D’une manière générale, le but du concepteur est de trouver le meilleur compromis entre
l’amélioration de la performance du système, pour satisfaire le client, et la diminution des
coûts de fabrication. Pour un système donné, l’amélioration des caractéristiques de fiabilité
et de maintenabilité conduit inexorablement à augmenter ce coût. En conséquence, ces
caractéristiques sont souvent sous-estimées, impactant de fait la maintenance et les coûts
associés.
Néanmoins, aujourd’hui les clients ne se contentent plus uniquement des performances
intrinsèques du système. Ils accordent une importance grandissante à sa durabilité et aux
services associés (Jury & Sturdivant, 1995). Pour répondre aux attentes et aux besoins des
clients, nous assistons à une évolution des entreprises qui fabriquent ces systèmes. Elles
118
passent de la vente de systèmes manufacturés à la vente de services (Keller, 2003). Dans ce
cadre, elles proposent à leurs clients de payer non plus uniquement pour le système
lui-même mais aussi pour son utilisation. A la charge de l’entreprise qui fabrique ce système de
contrôler que celui-ci assure ses fonctions pendant une période de temps contractualisée.
Pour mettre en place ces nouvelles offres de service, un changement de paradigme est
nécessaire lors de la conception. Il ne s’agit plus de minimiser uniquement les coûts de
fabrication mais plutôt d’avoir une réflexion sur les coûts tout au long du cycle de vie du
système. Cela implique notamment de repenser le positionnement des problématiques liées
à la maintenance dès la conception.
Dans un premier temps, cette partie propose une description de la place actuelle de la
maintenance et de sa nécessaire évolution pour une gestion optimale du système sur son
cycle de vie. Nous analysons ensuite, comment la MFOP est utilisée dans la littérature pour
répondre aux problématiques de conception.
6.1.1 Place de la maintenance: évolution
Bien que les recherches sur les problématiques de maintenance aient connues des avancées
significatives pendant les dernières décennies, la maintenance garde encore une image
négative. Elle est souvent associée uniquement aux défaillances rencontrées par le système.
Si on considère maintenant le rôle de la maintenance dans une perspective de gestion du
système durant son cycle de vie, cette image change radicalement (Takata et al., 2004). Le
développement d’une maintenance efficace permet à l’entreprise qui propose le service de
réaliser des profits et à ses clients de profiter d’un service de qualité. On passe ainsi d’une
activité qui est perçue comme un centre de coût à une activité porteuse de profits.
Traditionnellement, le champ d’application de la maintenance se limite à la phase
opérationnelle. Cette phase inclut l’élaboration du planning, le diagnostic et la réalisation
des opérations de maintenance. En considérant la maintenance comme un service
permettant de conserver les fonctions du système sur son cycle de vie, celle-ci ne doit plus
être limitée à la phase opérationnelle. Il devient donc primordial d’intégrer les
problématiques de maintenance le plus tôt possible dans le cycle de vie du système.
Dans ce cas, la croyance commune est de penser que les coûts d’investissement et le délai
de conception augmentent. Markeset and Kumar (2001) contredisent cette idée reçue. Si la
maintenance est prise en compte dès la conception du système, les itérations au niveau du
design sont réduites car les problèmes sont pensés et résolus en amont. Les coûts et les
travaux associés pour remédier aux défauts de conception sont ainsi d’autant moins
importants qu’ils sont considérés tôt.
Le principe de « conception pour la maintenance » (cf. figure 6.1) permet de tenir compte
des liens étroits existants entre maintenance et conception pour optimiser le coût global du
119
système sur son cycle de vie. Si dorénavant, l’entreprise souhaite vendre du temps
d’utilisation, la place de la maintenance doit évoluer car elle apparaît comme l’outil essentiel
permettant au système d’assurer ses fonctions sur son cycle de vie.
Figure 6.1: Conception pour la maintenance (Markeset & Kumar, 2001)
Pour diriger la conception en fonction des problématiques de maintenance, nous pouvons
tout d’abord nous intéresser aux caractéristiques de fiabilité du système (Long et al., 2009).
Il s’agit ici d’identifier les composants dont la fiabilité est considérée comme un point faible
pour la maintenance du système. Pour identifier ces composants, une analyse intégrant la
maintenance, la fiabilité du composant et son importance dans le système doit être menée.
En s’appuyant sur cette analyse, des solutions de conception sont envisagées afin de
substituer ou de remplacer les composants incriminés par des composants plus robustes
et/ou moins variants.
En lien avec ces questions de fiabilité, une analyse de maintenabilité peut être envisagée. La
maintenabilité est l’aptitude d’une entité à être maintenue ou rétablie dans un état dans
lequel elle peut accomplir sa fonction. Cette analyse s’intéresse notamment à l’accessibilité
des pièces devant être maintenues. Un travail au niveau de la conception peut ainsi être
mené pour rendre certaines pièces plus accessibles. Un gain d’accessibilité permet de
réduire la durée de remplacement de la pièce considérée et diminue ainsi le temps
d’indisponibilité du système.
Actuellement dans le groupe Volvo, très peu de problématiques liées à la maintenance sont
prises en compte dès la conception du véhicule. Uniquement les questions liées à
l’accessibilité des composants sont aujourd’hui étudiées systématiquement. Les résultats
obtenus au niveau des durées de remplacement sont très encourageants.
Client
Besoins / Contraintes
Conception pour la maintenance
Fiabilité Maintenabilité
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Toutes les solutions de conception proposées ci-dessus doivent être validées par une analyse
des coûts sur le cycle de vie du système. Toute la difficulté est de trouver le meilleur
compromis entre l’amélioration des caractéristiques de fiabilité et de maintenabilité du
système et les gains obtenus sur les coûts d’exploitation. Les investissements réalisés
peuvent notamment entrainer une amélioration de la disponibilité du système ou encore
une diminution des coûts directs et indirects de maintenance.
6.1.2 MFOP et problématiques de conception
Dans les chapitres 4 et 5, nous avons présenté la politique de maintenance dynamique basée
sur la MFOP développée dans le cadre de cette thèse. L’objectif étant à terme de garantir
aux utilisateurs la disponibilité et l’autonomie de leur système sur des périodes d’opérations
données (Cini & Griffith, 1999). Pour être capable de proposer de tels services, la façon dont
les concepteurs considèrent les problématiques de maintenance doit fortement évoluer.
L’objectif est de prendre en compte les exigences de la MFOP pour diriger la conception.
Dans cette sous-partie, un état de l’art concernant l’utilisation de la MFOP pour guider la
conception est réalisé. Il sert de base à la construction de la méthodologie de conception
proposée dans la suite de ce chapitre.
Figure 6.2: Méthodologie de conception proposée par Relf (1999)
Une première méthodologie de conception basée sur la MFOP a été proposée dans (Relf,
1999). Pour Relf, le défi à relever se trouve dans la méthodologie et les outils de conception
nécessaires permettant de produire un système en phase avec les exigences de la MFOP. La
méthodologie élaborée est présentée dans la figure 6.2. Il s’agit d’un processus itératif qui
consiste à optimiser à chaque itération la valeur de la MFOP.
Dans une première étape, on va chercher à modéliser l’architecture du système étudié en
reliant ses fonctionnalités et ses composants. Des modèles de fiabilité sont ensuite associés
à chaque composant. En utilisant la simulation de Monte Carlo et en ajoutant des pannes
générées aléatoirement, une estimation de la valeur de la MFOP est obtenue pour le
système considéré. Cette valeur correspond à la durée maximale pendant laquelle le
système peut être utilisé sans avoir à effectuer de maintenance. Si cette valeur n’est pas
Début Modéliser le système de référence Simuler Calculer la valeur de la MFOP FinIdentifier les points faibles du système Appliquer les outils
de conception proposés Adapter l’architecture du système Oui Non Est que la valeur de la MFOP est suffisante ?