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Chapitre I : Des suspensions colloïdales à l’hétéroagrégat

4 Synthèse d’un matériau d’intérêt catalytique par hétéroagrégation

4.2 Génération de porosité par hétéroagrégation

Deux gammes de porosité peuvent être distinguées dans les systèmes hétéroagrégés. La première constitue la porosité inter-hétéroagrégat causée, lors du séchage, par l’empilement d’hétéroagrégats déjà formés. La deuxième catégorie est la porosité intra-hétéroagrégat en référence à la porosité intrinsèquement contenue dans l’hétéroagrégat. Cette porosité dépend de la conformation des hétéroagrégats (organisation des particules constitutives) ainsi que de leur structure (formation de réseaux compacts ou ouverts). Bien que ces deux types de porosité soient peu décrits dans la littérature, il nous est apparu intéressant de les différencier pour décrire les mécanismes de formation et de conservation de la porosité des systèmes hétéroagrégés dans ce sous-chapitre.

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Figure 12 : Schéma d’une coupe de poudre hétéroagrégée montrant des exemples de porosité inter-hétéroagrégat (vert) et intra-hétéroagrégat (bleu)

Pour certains systèmes, la porosité intra-hétéroagrégat spécifiquement liée à la conformation peut représenter un volume conséquent. Notamment pour ceux contenant des particules de morphologie anisotrope de type plaquette ou des systèmes avec une grande anisotropie de taille (Figure 12), où la porosité correspond à l’espace libéré entre les particules. On attend dans de tels systèmes que le diamètre des pores soit contrôlable par l’ajustement du diamètre des particules « p » intercalées. L’exemple de particules avec un fort coefficient d’anisotropie comme les argiles délaminées en est une bonne illustration. Des hétéroagrégats de ces particules peuvent être formés par la condensation de réseau de silice [LET 2006], par mise en suspension d’argiles de charges opposées [HU 2007] ou encore par intercalation de particules entre les feuillets [JI 2004]. Les trois méthodes induisent une nette augmentation du volume poreux par rapport à l’argile isolée (0,3 mL.g-1 d’amplitude). Pourtant, seule l’hétéroagrégation de montmorillonite (argile) avec des particules d’hématite (Fe2O3) de 50 nm permet de faire varier le diamètre poreux. Cette variation est caractérisée par l’apparition d’un pic de porosité proche de 20 nm en plus de la porosité de l’argile d’environ 4 nm (obtenu par le traitement BJH des isothermes de physisorption de diazote). La visualisation de ce pic de porosité est possible car la dimension des particules devient alors significative vis-à-vis de la dimension des feuillets (< 2 µm).

Comme nous l’avons décrit précédemment, la porosité intra-hétéroagrégat est également dépendante de la structure de l’hétéroagrégat. Des hétéroagrégats ouverts (Df ≈ 1) présenteront donc des diamètres de

pores élevés : jusqu’à plusieurs fois la taille de la particule de plus grande dimension. Inversement, des hétéroagrégats compacts (Df ≈ 3) auront une porosité intra-hétéroagrégat de structure faible : de l’ordre de la porosité de conformation. Le cas de systèmes hétéroagrégés composés d’anatase (TiO2 ; 100 et 1000 nm) et de boehmite (γ-AlO(OH)) fibreuse illustre bien cette deuxième situation [PRI 2011]. Après séchage, les hétéroagrégats sont structurés sous la forme de pelotes. La porosité du matériau présente donc plusieurs composantes qui correspondent à l’espace intra-hétéroagrégat (entre 20 et 100 nm de diamètre) et à l’espace entre pelotes (> 100 nm). La structure compacte de ces hétéroagrégats est due au caractère

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fibreux de l’une des composantes. Même dans le cas des systèmes rigides, il reste difficile de conserver une structure ouverte lors du séchage. En effet, les forces capillaires qui interviennent lors de l’élimination du solvant sont souvent responsables de l’écroulement de la structure. L’influence de différents modes de séchage a été suivie à partir de systèmes hétéroagrégés composés de microgels et de billes de latex [SNO 2005]. Ces systèmes présentent une spécificité. En effet, de petites particules chargées (silice Ludox AS-40) sont introduites pour bloquer la croissance et limiter la réorganisation des particules. Ces particules sont spécifiquement attirées par les microgels chargés positivement et éliminent donc les charges positives ponctuelles de l’hétéroagrégat. Dans un premier temps, le matériau hétéroagrégé est récupéré par un séchage doux en quatre étapes afin d’éviter l’effondrement de la structure générée. Tout d’abord, l’excès de solution est éliminé par filtration sous vide. Ensuite, le matériau saturé en eau est immergé dans l’azote liquide avant d’être lyophilisé à température (de -60 °C à 25 °C en 5h30) et pression contrôlées. Cette étape permet de limiter les forces capillaires. Enfin, le matériau est placé une heure à 70 °C pour éliminer la majorité de l’eau résiduelle. Cette méthode de séchage permet d’obtenir une distribution de porosité large. On remarque un pic de porosité centré autour de 320 nm qui s’étend ensuite sur plusieurs microns. Les auteurs définissent la porosité de diamètre inférieur à 500 nm comme étant due à l’espace inter-particulaire (intra-hétéroagrégat). Au-delà de 500 nm, c’est l’empilement d’agrégats très linéaires qui causerait la porosité (inter-hétéroagrégats). En séchant le même matériau sous air, on élimine complètement la porosité supérieure à 500 nm et le pic de porosité est déplacé à 190 nm (Figure 13). Ce comportement est caractéristique d’un effondrement de la structure sous l’action des forces capillaires. Le mode de séchage est donc efficace. Néanmoins, la maintien de la structure ne peut pas seulement être attribué au séchage : la flexibilité des microgels peut faciliter le maintien d’une structure ouverte en augmentant la surface en contact avec les billes de latex. Ainsi, pour identifier l’impact du microgel sur la structure, les auteurs les ont remplacés par des billes de latex de même taille et chargées positivement en surface. L’effet est significatif. Comme pour l’échantillon séché sous air, on remarque un déplacement du pic de porosité : vers 220 nm de diamètre. Toutefois, l’échantillon conserve une porosité supérieure à 500 nm. Ces résultats montrent que la réorganisation des hétéroagrégats formés à partir de billes rigides est plus importante qu’en présence de microgels et confirme l’intérêt d’utiliser un matériau flexible pour maintenir une structure ouverte.

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Figure 13 : Cliché de MET d’un système latex – microgel dont les particules de microgels sont recouvertes de Ludox AS-40 et distribution de taille de pore obtenue par intrusion de mercure [SNO 2005]

La porosité des systèmes hétéroagrégés peut être contrôlée par élimination d’un échafaudage organique [TAN 2003] [PRI 2011]. Pour ce type de systèmes, on utilise généralement des billes de type latex chargées pour permettre l’attraction électrostatique avec une ou deux familles de particules inorganiques. La phase organique est ensuite éliminée par dissolution ou calcination. Ce type de porosité est généralement utilisé pour former de gros macropores en introduisant des billes de latex micrométriques. Dans ces travaux, la dispersion homogène des particules avant hétéroagrégation est critique en vue de l’obtention d’une porosité organisée.

Dans cette thèse, nous avons choisi de ne pas mettre en œuvre ce type de technique et de nous concentrer sur la porosité intrinsèque des hétéroagrégats. En utilisant des particules avec un fort coefficient d’anisotropie, nous nous attendons donc à générer une porosité intra-hétéroagrégat particulièrement liée à leur conformation (écartement des plaquettes). Nous avons choisi de récupérer les poudres en procédant par élimination de l’excès de solvant (par centrifugation ou filtration), puis séchage sous air. Ce protocole de récupération soumet les hétéroagrégats à des forces capillaires susceptibles de densifier les réseaux hétéroagrégés. Dans la mesure où nous nous sommes focalisés sur l’étude de l’organisation locale des particules et non sur la formation de réseaux d’agrégats ou la conservation de structures ouvertes, ce protocole de séchage est adapté.

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