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Chapitre I : Des suspensions colloïdales à l’hétéroagrégat

3 Formation d’hétéroagrégats d’oxydes en milieu aqueux

3.1 Maîtrise de l’hétéroagrégation

Dans ce sous-chapitre, nous traitons des facteurs influençant l’hétéroagrégation. En d’autres mots, nous nous attacherons uniquement à l’agrégation de particules de différentes natures et non à la croissance de ces hétéroagrégats. Dans un premier temps, nous verrons l’influence du mode de mise en contact. Ensuite, nous évoquerons les paramètres permettant de contrôler l’hétéroagrégation. Enfin, nous présenterons les différents régimes d’agrégation décrits dans la littérature.

3.1.1 Mode de mise en contact

Quel que soit le protocole choisi pour provoquer l’hétéroagrégation, l’objectif est de mettre en contact les particules constitutives du système final. Le mode de mise en contact sera donc choisi en fonction des objectifs de l’étude. Le protocole de mise en contact le plus simple consiste à mélanger deux suspensions (concentration finale (c2) = concentration initiale (c1) /2) dont les pH ont été préalablement ajustés entre les PCN, PCN1 et PCN2, des particules constitutives du mélange. Cependant, il est à noter que pour ce mode de mise en contact, l’hétéroagrégation a lieu en même temps que le mélange. Cela conduit à des risques d’inhomogénéité du système final. Dans le cas de l’étude de l’hétéroagrégation provoquée par les forces électrostatiques, nous souhaitons obtenir une répartition homogène des particules dans l’hétéroagrégat. Une des solutions est de soumettre les hétérosuspensions aux ultrasons avant vieillissement. En effet, les ultrasons ont la propriété de casser les agrégats et par conséquent de permettre un mélange homogène de la suspension initiale. Cette technique a été utilisée sur une même hétérosuspension de manière à modifier le pH ou la force ionique avant chaque redispersion [HAR 1972].

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L’intérêt d’un tel protocole est de limiter l’erreur expérimentale en conservant le même échantillon pour toutes les mesures. Néanmoins, il est difficile de savoir si la redispersion est totale et si les particules ne sont pas endommagées par les ultrasons.

Dans cette étude nous avons opté pour une autre solution. Nous avons choisi de mettre en contact les particules à un pH auquel la suspension mixte est stable : pH supérieur ou inférieur à PCN1 et PCN2

(quand les systèmes le permettent) [GAR 2006]. En effet, dans ces conditions, les charges de surface de particules sont de même signe et suffisamment élevées pour permettre des interactions globalement répulsives entre les particules. Après mélange, nous obtenons donc une hétérosuspension homogène et stable vis-à-vis de l’agrégation. Ensuite, le déplacement du pH entre PCN1 et PCN2 déstabilise l’hétérosuspension pour former des hétéroagrégats homogènes (Figure 4).

Figure 4 : Schéma du protocole de mise en contact et de déstabilisation par élévation du pH des suspensions colloïdales

Ce protocole permet de résoudre les problèmes d’homogénéité. Toutefois, d’autres difficultés interviennent. La première correspond au temps nécessaire à l’ajustement du pH de déstabilisation. Ce dernier peut facilement nécessiter plusieurs minutes à cause des équilibres de protonation des sites présents en surface des particules. Cela rend donc difficile l’étude des premiers instants de l’hétéroagrégation. Une deuxième difficulté réside dans le temps de mise en contact des particules. Dans le cas où sont utilisées des particules sujettes à une dissolution particulièrement importante, une mise en contact prolongée avant déstabilisation peut engendrer des pollutions de surface. Le moyen de limiter la dissolution est de partir de suspensions concentrées (peu de dissolution avant contact) et de réduire le temps de contact au maximum [WIE 1975]. Enfin, la troisième difficulté est liée aux propriétés de surface des particules. Il est possible que les particules constitutives ne soient pas stables face à l’homoagrégation en dehors de la gamme de pH favorable à l’hétéroagrégation via les interactions électrostatiques. Dans ces

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conditions, il faut trouver des paramètres (température, pH, concentration, etc…) permettant de contrôler l’hétéroagrégation pour obtenir un système final homogène.

3.1.2 Les facteurs contrôlant l’hétéroagrégation

Dans ce sous-chapitre, nous considérons le contrôle de l’hétéroagrégation comme étant la capacité à accélérer ou ralentir la formation d’hétéroagrégats. On dénombre plusieurs facteurs susceptibles de contrôler l’hétéroagrégation. Le premier d’entre eux est la température. Il est reporté dans la littérature qu’entre 0 et 40°C la cinétique d’hétéroagrégation augmente avec la température [ENZ 1992] et [PAR 1990]. Le deuxième paramètre à contrôler est le pH. Utilisé finement, le pH peut contribuer de deux manières au contrôle de l’hétéroagrégation. Tout d’abord, dans une gamme de pH où les surfaces des particules sont de charges opposées, la cinétique d’hétéroagrégation augmente avec la différence de potentiel (Δψ=|ψ1|+|ψ2|) [VEE 1996]. Ensuite, pour ralentir l’hétéroagrégation avec le pH il faut se placer

dans une gamme où les charges de surface des particules sont de même signe. Dans de telles conditions, l’hétéroagrégation n’est généralement pas favorisée. Pourtant, à un pH proche de PCN1 ou PCN2 les écarts entre les potentiels de surface sont tels que l’hétéroagrégation a lieu mais est fortement ralentie [MCL 1993]. La Figure 5 illustre l’application d’un tel protocole dans le cas d’une hétérosuspension d’hydroxyde de magnésium (PCN1>13) et d’hydroxycarbonate d’aluminium (PCN2=9). On remarque qu’au-dessus de pH 9 (entre PCN1 et PCN2) le système ne présente qu’une famille d’objet en suspension : les hétéroagrégats. A un pH inférieur à 9 (en dessous de PCN1 et PCN2), les deux populations sont persistantes.

Figure 5 : Représentation des valeurs de potentiel zêta montrant la cinétique d’hétéroagrégation des suspensions d’hydroxyde de magnésium (PCN>13) et d’hydroxycarbonate d’aluminium (PCN=9) pour un rapport molaire de

5:1 et de concentration en ions métalliques de 0.012 mmol.mL-1en fonction du pH [MCL 1993]

Le contrôle de l’hétéroagrégation concerne également sa réversibilité. Certains travaux ont montré qu’il était possible de redisperser des systèmes hétéroagrégés par simple déplacement du pH [MCL 1993]. De plus, les systèmes hétéroagrégés présentent généralement une certaine rugosité. La redispersion est

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donc facilitée par le « rechargement » des surfaces exposées au solvant et la diminution de l’amplitude des interactions de van der Waals [TOI 1996]. Ainsi, pour stabiliser un système hétéroagrégé, plusieurs solutions sont envisageables. Tout d’abord, la formation d’une phase amorphe pourrait combler la rugosité intrinsèque à l’hétéroagrégat. Dans un deuxième temps, le renforcement de l’interface (ex : formation de liaisons chimiques) entre les oxydes empêcherait d’avantage la dissociation des particules.

3.1.3 Les régimes d’agrégation

Les régimes d’agrégation décrivent le comportement des particules face à l’adhésion. On retrouve dans la littérature cinq principaux régimes (Figure 6) : Diffusion Limited Colloid Aggregation (DLCA), Binary Diffusion Limited Colloid Aggregation (BDLCA), Attraction Drived Colloid Aggregation (ADCA) [LOP 2009], Reaction Limited Colloid Aggregation (RLCA) [PUE 2001], Attraction Limited Colloid Aggregation (ALCA) [YOS 2005].

Figure 6 : Schéma des régimes d’agrégation

3.1.3.1 DLCA : Diffusion Limited Colloid Aggregation

Le régime DLCA correspond à une agrégation limitée par la diffusion. Cela signifie que les particules adhèrent indifféremment les unes aux autres. De plus, l’adhésion est immédiate après contact. Ce régime d’agrégation génère des structures ouvertes. Il est caractéristique de particules faiblement chargées (pH ≈ PCN) ou mise en suspension à des forces ioniques importantes (I ≥ CCC).

3.1.3.2 BDLCA : Binary Diffusion Limited Colloid Aggregation

Le régime BDLCA décrit une hétéroagrégation limitée par la diffusion. Dans ce régime, il y aura donc une discrimination à l’adhésion entre deux types de particules en suspension. Du fait de la réduction du nombre de sites d’adhésion potentiels, le régime BDLCA est plus lent que le régime DLCA à iso-concentration et iso-morphologie de particules. Le régime BDLCA décrit le comportement d’hétérosuspensions dont les particules sont de charges opposées mais faiblement chargées. Dans ces

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systèmes, la notion de « conformation » peut être utilisée pour décrire l’organisation spécifique des particules.

3.1.3.3 ADCA : Attraction Drived Colloid Aggregation

Le régime ADCA illustre le comportement d’hétérosuspensions dont les particules sont particulièrement chargées. Dans ce régime, il y a hétéroagrégation provoquée par les forces électrostatiques à longues distances. L’influence de ces forces électrostatiques permet d’accélérer considérablement l’agrégation et ce régime est plus rapide que les deux précédents. On remarque que l’on peut passer d’un régime à l’autre en contrôlant les potentiels électrostatiques des particules. Autrement dit, il suffit d’ajuster la force ionique pour se placer dans un régime d’agrégation donné.

3.1.3.4 RLCA : Reaction Limited Colloid Aggregation

Le régime RLCA est un régime limité par la réaction. Ce régime intervient par exemple au sein d’une suspension homoparticulaire faiblement chargée (barrière de potentiel faible voir sous-chapitre 2.2.3). Dans ce régime, les particules subissent une agrégation lente et ont le temps de s’organiser dans une conformation stable. Cela provoque la formation d’agrégats compacts.

3.1.3.5 DLCA : Attraction Limited Colloid Aggregation

Le régime ALCA décrit une agrégation limitée par l’attraction. Celui-ci n’a été observé que pour des suspensions macroscopiques de particules magnétiques.

3.1.3.6 Choix d’un régime d’hétéroagrégation

Dans cette thèse, nous souhaitons que la déstabilisation des suspensions mixtes soit provoquée par des forces électrostatiques attractives. Nous avons donc utilisé des suspensions dont la concentration en sels se limite aux contre-ions des sites de surface chargés des particules. Ces conditions correspondent à un régime de type ADCA. Néanmoins, l’ajustement du pH des suspensions, destiné à déstabiliser l’hétérosuspension, entraîne a fortiori l’ajout de force ionique supplémentaire. L’hétéroagrégation de nos systèmes modèles sera donc réalisée selon des régimes ADCA ou BDLCA fortement chargés.

Les régimes d’agrégation décrivent la formation des agrégats ou hétéroagrégats, mais pas leur évolution. Les paramètres gouvernant cette évolution sont décrits dans le sous-chapitre suivant.

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