• Aucun résultat trouvé

PARTIE II : POTENTIEL ET IMPACT

1. Gene Drive

1.1 Origine

Chaque gène autosomique a dans la majorité des cas 50% de chance d'être transmis à la descendance. Soit la descendance hérite d'une copie paternelle, soit d'une copie maternelle. Mais en 1957 des biologistes trouvèrent une des exceptions à cette règle, des gènes qui ne jouent pas selon les règles de l'évolution. Ces gènes manipulaient littéralement la division cellulaire et forçaient leur chance de transfert de sorte qu'ils se retrouvaient dans la descendance dans des proportions que le hasard seul ne pouvait expliquer. Ces gènes peuvent se répandre dans une population même si ils réduisent l'avantage évolutif de l'organisme qui les portent.Un tel comportement leur a

fig.45 Mécanisme simplifié d'un Homing Endonucléase Gene 250

Les HEG biaisent l'hérédité en codant pour une enzyme qui coupe le chromosome homologue, induisant la cellule à les utiliser comme modèle et à les copier lors de la réparation de la coupure. Il devient donc présent sur les deux copies chromosomiques. Les HEG codent pour des protéines qui sont capables de reconnaître et de cliver des séquences ADN de 15 à 30 pdb qu'on nomme donc séquence de reconnaissance. Les HEG sont eux même localisés au milieu de la séquence de reconnaissance, empêchant ainsi l'endonucléase de les cliver. Cela limite donc l'activité de l'enzyme aux séquences ne comportant pas encore le HEG. Lorsque la protéine rencontre un chromosome contenant la séquence de reconnaissance, elle la coupe en créant une cassure double brin. Celle-ci est souvent corrigée par recombinaison homologue en utilisant le chromosome non affecté comme modèle et c'est ce phénomène entraîne la conversion d'un hétérozygote en homozygote comportant deux brins contenant le HEG, un processus connu sous le nom de « homing ». Par le biais de ce mécanisme, la fréquence d'un HEG peut rapidement s'accroître dans la population.

1.2 Le gene drive

En 2002 un généticien, Austin Burt, proposa une technique ingénieuse pour répandre un gêne d'intérêt dans la descendance, il suggéra d'utiliser ces HEG pour propager un gène d'intérêt dans la population251 permettait de créer une technique de

Gene Drive, derrière le nom gene drive que l'on pourrait traduire par « génétique dirigée », se cache une technique de manipulation génétique qui permet d'augmenter artificiellement un génotype dans une population. En relâchant quelques individus qui possèdent une portion d'ADN élaborée par l'homme (appelée cassette gene drive) dans une population naturelle, on peut théoriquement obtenir en quelques dizaines de générations une population entièrement contaminée par la cassette gene drive. Mais l'utilisation des HEG dans la génétique dirigée se heurta rapidement à la difficulté de modifier les Homing Endonucleases pour couper de nouvelles cibles 252,253. Les tentatives pour réaliser un gene drive avec les Zinc Finger Nucleases ou les TALENS, plus facilement dirigeables souffrirent d'instabilité. La raison évoquée de cette instabilité résiderait dans la nature répétitive des gènes qui codent ces systèmes, ils auraient une tendance à la recombinaison les empêchant d'être transmis avec fidélité.254,255

1.3 Renouveau de la génétique dirigée

Flaminia Catteruccia, directeur de l'Insecterie à la Harvard Chan School of Public Health est un des experts mondiaux en zoonoses transmises par les moustiques telles que la dengue, le chikungunya et le paludisme. C'est elle qui à été contactée pour réaliser l'analyse génétique du virus Zika apparue au Brésil au printemps 2015256. L'un des principaux atouts de son laboratoire par rapport aux autres entomologistes est son penchant pour la génétique 257. Lorsque l'une de ses assistantes, Andrea Smidler démarra son Ph.D. Elle fut encouragée à effectuer une rotation dans d'autres laboratoires, l'un d'eux était le laboratoire de génétique de George Church, extrêmement actif dans le

domaine CRISPR-Cas9. Elle y rencontra un jeune postdoctorant, Kevin Esvelt257. Leur publication en 2014 fut la première à allier CRISPR-Cas9 et Gene Drive258. L'arrivée de la technique CRISPR-Cas9 bouleversa l'avenir de la génétique dirigée, la faisant passer de la théorie au domaine du techniquement possible en apportant la stabilité et la spécificité recherchée. En s'inspirant des HEG mais en utilisant la Cas9 et son guide à la place, les projets passés devenaient possible. L'application de la génétique dirigée à l'un de ses objectif les plus ambitieux, l'éradication du paludisme, allait connaître un renouveau.

fig.46 mécanisme d'introduction d'un gene drive via CRISPR-Cas9 : le MCR ou Multiple Chain Reaction

étape 1 : Introduction exogène du plasmide contenant la cassette gene drive dans la cellule via le vecteur choisi. Le plasmide contient les gènes codant la Cas9, l'ARN guide et facultativement un gène cargo : gène d'intérêt que l'on souhaite voir représenté au sein d'une population rendue homozygote. En violet les séquences H1 et H2 flanquant la construction sont des séquences homologues des extrémités du gène cible, l'allèle natif. Étape 2. Codée par le plasmide, la protéine cas9 va couper le site déterminé par l'ARN guide. Par HDR à l'aide des séquences H1 et H2, la cassette contenant les gènes cas9, sgARN et Cargo est copiée dans le chromosome. On obtient alors un allèle modifié dit « allele drive ».

étape 2 : Propagation après reproduction sexuée : L'expression du chromosome modifié permet la production de la Cas9 et de son guide qui vont cibler l'allèle natif présent sur le chromosome homologue. La cassure sera réparé en utilisant le chromosome compagnon préalablement modifié comme matrice. La mutation introduite sera alors homozygote259,260.