Dans cette partie, l’objectif est de présenter les différentes étapes associées à la
construction du modèle de maintenance. Rappelons qu’un modèle de maintenance combine
un modèle de fiabilité du système et une politique de maintenance. Ce modèle est utilisé,
par la suite, pour évaluer les performances de la politique de maintenance retenue.
7.2.1 Modélisation de la fiabilité du système
Pour établir le modèle de fiabilité associé au système présenté à la figure 7.1, la première
étape consiste à estimer la fonction de fiabilité de chaque composant. Dans les études de
fiabilité réalisées actuellement dans le groupe Volvo, les données censurées telles qu’elles
ont été définies précédemment, ne sont pas considérées. En effet, les modèles actuels sont
déterminés uniquement à partir des composants tombés en panne sur la période d’étude.
Les estimations obtenues sont donc forcément sous-estimées car les données censurées ne
sont pas prises en compte. Les éliminer entraîne une perte d’information importante,
puisque l’on ne tient pas compte des composants qui ont justement une durée de vie plus
longue.
La présence de données censurées impose un traitement statistique particulier. Dans ce
manuscrit, la méthode du maximum de vraisemblance est proposée pour intégrer cette
information censurée. Cette méthode paramétrique est fréquemment utilisée pour déduire
les paramètres de la distribution de probabilité d’un échantillon donné. Son estimateur est
convergent, exhaustif, asymptotiquement sans biais et efficace (Berthon, 2008).
Ainsi, dans le cas d’un échantillon de 𝑁 données de survie indépendantes et non censurées,
146
𝐿(𝑋
1, 𝑋
2, … , 𝑋
𝑁; 𝜙) = ∏ 𝑓(𝑋
𝜊;
𝑁
𝜊=1
𝜙) (7.2)
avec 𝑓(𝑋
𝜊, 𝜙)la densité de probabilité évaluée à l’instant de défaillance 𝑋
𝜊. Dans le cas où il
y a des données de survie censurées à droite, les 𝑁 données de survie peuvent être divisées
en deux ensembles disjoints: Ψ
𝑁𝐶correspondant aux données non censurées et Ψ
𝐶𝐷correspondant aux données censurées à droite (Rausand & Høyland, 2004). La fonction de
vraisemblance s’écrit alors:
𝐿(𝑋
1, 𝑋
2, … , 𝑋
𝑁; 𝜙) = ∏ 𝑓(𝑋
𝜊; 𝜙)
𝜊 ∈ Ψ𝑁𝐶
∏ 𝑅(𝑋
𝜊; 𝜙)
𝜊 ∈ Ψ𝐶𝐷
(7.3)
avec 𝑅(𝑋
𝜊; 𝜙) la probabilité de survie au-delà de 𝑋
𝜊. Chercher l’estimateur du maximum de
vraisemblance revient à chercher la valeur du paramètre 𝜙 qui rend l’échantillon le plus
« probable » possible. En d’autres termes, on va chercher à maximiser 𝐿(𝑋
1, 𝑋
2, … , 𝑋
𝑁; 𝜙)
ou de manière équivalente à maximiser ln[𝐿(𝑋
1, 𝑋
2, … , 𝑋
𝑁; 𝜙)].
Application au système multi-composant retenu
Après avoir défini la méthode statistique à utiliser pour intégrer les données de survie
censurées, celle-ci est appliquée sur les différents composants du système retenu. Nous
nous plaçons dans le cas de censures multiples à droite (cf. figure 7.3) et nous supposons
que les différents échantillons suivent une loi de Weibull à deux paramètres que nous
cherchons à déterminer.
Figure 7.5: Fonction de répartition obtenue pour le composant 𝑨
𝟐avec prise en compte
des données de survie censurées
0 2 4 6 8 10 12 x 105 0 0.2 0.4 0.6 0.8 1 Composant A 2 Distance [km] F o n ctio n d e r é p a rtitio n
Estimateur de Kaplan Meier Loi de Weibull
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La figure 7.5 illustre la fonction de répartition obtenue pour le composant 𝐴
2avec prise en
compte des données censurées. Pour ce composant, notre échantillon de données de survie
se compose de 803 observations de panne sur la durée de l’étude et de 260 données
censurées. Afin de pouvoir constater visuellement l’adéquation entre la loi de Weibull
définie et l’échantillon de données considéré, l’estimateur de Kaplan-Meier est représenté.
Celui-ci est l’estimateur non paramétrique le plus direct de la fonction de répartition. Il est
également capable de s’adapter à la présence de données censurées. En s’appuyant sur la
figure 7.5, nous constatons qu’environ 90% de notre échantillon est tombé en panne à
900 000 km.
Figure 7.6: Fonctions de répartition obtenues avec et sans prise en compte des données de
survie censurées pour le composant 𝑨
𝟐La figure 7.6 compare les fonctions de répartition obtenues avec et sans prise en compte des
données censurées pour le composant 𝐴
2. En s’appuyant uniquement sur les 803
observations de panne de notre échantillon, un impact significatif est visible sur la fonction
de répartition. En effet, si on reprend la valeur observée à 900 000 km, le modèle sans
censure indique que toute la population est en panne. On observe donc sur cette valeur un
écart de l’ordre de 10% en comparaison du modèle avec censure.
La figure 7.7 réalise cette même comparaison avec le composant 𝐴
4. Pour celui-ci, la
proportion des données censurées est beaucoup plus importante que pour le composant 𝐴
2.
La différence entre les deux fonctions de répartition est visuellement plus marquée. Cela
signifie que l’erreur commise en omettant les données censurées est plus importante pour
ce composant. Si on compare la valeur de la fonction de réparation à 900 000 km, l’écart est
proche de 40% sur le pourcentage de la population tombée en panne. Le choix d’un modèle
avec prise en compte des données censurées entraine des modifications importantes sur le
choix de la politique de maintenance optimale pour ce composant.
0 2 4 6 8 10 12 x 105 0 0.2 0.4 0.6 0.8 1 Distance [km] F o n ctio n d e r é p a rtitio n
Loi de Weibull avec censure Loi de Weibull sans censure
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Figure 7.7: Fonctions de répartition obtenues avec et sans prise en compte des données de
survie censurées pour le composant 𝑨
𝟒En finalité, les modèles de fiabilité obtenus à partir des données censurées ont été validés en
interne par les experts des différents composants car ils correspondent mieux à la situation
réelle. Ils jugent ainsi que la prise en compte de l’information de censure est nécessaire pour
garantir la pertinence des résultats et des décisions de maintenance qui peuvent en résulter.
Précisons enfin qu’une modélisation spécifique est introduite pour les
composants {A
15, A
16, A
17, A
18}. Dans une thèse effectuée précédemment pour le groupe
Volvo (Bouvard, 2010), il a été démontré que la dégradation de ces composants peut être
modélisée par un processus gamma. En s’appuyant sur ces résultats, des processus de
dégradation vont être définis pour ces quatre composants. Bien que ces processus ne
s’appuient pas directement sur des mesures de dégradations, ils sont construits en
cohérence avec les modèles de survie obtenus à partir des données disponibles. Les seuils de
dégradation à partir desquels les composants sont considérés comme défaillants ont été
définis par le bureau d’études.
7.2.2 Modélisation de la politique de maintenance
La politique de maintenance dynamique détaillée dans les chapitres 4 et 5 est appliquée.
Rappelons que cette politique vise à assurer le bon fonctionnement du système sur une
période donnée moyennant un niveau de confiance spécifié. Pour ce faire, le principe est
d’évaluer, à la fin de chaque MFOP, la nécessité de maintenir le système. Cette évaluation
est basée sur un indicateur, la 𝑀𝐹𝑂𝑃𝑆 qui intègre les informations de surveillance
disponibles et la structure du système. Si l’intervention de maintenance est jugée
indispensable, la politique sélectionne les opérations à effectuer selon un critère défini.
0 2 4 6 8 10 12 x 105 0 0.2 0.4 0.6 0.8 1 Distance [km] F o n ctio n d e r é p a rtitio n
Loi de Weibull avec censure Loi de Weibull sans censure