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PARTIE II : POTENTIEL ET IMPACT

4. Maladies monogéniques

4.1 Annotation des gènes

L'annotation de l'ADN ou l'annotation du génome caractérise le processus qui consiste à identifier la localisation des gènes et de toutes les régions codantes au sein du génome puis à déterminer l'activité de ces gènes. Une fois que le génome est séquencé, il doit être annoté pour pouvoir lui donner un sens.

4.2 Gènes et maladies génétiques

En décembre 2016, c'est environ 25 000 gènes qui ont été déjà été annotés dans le génome humain, parmi ces gènes, la mutation de 3677 d'entre eux a été reliée avec l'apparition de phénotype pathologiques157 ( d'après https://www.omim.org/ ). Ce nombre évolue au fur et à mesure des découverte et connaît une croissance constante. Aujourd'hui, grâce à la diminution des coûts du séquençage, achèvement du human genome project en 2003158 et l'accumulation exponentielle de données provenant du

avancées dans la compréhension des composantes génétiques des pathologies génétiques ont améliorées notre compréhension de leurs mécanismes et ont permis d'élaborer de nouvelles stratégies thérapeutiques.

Malgré les efforts déployés et des hypothèses thérapeutiques validées il n'y a eu qu'un nombre limité de réussites lorsqu'on a utilisé des petites molécules pour traiter des maladies à forte composante génétique. L'émergence de stratégies thérapeutiques basées sur l' atteinte des acides nucléiques au sein des cellules et tissus pathologiques a donc catalysé les espoirs. De telles stratégies sont particulièrement adaptées au traitement de maladies d'origine monogénique à forte pénétrance, telles que les déficit immunitaire combinés sévères (DICS), l'hémophilie ou certaine déficiences enzymatiques. Ces pathologies à la génétique bien définies manquent souvent de traitement sûr ou efficaces. Par contre l'édition génomique semble aujourd'hui incapable d'apporter une solution thérapeutique aux pathologies ayant une composante multigénique mais son utilisation en recherche permettra d'améliorer notre compréhension de celles-ci.

4.3 CRISPR-Cas9 et maladies monogéniques

Forte des expériences réalisées avec les techniques antérieures, c'est logiquement que la communauté scientifique s'est lancée dans l'utilisation de CRISPR-Cas9 pour évaluer ses applications dans le traitement de maladies génétiques. Les essais précliniques sur des modèles animaux sont nombreux, des années s'écouleront sûrement avant d'éventuellement voir des applications cliniques. Mais ces preuves de concept apportent de multiples espoirs et une meilleure compréhension des mécanismes pathogènes. Voici une série d'exemples, chacun pionniers d'un modèle d'étude : organoïdes, cellules souches induites, animal vivant et zygote.

4.3.1 Exemple de la mucoviscidose : organoïdes et iPSCs

La mucoviscidose est la pathologie génétique pulmonaire la plus commune. Elle est causée par la mutation du gène CFTR présent sur le chromosome 7, cela entraîne la mutation de la protéine canal CFTR ( cystic fibrosis transmembrane conductance regulator). Ce canal transporte les ions chlorures et thiocyanates, sa mutation entraîne la dysrégulation du transport des fluides épithéliaux dans les poumons, le pancréas et d'autres organes.En 2013, une preuve de concept utilisant la Cas9 guidée par sgARNs a permis de corriger la mutation du gène CFTR par recombinaison homologue.

fig.35 Illustration du protocole développé par Schwant et al. Les cellules souches intestinales humaines ou murines peuvent lorsqu'elles sont cultivées à long terme aboutir à la formation d'organoïdes génétiquement et phénotypiquement stables.

L'augmentation du taux d' AMPc du milieu de culture entraîne le gonflement

de ces organoïdes en déclenchant l'ouverture des canaux CFTR. Cette réponse est perdue pour les organoïdes qui proviennent de patients atteints de mucoviscidose. (L'augmentation du taux cellulaire en AMPc peut être déclenché artificiellement par l'ajout de forskoline, un activateur de l'adénylate cyclase). C'est ce modèle que Scwhank et ses collègues ont utilisé pour montrer que l’allèle qu'ils avaient corrigé était exprimé et fonctionnel, publiant l'une des premières études portant sur l'utilisation de la Cas9 pour corriger des pathologies monogéniques. 159

En 2015 des travaux portant sur des cellules souches induites (iPSCs) provenant de patients porteur de la même mutation F508 du gène CFTR furent utilisées dans une nouvelle étude. Après correction ces iPSCs furent différentiées en cellules épithéliales pulmonaires matures chez lesquelles une expression et une fonction physiologique de CFTR furent démontrées160.

4.3.2 Exemple de la tyrosinémie : modèle in vivo, animal adulte

La restauration d'un phénotype sain chez des souris adultes atteintes de tyrosinémie héréditaire a été montrée en utilisant le duo Cas9:sgARN administré par injection hydrodynamique en 2013. Elles permettent de corriger la mutation Fah chez les hépatocytes aboutissant à l'expression de la protéine sauvage chez environ 1/250ème des hépatocytes. L'expansion de ces hépatocytes permettant de produire la protéine en quantité suffisante pour permettre un retour à l'état physiologique.90.

4.3.3 Exemple de la cataracte : modification de zygotes de souris.

La mutation du gène Crygc est associée avec de multiples formes de cataractes autosomiques dominantes. Une étude parue dans Cell en 2013 a exploré le potentiel d'une injection d'ARNm Cas9 et de sgARN ciblant l'allèle mutant. La correction déclenchée se faisant par HDR, soit en utilisant l'allèle sauvage endogène comme matrice soit un oligonucléotide exogène. Les zygotes transgéniques aboutirent à des souris adultes fertiles et capables de transmettre la modification à leur descendance mais un nombre faible de modifications hors cibles furent rapportées.

4.3.4 Première modification d'embryons humains : β-Thalassémie

Les avancées des travaux d'édition génomique via cas9 laissaient supposer que tôt ou tard, sa transition à l'embryon humain apparaîtrait. La technique a ses défenseurs et ses détracteurs, certains considèrent qu'elle aurait la capacité d'éradiquer de dévastatrices pathologies génétiques mais elle va de pair avec de nombreuses inquiétudes et dérives. Elle pourrait engendrer des effets imprévisibles sur les générations futures et soulève diverses questions éthiques.

Suites aux suppositions d'édition génomique utilisant CRISPR-Cas9 sur l'embryon humain, dès Mars 2015, des groupes industriels appelaient à un moratoire concernant l'usage de la technologie sur l'embryon. De manière concomitante, divers experts encourageaient la communauté scientifique à se rassembler autour d'un nouveau sommet sur l'édition génomique 161,162. En mai 2015, concrétisant les rumeurs fut réalisée

et précision la réalisation de la manipulation et ses nombreux obstacles. En utilisant des embryons tripronucléaires (non fertiles mais capables de se diviser) provenant d'un centre de fertilité local, ils montrèrent que la technologie pouvait être appliquée pour cliver le gène de la -globine endogène. Remplacer ce gène par l'allèle sain apporté sousβ forme d'oligonucléotides par HDR s'avéra plus délicat, seule une faible portion des zygotes étant modifiés avec succès et certains zygotes étaient mosaïques (plusieurs de leurs cellules possédaient des génotypes différents). Un nombre élevé de coupures hors-cibles furent rapportées, plus élevé encore que celui observé pour les modèles animaux ou de cellules somatiques humaines. Bien que controversée, cette étude conclut sur l'immaturité de la technique, le manque flagrant de nos connaissance dans le domaine de la réparation de l'ADN embryonnaire et du fonctionnement de la cas9 sur ce même ADN. S'il était considéré un jour d'utiliser la technique sur l'embryon, l'importance d'accumuler de nouvelles connaissances avant d'entreprendre une telle application sera cruciale.163

4.4 Aperçu d'autre travaux

D'autres études ont depuis montré des modifications restaurant un phénotype cellulaire ou tissulaire physiologique dans des pathologies monogéniques dans des indications variées :

- la myopathie de duchenne (pathologie liée à la dystrophine)164–168 - l'anémie de Fanconi (à gène FANC-C) 169

- la maladie de huntington (gène HTT)170 - la rétinite pigmentaire (gène RPGR) 171 - la maladie de vaquez (gène JAK2) 172

- le DAAT ou déficit en -1 antitrypsin (gène SERPINA1) α 169

- la drépanocytose chez des cellules progénitrices humaines (gène -globineβ ) 173 - l'hémophilie B (facteur IX) 174

4.5 Conclusion

Bien que présentant l'avantage de pouvoir cribler et sélectionner les cellules modifiées avant leur ré-injection, l'approche ex vivo n'est pas applicable à toutes les maladies monogéniques. Plusieurs pathologies comme les myopathies ou la mucoviscidose nécessitent une modification in vivo.

Avant que l'édition génomique in vivo basée sur le système CRISPR puisse être appliquée chez l'homme dans des essais cliniques, des inconvénients pratiques et des défis techniques seront à surmonter. Tout d'abord définir et atteindre des objectifs de précision en matière de clivage et de réparation. Ensuite parvenir à une délivrance efficace en ciblant un type particulier de tissus, de cellules ou d'organes. Nous devrons aussi comprendre comment contrôler les différentes voies physiologiques de réparation

et définir de manière prédictible le devenir mutationel de la réparation ADN après la création de cassures doubles brins.

Que ce soit pour l'édition ex vivo ou in vivo, les effets hors-cibles freinent les potentielles applications. Malgré l'adoption rapide de la Cas9 pour réaliser des perturbations génétiques et épigénétiques, et les progrès réalisés pour améliorer la spécificité de la protéine, nous connaissons encore mal son profil de liaison et de clivage hors-cible mais aussi ciblé. Comprendre la liaison de la Cas9 dans diverses situations d’accessibilité à la chromatine et différents états épigénétique permettra également une meilleure évaluation de son fonctionnement et permettra d'améliorer le choix des ARN guides

Les données générées par les études de ces liaisons permettront de compléter les modèles prédictifs et de minimiser l'activité hors-cible de la protéine, en thérapie génique ou pour d'autres applications qui requièrent un niveau élevé de précision. L'édition génomique semble avoir un long chemin à parcourir avant de pouvoir transposer les preuves de concepts de thérapie génique en clinique.