• Aucun résultat trouvé

majoritairement ressentie comme injuste

A la question n°31 : « Estimez-vous avoir subi une injustice lors de la procédure juridictionnelle ? », les répondants étaient invités à formuler une réponse fermée « Oui/Non », puis à expliquer pourquoi dans l’hypothèse d’une réponse positive. Sur un nombre total de 203 réponses valides, 115 répondants estiment avoir subi une injustice lors de la

procédure juridictionnelle. Dans ce contact avec la

justice, plus de la moitié des prévenu.es ressentent donc un sentiment d’injustice qui impactera nécessairement leur confiance dans les institutions étatiques tant l’antinomie justice/injustice est grande.

estimez-vous avoir subi une injustice lors de la procédure juridictionnelle ?

0 20 40 60 80 100 12% 48% 59% 50% 50% 69% 48% 71% 55% 35% 88% 57% NSP NON OUI Aben gouro u Abidj an Adzo Agbo ville Boua Daloa Grand -Bass am Sassa ndra Soub Toum odi Total 0% 0% 0% 0% 8% 0% 0% 3,5% 0% 0% 1% 52% 41% 50% 50% 23% 52% 29% 41,5% 65% 42% cHapitre

4

dépouillement de la grille tHématique

« Injustice lors de la procédure juridictionnelle »

Les pourcentages expriment la proportion des répondants ayant cité chacun des thèmes (deux thèmes maximum par réponse). Sur 224 observations, 108 ont une réponse effective (48,2 %) et 108 ont été codées.

On notera ici que, contrairement à la question 24b traitée supra demandant « Estimez-vous que ce soit juste que vous soyez placé.e en détention préventive ? », la question 31 concerne la procédure juridictionnelle dans son ensemble, donc sans être limitée à la détention préventive, et, surtout, cherche à évaluer la perception expresse d’injustice. L’appréciation donnée dépasse donc ici le caractère adéquat du choix de maintien en détention. Par conséquent, si dans l’analyse textuelle des commentaires, certains éléments de réponse recoupent ceux de la question relative à la détention préventive, d’autres enseignements peuvent en être tirés au regard des verbatim.

Pour ce faire, 108 réponses expliquant le positionnement de la personne prévenue peuvent être explorées. Par rapport au contenu, douze thématiques

sont mobilisées. Et si l’innocence est une thématique redondante, elle est ici détrônée par la considération d’irrégularités dans la procédure juridictionnelle, première cause d’injustice identifiée par les répondants.

La perception d’irrégularités entraînant un sentiment d’injustice lors de la procédure juridictionnelle est

mentionnée dans 43 réponses. Une concentration de l’analyse lexicale sur ce corpus précis fait apparaître la mobilisation de six sous-thématiques.

nom effectifs %

Injustice ressentie car: 108 40 50 60 70 80 90 100%

irrégularité 43 39,8%

innocence 31 28,7%

durée 10 9,3%

Traitement différencié 8 7,4%

Absence de jugement 8 7,4%

Absence de reconnaissance des faits 6 5,6%

Mode alternatif de règlement du conflit 3 2,8%

Absence d'information 2 1,9%

incertitude sur son sort 1 0,9%

Conditions de détention 1 0,9%

disproportion 1 0,9%

incapacité à expliquer 1 0,9%

Partie 2

Parmi les irrégularités mentionnées par les personnes privées de liberté qui nourrissent leur perception d’injustice, 60,5% confinent à un sentiment

d’arbitraire entachant la procédure juridictionnelle.

Ce sentiment d’arbitraire ressort tout d’abord essentiellement d’une arrestation sans cause valable. Certains déclareront en ce sens par exemple : « Car la victime a dit que c’était pas moi le coupable », « L’accusation a changé », « On m’a arrêté pour simple allégation », « Je n’ai jamais revu la personne qui m’accuse », « Arrêté sans document à l’appui », « Je ne sais pas pourquoi je suis ici » ou encore « Je suis arrêté sans cause ». Ce sentiment irrigue aussi la phase d’enquête puisque plusieurs prévenu.es associent une injustice

au fait d’être détenu.e sans preuve. On notera en ce

sens des commentaires tels que « Je suis accusée à tort, ne pouvant identifier le coupable », « Rien ne prouve ma culpabilité » ou « Pas de preuve et je suis encore en prison ». Sont ensuite à relever des commentaires dénonçant le silence auquel les personnes prévenues

ont été réduites, par exemple : « Je n’ai pas été entendu

par le procureur », « Pas d’explication demandée par la gendarmerie », « On ne nous donne pas l’occasion de nous exprimer », ou encore, « Le juge d’instruction ne m’a pas écouté. Il avait une idée arrêtée de nous ». Il faut aussi noter le vocable exprimant une machination

dont la personne prévenue est le pion : « Parce que

ça ressemble à un jeu selon moi », « Je pense qu’ils se vengent de moi », « Parce que la justice protège d’autres personnes ».

Au-delà de l’arbitraire, les personnes estimant avoir

subi une injustice associent ce ressenti au fait d’avoir été traitées comme une personne coupable pendant la procédure juridictionnelle. C’est ici le principe fondamental de la présomption d’innocence qui est revendiqué dans ces paroles de prévenu.es et la mise en lumière que le fonctionnement au concret de la justice contribue à le mettre à mal. Cela ressort

autant de la privation de liberté sans perspective de jugement (« Je dois être relâché si je ne suis pas jugé », « Nous sommes là et on nous juge pas et non libérés »), que du comportement même des autorités (« On m’a traité comme si j’étais le coupable », « Les policiers me traitaient de criminel » et, plus anecdotique mais mettant en exergue tout le poids du regard social : « Les policiers m’ont mis sur facebook »).

Les autres commentaires relevant des irrégularités dans la procédure font, de manière plus attendue, état d’une justice défectueuse ou d’enquête bâclée47 et

d’illégalités48. On relèvera néanmoins que certains

prévenu.es seulement associent des menaces et

mauvais traitements49 à une injustice et que les

commentaires d’autres prévenu.es permettent de mettre à jour des pratiques d’extorsions d’aveux, réelles ou supposées, mais que l’on retrouvera tout au long des questionnaires : « Forcé à reconnaître les faits reprochés », « La police a voulu que je dise certaines choses que je refuse », « Le juge d’instruction m’a obligé de mentir, reconnaître les faits, ce que j’ai refusé ».

dépouillement de la grille tHématique

« Irrégularité dans la procédure »

Les pourcentages expriment la proportion des répondants ayant cité chacun des thèmes (un thème par réponse). Sur 224 observations, 43 ont une réponse effective (19,2 %) et 43 ont été codées.

nom effectifs %

irrégularite dans la procédure 43 40 50 60 70 80 90 100%

Arbitraire 26 60,5%

Traitement comme une personne coupable 5 11,5%

justice défectueuse ou enquête bâclée 3 7%

Menaces et mauvais traitements 3 7%

extorsion d'aveux 3 7%

illégalité 3 7%

pensez-vous que votre situation personnelle a eu une incidence sur la décision prise par le tribunal ? 0 20 40 60 80 100 73% 33% 33% 38,5% 32% 67% 14% 63% 37% 27% 44% 40% 4% 17% 11% 23% 24% 11% 36% 8% 26% 33% 18% NSP NON OUI Aben gouro u Abidj an Adzo Agbo ville Boua Daloa Grand -Bass am Sassa ndra Soub Toum odi Total 23% 50% 56% 38,5% 44% 22% 50% 29% 37% 40% 38%

Outre les irrégularités, le sentiment d’avoir subi une injustice par les personnes prévenu.es est inhérent au sentiment d’innocence, de la durée de la procédure, de l’absence de jugement, de l’absence de reconnaissance des faits et de l’incertitude sur son sort. Sont ici une

nouvelle fois soulevées la problématique, selon le ressenti des prévenu.es, de la privation de liberté avant une enquête minutieuse et faisant la vérité sur l’ensemble des éléments du dossier, ainsi que l’incompréhension de la dissociation entre la détention et le jugement, sentiment renforcé

par l’absence d’information50. On reliera à ces

considérations celle de la disproportion soulevée par un prévenu entre la nature des dégâts et la réponse de l’enfermement en ces termes : « Parce que je trouve cela pas normal pour des dégâts matériels ».

Pour terminer, il faut relever qu’est identifiée comme

une cause d’injustice pour les prévenu.es le fait de subir un traitement différencié, que ce soit par

rapport aux autres détenu.es (« Certaines personnes ont leur dossier qui avance vite »), mais surtout par rapport aux autres personnes susceptibles d’être mises en cause

dans leur affaire, comme l’illustrent par exemple les propos : « Ils ont laissé partir mes amis avec qui j’ai fait palabre », « Le mineur avec qui j’étais a été libéré et moi non », « Ceux qui ont signé le chèque n’ont pas été arrêtés », ou encore « Parce que dans les normes, je devrais être avec mon collègue ». En appuyant l’idée que la justice n’est pas la même pour tous, ce ressenti renforce celui, complexe et parfois paradoxal, d’arbitraire déjà évoqué.

Ce sentiment d’arbitraire a de surcroît été testé expressément à travers la question 32 ainsi formulée : « Pensez-vous que votre situation personnelle (votre quartier/votre nom/votre travail/votre orientation sexuelle…) a eu une incidence sur la décision prise par le tribunal ? Si oui, pouvez-vous indiquer quels éléments ont pu jouer ? ». Si 18% seulement des prévenu.es (sur 186 réponses valides) répondent positivement, il faut cependant souligner au regard des 38% de réponses « Je ne sais pas », que la question telle que formulée a été peu comprise ou qu’elle ne résonne pas directement dans l’esprit des personnes prévenues.

Néanmoins, l’analyse des 31 exemples de situations personnelles données par les prévenu.es par la suite permet de souligner un sentiment d’arbitraire chez

les personnes interrogées essentiellement lié à leur travail et à leur nom. Entre jalousies et coupables

idéaux, on relèvera aussi que quatre personnes

mentionnent leur pauvreté, deux relèvent qu’il est de notoriété publique qu’elles se droguent, deux autres leur appartenance à la royauté, et deux leur appartenance ethnique.

Partie 2

Les alternatives à la détention via l’activation de mécanismes dits de justice « traditionnelle » sont évoquées régulièrement et de longue date au cours des rencontres sur le contexte carcéral en Afrique de l’Ouest. La détention préventive mettant à mal

le principe de la présomption d’innocence et la confiance des prévenu.es dans le service public de la justice, la question des alternatives à la détention doit être pensée avec d’autant plus d’acuité en l’absence de jugement définitif.

En ce sens, la question 24 c. était ainsi formulée : « Estimez-vous que votre affaire aurait dû être réglée autrement ? » et, dans l’hypothèse d’une réponse positive, était complétée de : « Si oui, comment ? ». Au total, sur 215 réponses valides, 143 sont affirmatives.

Par conséquent, pour 66,5% des prévenu.es, une alternative aurait pu être proposée à la détention.

On relèvera que seule la MAC d’Adzopé affiche une courte majorité de réponses négatives et que certaines, telles que les MAC d’Agboville ou Toumodi affichent pour leur part plus de 80% de réponses positives.

estimez-vous que votre affaire aurait dû être réglée autrement ?

0 20 40 60 80 100 31% 48% 53% 28% 35% 19% 26% 69% 52% 47% 87,5% 68% 61% 75% 55,5% 74% 83% 66,5% NSP NON OUI Aben gouro u Abidj an Adzo Agbo ville Boua Daloa Grand -Bass am Sassa ndra Soub Toum odi Total 0% 0% 0% 0% 4% 4% 6% 18,5% 0% 0% 3,5% 12,5% 26% 17% 30%

2. une justice étatique perçue

comme faiblement léGitime

focus

- 57% des prévenu.es estiment avoir subi une injustice lors de la procédure juridictionnelle.

- La considération d’irrégularités dans la procédure juridictionnelle est la première cause d’injustice identifiée par les prévenu.es.

- un sentiment d’arbitraire entachant la procédure juridictionnelle est largement partagé par les prévenu.es. - les personnes prévenues dénoncent le fait d’être traitées comme des coupables.

famille

amiable