détriment du contribuable ou du consommateur, un système favorisé par le manque de transparence des

rémunérations dans la fonction publique (très nombreuses primes peu lisibles et parfois même illégales) et par la complexité des règles fiscales (nombreuses niches fiscales) et des prestations sociales. Il illustre la maxime de Bastiat : ‘l’État est cette fiction par laquelle chacun s’imagine pouvoir vivre aux dépens de tous les autres. Algan et al. (2014) montrent également que la relation entre confiance et dépenses publiques se décale vers la droite lorsque le niveau de confiance augmente (de gauche à droite sur le graphique 5.1). Dans l’équilibre de défiance (à gauche), une majorité de citoyens non civiques obtiennent l’extension des prélèvements (auxquels

153 ils contribuent peu ou pas du tout et dont ils bénéficient en priorité) aux dépens des citoyens civiques (qui paient leurs impôts sans tricher et qui ne trichent pas sur leurs droits à prestations).

Lorsque le nombre de citoyens civiques augmente et qu’ils ne sont plus minoritaires,

ils expriment un “ras le bol fiscal” qui se traduit par une baisse des prélèvements

obligatoires (cas des États-Unis en bas de la deuxième courbe). Puis, si la

proportion de citoyens civiques augmente de plus en plus, il s’établit (à droite) un équilibre de confiance où la majorité des citoyens paient honnêtement leurs impôts, où les passagers clandestins qui profitent du système sans y contribuer sont de moins en moins nombreux, et où les citoyens ont confiance dans l’honnêteté de

leurs dirigeants et dans leur volonté d’utiliser de façon efficace et équitable et

transparente les prélèvements obligatoires. Dans ce cas, ils acceptent de payer des taux de prélèvements fiscaux et sociaux importants (comme dans le coin supérieur droit du graphique, où figurent les pays scandinaves). Le graphique 5.2 montre que le prélèvement fiscal augmente avec les contraintes sur l’exécutif, une mesure de la qualité des institutions à travers la démocratie et la transparence.

154 Graphique 5.1 : Relation entre confiance et dépenses publiques

155

Graphique 5.2: Prélèvement fiscal et contraintes sur l’exécutif

Source: Algan et al. (2014)

Dans la même optique, de nombreux travaux analysent l’efficacité de la production

de bien public selon différents types d’institutions : Buchanan et Tullock

(1962),Aldrich (1983), Meltzer and Richard (1981), Baron and Ferejohn (1989), Dixit and Londregan(1995),Myerson (1995),Lizzeri and Persico (2001),Aghion et al. (2004), Acemoglu (2005) .

Ces études montrent que les pays pauvres ne décollent pas en raison d’un État trop

faible qui n’arrive pas à réguler, prélever des impôts et utiliser des ressources dans la production de bien-être.

Acemoglu (2005) note que : “Political scientists and sociologists have coined the

term ‘‘weak state’’ to describe such situations in which the state has a limited

156 Acemoglu explique aussi que le niveau de taxation à l’équilibre résulte d’une

confrontation entre l’offre et la demande de biens publics:

Il y a une négociation entre les citoyens qui veulent le plus de A (bien public) possible pour un niveau donné de δ (taux de prélèvement obligatoire), dont la fonction objectif est indiquée par la ligne brisée descendante (l’utilité augmente vers la droite), et les dirigeants politiques qui veulent le moins de A possible pour un niveau donné de δ (pour maximiser leur rente politique), dont la contrainte est indiquée par la courbe croissante (plus de rente quand la courbe est plus basse)

Le résultat pour δ est incertain, mais si les citoyens ont plus de poids politique (dans

un régime démocratique du type nordique avec fort contrôle de l'exécutif et

transparence de l'utilisation des fonds publics), ils pourront obtenir un niveau plus élevé de A tout en acceptant un niveau élevé de δ si les dirigeants sont moins gourmands en dépenses publiques non productives (si la courbe croissante des dirigeants a une pente plus faible, ce qui veut dire qu'ils acceptent de consacrer une part plus grande des prélèvements δ à la fourniture de biens publics A, et une part moins grande à leur rente politique).

157 Graphique 5.3: Équilibre entre prélèvements et production de bien public chez Acemoglu

Source: Acemoglu (2005 : 1220)

Acemoglu montre ici qu'il y a un niveau optimal de prélèvement (et donc de dépense publique) qui maximise la production de bien public (et donc qui maximise la

croissance): plus δ est grand, plus les citoyens tolèrent des prélèvements élevés, plus on risque de dépasser le δ qui maximise le PIB à long terme.

2. L’indicateur d’efficacité de la dépense publique

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