Les parties précédentes se sont concentrées sur la définition qualitative et quantitative de la
fiabilité ainsi que sur la modélisation stochastique de la défaillance d’une entité. L’objectif
affiché dans cette dernière partie est de définir les outils méthodologiques à notre
disposition pour intégrer la structure du système dans l’évaluation de la fiabilité.
Pour évaluer la fiabilité d’un système, une première approche consiste à considérer le
système comme un tout, sans envisager une décomposition en composants élémentaires. La
modélisation de la fiabilité du système complet est alors basée directement sur les modèles
présentés dans les parties précédentes. Cette approche, appelée « boite noire », ne permet
pas d’intégrer la structure générale du système dans l’évaluation de la fiabilité.
Par opposition, une seconde approche appelée « boîte blanche », vise à prendre en compte
cette structure dans le calcul de la fiabilité. Dans ce cadre, il va falloir être capable de
modéliser la fiabilité de chaque composant élémentaire et de définir la logique de
40
fonctionnement du système. Afin de répondre aux objectifs détaillés dans le chapitre 1,
cette approche est retenue dans la suite de cette thèse.
Dans cette partie, nous présentons premièrement les méthodes à notre disposition pour
analyser et représenter la logique de fonctionnement du système. Dans un second temps,
nous détaillons les calculs de fiabilité associés aux différents types de structures
élémentaires.
2.4.1 Analyse et représentation de la structure fiabiliste
Pour définir la logique de fonctionnement d’un système, l’objectif est de déterminer
comment le fonctionnement ou la panne de chaque composant élémentaire va impacter le
système global. Pour atteindre cet objectif, une première étape consiste à réaliser une
Analyse des Modes de Défaillance, de leurs Effets et de leur Criticité (AMDEC) (Rausand &
Høyland, 2004).
Cette technique est apparue initialement dans le secteur aéronautique, puis s’est répandue
dans les principales industries (automobile, chimique, nucléaire, etc…). Elle est utilisée pour
identifier les modes de défaillances des composants élémentaires et pour étudier les effets
que ces pannes peuvent entraîner sur le système. Durant cette analyse, chaque panne est
considérée individuellement. Les conséquences engendrées par la présence de plusieurs
pannes sur des composants élémentaires ne sont pas étudiées. Cette propriété ne permet
donc pas de s’adapter à la structure du système étudié si celui-ci contient des redondances.
Cette limite conduit le plus souvent à considérer une AMDEC comme un travail préliminaire
avant des études de fiabilité plus poussées.
Figure 2.10: Représentation d'un diagramme de fiabilité
Pour remédier à cette limite, plusieurs méthodes complémentaires peuvent être envisagées:
diagrammes de fiabilité, arbre de défaillance, graphe de Markov, réseau de Petri, etc... Dans
la suite de cette thèse, nous nous intéressons uniquement à des systèmes constitués de
composants élémentaires non réparables. Pour ces systèmes, nous supposons que les
composants élémentaires sont indépendants et que l’ordre dans lequel les pannes
apparaissent n’a pas d’importance. Dans ce cadre, le diagramme de fiabilité apparait comme
la représentation la plus pertinente (Rausand & Høyland, 2004).
1 2 6
Sortie
Entrée 3
5
4
41
Le diagramme de fiabilité est utilisé pour analyser et calculer la disponibilité des systèmes
(Pagès & Gondran, 1980). Il correspond à une représentation logique du fonctionnement du
système sous forme de graphe. A l’intérieur de ce graphe, les blocs représentent les
composants élémentaires du système et les arcs traduisent les relations entre ces
composants (cf. figure 2.10). Notons que les liens entre les composants ne correspondent
pas à des liens physiques mais uniquement à des liens fonctionnels.
Le système est considéré en marche si au moins un chemin, composé exclusivement de
composants en fonctionnement, existe entre son point d’entrée et de sortie. Ce parcours
permettant au système de réaliser sa fonction est appelé chemin de succès. Ce cadre de
modélisation permet ainsi de s’adapter à la structure du système étudié.
L’intérêt de cette représentation est double (Mihalache, 2007). Premièrement, le
diagramme de fiabilité permet de réaliser une analyse qualitative du système en analysant
les chemins de succès et les scénarios qui entrainent la panne du système appelés des
« coupes ». Cet outil vise également à mener une analyse quantitative en définissant la
fiabilité du système étudié à partir de la fiabilité de ses constituants. Ces calculs sont illustrés
dans la sous-partie suivante pour des systèmes à structure élémentaire.
2.4.2 Calculs de fiabilité pour des structures élémentaires
Dans les études de fiabilité, nous distinguons généralement deux grands types de structures:
les structures élémentaires et les structures complexes (Pagès & Gondran, 1980). Par
définition, une structure élémentaire est composée de composants indépendants dont le
fonctionnement peut être modélisé par des liaisons séries, parallèles ou une combinaison
des deux. Un système qui se décompose uniquement en structures élémentaires est nommé
système simple ou compliqué suivant le nombre de composants impliqués. Par opposition,
un système à structure complexe considère des dépendances entre les composants et ne se
résume pas à des liaisons séries/parallèles.
Par la suite, nous faisons l’hypothèse que les systèmes considérés peuvent être modélisés
par des structures élémentaires et non complexes. Dans cette sous-partie, les calculs de
fiabilité liés à ces systèmes sont détaillés. Pour exprimer cette fiabilité, nous introduisons les
notations suivantes:
- 𝑇
𝑠𝑦𝑠𝑡: la durée de bon fonctionnement du système
- 𝑇
𝑖: la durée de bon fonctionnement du composant 𝑖
- 𝑅
𝑠𝑦𝑠𝑡(𝑡) : la fiabilité du système à l’instant 𝑡
- 𝑅
𝑖(𝑡): la fiabilité du composant 𝑖à l’instant 𝑡
Définition 6 Un système série est en capacité de remplir sa fonction spécifique uniquement si
42
Figure 2.11: Diagramme de fiabilité d'un système série
La figure 2.11 illustre la logique de fonctionnement de ce système. On en déduit donc que la
panne dans un système série intervient dès lors qu’un de ses composants ne fonctionne
plus. En supposant que le système série est composé de 𝑛 composants, on peut donc écrire
que:
𝑇
𝑠𝑦𝑠𝑡= min
𝑖=1 à 𝑛
𝑇
𝑖(2.29)
La fiabilité du système est alors:
𝑅
𝑠𝑦𝑠𝑡(𝑡) = 𝑃(𝑇
𝑠𝑦𝑠𝑡> 𝑡) = 𝑃 ( min
𝑖=1 à 𝑛
𝑇
𝑖> 𝑡) (2.30)
Comme nous avons fait l’hypothèse que les composants étaient indépendants, la fiabilité du
système ci-dessus devient:
𝑅
𝑠𝑦𝑠𝑡(𝑡) = ∏ 𝑅
𝑖(𝑡)
𝑛
𝑖=1
(2.31)
Définition 7 Un système parallèle est en capacité de remplir sa fonction spécifique si au
moins un de ses constituants fonctionne.
Figure 2.12: Diagramme de fiabilité d'un système parallèle
Autrement dit, le système est en panne quand tous ses composants sont en panne. Cette
propriété est illustrée par la figure 2.12 ci-dessus. Contrairement à un système série, la
1 2
Sortie
Entrée
1
2
Sortie
Entrée
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durée de bon fonctionnement d’un système parallèle est basée sur le composant de durée
de vie maximale. On a alors:
𝑇
𝑠𝑦𝑠𝑡= max
𝑖=1 à 𝑛
𝑇
𝑖(2.32)
En conservant les mêmes hypothèses, la fiabilité du système parallèle devient:
𝑅
𝑠𝑦𝑠𝑡(𝑡) = 𝑃(𝑇
𝑠𝑦𝑠𝑡> 𝑡) = 𝑃 ( max
𝑖=1 à 𝑛
𝑇
𝑖> 𝑡) = 1 − ∏(1 − 𝑅
𝑖(𝑡))
𝑛
𝑖=1