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émergence de réflexions sur l'usage clinique de l'édition génomique

PARTIE II : POTENTIEL ET IMPACT

4. émergence de réflexions sur l'usage clinique de l'édition génomique

4.1 Introduction

1975. Le contexte de guerre froide, du scandale du Watergate, et le fait que certains des premiers généticiens/biologistes moléculaires aient participé au projet Manhattan, font redouter à la communauté scientifique que le génie génétique ne serve un jour à concevoir de nouvelles armes. En réponse à ces craintes la conférence d'Asilomar fut organisée340. Elle avait pour but d'établir ce qu'impliquait notre capacité à décrypter et réorganiser les gènes. La conférence californienne réunissait 150 scientifiques internationaux pour discuter du moratoire sur une technique capable de grandes avancées médicales, mais soulevant également de nombreuses questions éthiques. Les scientifiques conclurent à une absence de moratoire, mais avec mise en place de limites, des conditions de précaution et de sécurité renforcées. Bien qu'elle ne prenait pas en compte les aspects économiques et environnementaux, rassemblait des participants peu diversifiés et n'apportait que les ébauches d'un cadre réglementaire, son influence est encore présente dans notre manière d'encadrer le génie génétique. Voici un extrait de leurs conclusions :

fig.55 Extrait des conclusions des Guidelines ébauchées à Asilomar en 1975, l'intégralité est présenté en Annexe 15.

met à notre portée des possibilités dont l'implication sociale et éthique doit être évaluée. Rappelant celui d'Asilomar le Comittee for the International Summit on Human Gene Editing a été organisé au début du mois de Décembre 2015 à Washington à l'initiative de la National Academy of Science américaine, l'européenne Royal Society et l'académie scientifique chinoise 339. Parmi les 500 participants on retrouve les membres fondateurs du comité d'Asilomar, et des scientifiques évoqués au cours des chapitres précédents dont : Jennifer Doudna, Emmanuelle Charpentier, Feng Zhang, George Church, Jin soo Kim, ou encore le directeur de l'institut de biomédecine et santé de Guangzhou ( où les premières recherches académiques sur l'embryon humain ont été réalisées). Ils rassemblent leurs conclusions dans un communiqué en 4 points342, ils sont présentés (traduits en français) à la page suivante 342.

1 Au sujet des recherches fondamentales et précliniques . La nécessité de telles recherches dans un cadre légal et soumises à une réflexion éthique est évidente. Ces recherches auront pour but d'évaluer le rapport bénéfice/risque d'éventuelles applications cliniques et de mieux comprendre la biologie des embryons humains et cellules germinales. Si pendant ces processus de recherches un embryon ou une cellules germinale humaine était éditée, la cellule modifiée ne devrait pas aboutir à une grossesse.

2 . Au sujet de l'usage clinique des cellules somatiques. Le comité souligne le besoin de comprendre les risques, tels que l'édition imprécise, et les potentiels bénéfices de chaque modification génétique proposées. Étant donné que l'usage clinique de ces modifications n'affecteraient que les individus traités, elles peuvent être évaluées de manière appropriée par le système réglementaire actuel qui sera emmené à évoluer. Ces mêmes régulateurs peuvent approuver les essais cliniques et l'usage de ces thérapies en prenant en compte le rapport entre leur bénéfices et risques

3. Au sujet de l'usage clinique des cellules germinales. L'édition des cellules germinales soulève de nombreux problèmes : a le risque d'édition imprécise (telles que les mutations hors-cibles) et l'édition incomplète de cellules à un stade embryonnaire précoce (déclenchant un mosaïcisme cellulaire) ;b la difficulté de prédire les effets délétères qu'une modification génétique peut engendrer soumise aux multiples circonstances que connaît la population humaine, par exemple l’interaction avec d'autre variants génétiques et l'environnement ; c L'obligation d'envisager les implications à la fois pour l'individu traité mais aussi pour les générations futures qui porterons ces altérations génétiques ; d le fait qu'une fois introduite dans la population humaine, il sera difficile d'y retirer la modification apportée, celle-ci ne connaîtra pas de frontière nationales ; e la possibilité qu'une « amélioration génétique » permanente apportée à une fraction de la population puisse exacerber des inégalités sociales ou puisse être utilisée de manière cohercitive ; f les considérations éthiques et morales liées au fait d'altérer volontairement l'évolution humaine en utilisant la technologie. Il serait irresponsable de procéder à toute utilisation clinique de l'édition de la lignée germinale à moins que (i) les problèmes pertinents en matière d'innocuité et d'efficacité n'aient été résolus, basés sur une compréhension et une évaluation appropriée des risques, des avantages potentiels et des alternatives; (ii) Un vaste consensus social au sujet de la pertinence de l'application proposée n'ait été établi. De plus, toute utilisation clinique ne devrait se faire que sous la surveillance réglementaire appropriée. À l'heure actuelle, ces critères n'ont pas été rassemblés pour toute utilisation clinique proposées : les questions de sécurité n'ont pas encore été suffisamment explorées; Les cas qui apporteraient un bénéfice conséquent sont limités; Et de nombreux pays ont des interdictions législatives ou réglementaires de la modification de la lignée germinale. Cependant, au fur et à mesure que les connaissances scientifiques évoluent et que les opinions de la société évoluent, l'utilisation clinique de l'édition de la lignée germinale devrait être réévaluée régulièrement.

4. Le besoin d'un « Forum Continu ».

Alors que chaque nation possède l'autorité de réguler les activités placées sous sa juridiction, le génome humain est partagé par tous les hommes, quelque soit leurs nations. Le comité estime que la communauté internationale devrait s'efforcer d'harmoniser les régulations, dans le but de décourager des activités inacceptables tout en permettant l'avancée de la santé et du bien-être humain .

Ce forum devrait être inclusif, s'étendant entre les nations et englobant plusieurs perspectives et expertises. Incluant entre autres des scientifiques biomédicaux, sociaux, des acteurs de santé, des patients et leur familles, des invalides, des responsables politiques, des régulateurs, des investisseurs, des chefs spirituels, des défenseurs de l'intérêt public, des représentants industriels et des membres du public.

4.3 Perspective et approche culturelle

Une telle réunion est un témoignage des progrès réalisés et de la manière dont l'édition génomique est intimement liée à la société. En 1975 c'était un groupe composé principalement de scientifiques américains qui se réunissait à Asilomar, et qui ébauchait les lignes directrices qui encadreraient les recherches portant sur l'ADN recombinant. Quarante ans plus tard, c'est un groupe à l'expertise diverse, international et multiculturel qui s'est rassemblé pour conclure à une recommandation. Celle de ne pas stopper les recherches portant sur l'édition génomique humaine, et de s'abstenir d'appliquer la technique aux cellules embryonnaires humaines à des fins reproductives. Les spécialistes en éthiques ont longtemps considérés les implications liées à la modification de la lignée germinale chez l'homme. Pendant des années ces inquiétudes n'étaient que théoriques, jusqu'aux récentes avancées dans le domaine de l'édition génomique338. L'outil CRISPR-Cas9 n'est que le premier des outils d'édition génomique dont l'usage simple ne demande que peu d'investissements. Les inquiétudes portant sur les lieux où la juridiction est plus laxistes sont grandes. Les récents débats espèrent que les scientifiques éviteront toutes tentatives de modification du génome de la lignée germinale dans les zones moins régulées, tant que les implications techniques et morales de telles expériences ne sont pas collectivement considérées. Bien qu'un tel moratoire sera difficile à appliquer et peut sembler incapable d'exercer une influence globale, on peut voir un espoir dans le précédent d'Asilomar qui avait freiné l'utilisation de l'ADN recombinant tant que sa régulation n'était pas établie.

Au sujet de la recherche fondamentale portant sur les cellules embryonnaires humaines, à présent, 4 nations (Suède, Royaume-uni, Japon et Chine) ont approuvé l'application de la technique CRISPR-Cas9 à ces expériences 343,344. Le cadre de ces recherches est strict, les zygotes modifiés ne doivent en aucun cas être capables d'aboutir à la naissance d'un individu. De telles applications de l'édition génomique permettront de mieux comprendre les mécanismes complexes du développement embryonnaire345.L'aspect culturel à également une importance capitale, les réactions qu'avaient suscité la première utilisation embryonnaire de la technique CRISPR-Cas l'ont montré. Ce n'est pas un hasard si la première modification embryonnaire à eu lieu en Chine et si elle a suscité autant de réactions, y compris dans la communauté scientifique. Contrairement

seulement sur les embryons de moins de 14 jours.1