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Attendre

Demander pardon

Jugement

Me tuer

Rien

Parents Seul

Aider

Personne

aperçu lexical et sémantique – principaux champs sémantiques utilisés

Le nuage représente les principaux mots-clés (tailles proportionnelles aux effectifs ; une réponse peut mobiliser plusieurs mots-clés ; fréquence minimum du nuage de mots commun global : 3).

37 Voir infra

Il faut néanmoins relever que 19 répondants mentionnent qu’ils formuleraient une demande de

liberté provisoire. Si ce nombre est peu élevé ramené au

nombre total de répondants, il démontre une certaine capacité de mobilisation des prévenu.es qu’il faut souligner. Comme il le sera analysé infra, la formulation de telles demandes est en effet bien intégrée dans les stratégies d’action judiciaire des prévenu.es, ce que vient encore confirmer les réponses apportées à cette question. Toutefois, si cette démarche commence

à être ancrée dans les esprits grâce au soutien existant entre codétenus, elle est aussi surinvestie comme modalité d’action, dans le même temps où ses chances de réussite sont perçues comme étant

moindres par les prévenu. es37. C’est donc à la fois une

rare modalité d’agir qui est exprimée par les prévenu.es et une modalité qui pourrait s’apparenter à celle de la

dernière chance, comme l’expriment par exemple des

prévenu. es en ces termes : « Je vais faire une demande de liberté provisoire, je ne sais pas s’ils vont accepter », « Je fais toujours les demandes » ou encore « Je ne sais pas, je ne ferai que de faire des demandes ». Par ailleurs, sans avoir une stratégie bien arrêtée, et avec

un positionnement plus ou moins actif, six autres

répondants indiquent qu’ils agiront afin de pouvoir passer en jugement, notamment en « demand[ant] une audience au procureur », ou plus laconiquement en « lutt[ant] toujours pour aller en jugement » ou en « demand[ant] que la justice fasse son travail ». Cinq autres demanderont à leurs parents d’intervenir aux mêmes fins et deux demanderont de l’aide : « Je chercherai quelqu’un pour m’aider, c’est ce que je peux faire » ou, plus précisément, « Je vais écrire au DACP ». On notera enfin qu’un répondant dit qu’il demanderait des explications, deux autres qu’ils refuseraient de signer la prolongation de détention préventive et trois demanderaient pardon.

Même si pour ces 43 répondants, ces démarches sont extrêmement disparates en termes de pertinence et ont peu de chances d’être couronnées de succès, elles portent cette caractéristique commune de vouloir initier une démarche concrète et positive en réaction à une éventuelle prolongation de la détention préventive, au contraire des 149 autres prévenu.es, soit 77,6%.

dépouillement de la grille tHématique

« Réaction dans l’hypothèse d’une prolongation de la détention préventive » Les pourcentages expriment la proportion des répondants ayant cité chacun des thèmes (un thème par réponse). Sur 224 observations, 192 ont une réponse effective (85,7 %) et 192 ont été codées.

nom effectifs %

Si prolongation de la détention préventive: 192 40 50 60 70 80 90 100%

je ne sais pas 66 34,4% Rien 28 14,6% dieu 24 12,5% liberté provisoire 19 9,9% Attendre 14 7,3% se faire du mal 7 3,6% Autre 7 3,6% demander le jugement 6 3,1% Parent 5 2,6% Avocat 5 2,6% demander pardon 3 1,6% espérer sortir 3 1,6% Aide 2 1%

ne pas signer la prolongation 2 1%

explications 1 0,5%

Partie 2

Leur désœuvrement s’exprime avant tout par leur incapacité totale à réagir, soit qu’ils ne sachent pas comment agir, soit même qu’ils pensent ne pas pouvoir agir. Ainsi, 66 prévenu.es répondent ne pas savoir ce qu’ils feraient si leur détention préventive se prolongeait. Quand la réponse est plus développée qu’un simple « Je ne sais pas », il faut relever que les prévenu.es

soulignent leur incapacité à agir car impuissants et dépassés par les questions ayant trait à la justice, par

exemple : « Je ne sais pas car je me sens impuissant vis-à-vis de la loi », « Je n’en sais rien parce que je ne connais pas les procédures », « Je ne sais pas car je ne connais pas les rouages de la justice », ou encore « On ne sait pas comment on peut se défendre ». De surcroît, 28 autres prévenu.es répondent expressément « Rien » ou « Je ne peux rien faire », exprimant encore plus fortement leur

résignation quant à leur situation et leur passivité face à une force exogène contre laquelle ils ne sont pas en mesure de pouvoir lutter, sauf, comme pour

24 d’entre eux, à faire appel à Dieu. Le fatalisme est ici prégnant et nombreux sont les répondants déclarant « s’en remettre à Dieu » ou que « Dieu seul s’en

chargera ». Outre ces trois types de réponses, « Je ne sais pas », « Rien », et « Dieu », mobilisées fréquemment, 14 prévenu.es répondent simplement qu’ils ou elles

attendront, parfois le jugement : « Je suis dans mon

pays, j’attends le jugement », « Je vais rester pour attendre mon jugement » ; ou même sans but : « Je ne ferai qu’attendre », « J’attendrai toujours », « Je n’ai pas de solution, je suis obligé d’attendre », « Je n’ai pas le choix, que d’attendre ». Dans une dynamique proche, si certain.es se contentent d’espérer sortir, d’autres mentionnent de manière alarmante qu’ils se feront du mal, soit pour alerter les autorités sur leur sort (« Faire une grève de la faim »), soit pour mettre fin à leur situation d’une manière tragique. On notera en ce sens des réponses telles que « Me suicider »,

« Je me donnerai la mort », « Vaut mieux me juger pour me situer. Dans le cas contraire, me tuer que de demander de prolonger ». Enfin, il faut relever que sept réponses inclassables par rapport à la thématique sollicitée traduisent elles aussi le même état d’esprit des prévenu.es, c’est-à-dire une absence de projection vers une action et une issue positive38.

focus

- 72,9% des personnes prévenues ne sont pas en capacité d’expliquer pourquoi elles n’ont pas encore été jugées. - L’isolement des prévenu.es est ressenti comme un facteur de maintien en détention préventive  : 17,4% des

prévenu. es déclarent que personne ne suit leur dossier et 19,7% sont dans l’incapacité totale d’indiquer une personne à contacter pendant leur détention.

- Si 60% des prévenu.es parviennent à indiquer à quel stade en est leur dossier, la grande majorité est pourtant dans l’incapacité de se représenter précisément la procédure judiciaire en cours pendant la phase de détention. - La projection dans la prochaine étape judiciaire est impossible pour 66% des prévenu.es et se réduit essentiellement

à une alternative approximative jugement/libération pour les autres.

- la lenteur de la procédure devant la chambre d’accusation vient considérablement augmenter les délais de détention avant jugement.

- la réalisation des expertises médicales et des enquêtes de moralité pendant l’instruction est susceptible d’impacter grandement la durée de la détention avant jugement.

- les expertises médicales ne sont pas immédiatement réalisées après un viol et peuvent toujours manquer plusieurs années après le début de l’instruction.

- Dans l’hypothèse d’une prolongation de leur détention, 77,6% des prévenu.es ne sauraient pas comment réagir ou se sentiraient dans l’incapacité de réagir.

- les prévenu.es se sentent majoritairement impuissant.es et dépassé.es par les affaires ayant trait à la justice. - le fatalisme, la résignation et la passivité caractérisent essentiellement le comportement et le ressenti des

39 Dans un discours de 2013, le Garde des Sceaux, ministre de la Justice, des Droits de l’Homme et des Libertés publiques rappelle : « Comme vous le savez, notre pays a été particulièrement éprouvé ces dix dernières années par une grave crise socio-politique. Cette crise a profondément affecté les secteurs de la Justice et des Droits de l’Homme […]. ». Conférence de presse du Garde des Sceaux, ministre de la Justice, des Droits de l’Homme et des Libertés publiques, Abidjan, le 29 avril 2013.

un accès aux droits et à la justice