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Partie I - Concurrence bancaire et tarification du crédit : analyse de la littérature et application

2.3 Données et méthodologie économétrique

2.3.2 Méthodologie adoptée

Le choix de la technique économétrique à utiliser pour estimer un modèle empirique est conditionné par trois éléments : premièrement, la nature de la variable endogène du modèle ; ensuite, l’influence que peuvent avoir les variables explicatives du modèle sur la variable dépendante et son terme d’erreur ; enfin, la structure des données utilisées. Typiquement, la question du choix du modèle consiste à faire un arbitrage entre différentes approches d’estimation des paramètres qui peuvent se révéler plus ou moins consistantes ou efficientes.

Tout d’abord, notre variable endogène est une variable continue, notée Marge. La nature de cette dernière exclut l’utilisation de procédures d’estimation dites des variables qualitatives. Ainsi, l’utilisation des méthodes des moindres carrés semble plus appropriée dans notre cas. Nous pouvons donc recourir par exemple à l’estimateur MCO afin de déterminer l’effet de la concurrence bancaire sur le coût du crédit des entreprises de notre échantillon. Toutefois, cette technique requiert l’absence totale de corrélation entre les variables explicatives et le terme d’erreur des estimations, ce qui ne semble pas être le cas ici. En effet, une forte présomption d’endogénéité pèse sur l’une de nos variables de concurrence, l’indice de Lerner (Lerner). Cela constituerait une violation de l'hypothèse de la moyenne conditionnelle nulle de l’estimateur des MCO, entraînant l’inconsistance de ce dernier. Par conséquent, nous optons pour l’approche des variables instrumentales (IV) pour l’estimation des spécifications empiriques afin de prendre en compte l’endogénéité de notre régresseur tout en gardant à l’esprit que cette technique présente la limite d’être moins efficiente que l’estimateur des MCO (Wooldridge, 2006).

La suspicion d’endogénéité de l’indice de Lerner (Lerner) semble bien justifiée et ce, à plusieurs niveaux. D’une part, l’indice de Lerner peut être corrélé à certaines caractéristiques qui peuvent simultanément influencer la tarification du crédit de la banque, comme les choix stratégiques des dirigeants de la banque ou bien des évènements de conjoncture économique que nous ne pouvons contrôler dans notre modèle (Carbó et al., 2009). D’autre part, l’indice de Lerner mesure la capacité de la banque à appliquer des prix supérieurs à son coût marginal, ce qui implique que les marges de crédit influencent directement son niveau du fait que les crédits font partie des produits et services rémunérés proposés par la banque. Il est vrai que dans notre calcul de l’indice de Lerner, nous considérons l’actif total de la banque et non pas seulement les crédits octroyés aux entreprises, ce qui réduirait l’influence réelle des marges des emprunts des firmes de notre échantillon sur notre variable de concurrence bancaire. Toutefois, nous préférons corriger la présence de l’endogénéité due à cette variable en utilisant la

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technique des variables instrumentales (IV), en raison notamment du fait que les tests statistiques36 que nous menons révèlent bien l’endogénéité de l’indice de Lerner (Lerner).

Deux procédures d’estimation sont possibles avec la technique IV : la technique des moments généralisés (GMM) et/ou l’approche des doubles moindres carrés ordinaires (2SLS). Cependant, la faible dimension temporelle de nos données, qui implique que la majorité des entreprises de notre échantillon ne figurent qu’une seule fois sur toute la période d’étude, nous pousse à privilégier l’estimateur 2SLS. Ainsi, pour estimer nos différents modèles empiriques, nous allons recourir à l’approche 2SLS en coupe transversale avec un terme d’erreur robuste à l’hétéroscédasticité. Certaines entreprises figurant plusieurs fois dans notre échantillon, nous calculons une erreur standard regroupée (clustered) par entreprise. L’approche 2SLS consiste à faire une estimation en deux étapes de notre modèle structurel afin de nous permettre de surmonter le problème de l’endogénéité généré par la présence de la variable de concurrence, l’indice de Lerner (Lerner).

La première étape consiste à estimer un modèle ayant comme variable dépendante la variable indépendante endogène, dans notre cas l’indice de Lerner, en utilisant des instruments non corrélés avec les marges de crédit et assez corrélés avec l’indice de Lerner ainsi que des variables de contrôle exogènes comme suit :

𝐿𝑒𝑟𝑛𝑒𝑟𝑖𝑡 = 𝛼0+ ∑𝑚𝑛=1𝛽𝑛𝑋𝑖𝑡+ ∑2𝑛=1𝛾𝑛𝑍𝑖𝑡+ 𝜀𝑖𝑡 (7)

où 𝑋𝑖𝑡 le vecteur des variables explicatives exogènes de notre modèle structurel, à savoir les trois autres variables de concurrence (MktShare, FinShare, NRelations), ainsi que les autres variables de contrôle de notre modèle relatives à la conjoncture économique, aux relations de clientèle, aux caractéristiques des emprunts et aux caractéristiques des entreprises, et les variables mesurant le risque des clients. 𝑍𝑖𝑡 représente le vecteur des variables instrumentales au nombre de deux dans notre cas, et 𝜀𝑖𝑡 le terme d’erreur. Nous utilisons comme instrument pour cette étape deux variables : la rentabilité des actifs bancaires avant impôts (ROAA) et la capacité de la banque à générer des gains récurrents (REP). Les deux variables remplissent les conditions requises pour les variables instrumentales, en ce qu’elles sont corrélées avec l’indice

36 Pour chaque estimation nous vérifions l’endogénéité de la variable Lerner et la justification de l’utilisation de la méthode des variables instrumentales par rapport au MCO.

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de Lerner sans l’être avec le terme d’erreur. D’ailleurs, les tests statistiques nous confirment leur validité ainsi que leur pertinence en tant qu’instruments37.

La deuxième étape de l’estimation consiste à remplacer dans notre modèle de base la variable de concurrence (Lerner) par la variable prédite issue de la première étape (𝐿𝑒𝑟𝑛𝑒𝑟̂ ). Nous estimons ainsi le modèle suivant :

𝑀𝑎𝑟𝑔𝑒𝑖𝑡 = 𝛽0+ 𝛽1𝐿𝑒𝑟𝑛𝑒𝑟̂𝑖𝑡+ 𝛽2𝑀𝑘𝑡𝑆ℎ𝑎𝑟𝑒𝑖𝑡+ 𝛽3𝐹𝑖𝑛𝑆ℎ𝑎𝑟𝑒𝑖𝑡 + 𝛽4𝑁𝑅𝑒𝑙𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛𝑠𝑖𝑡

+ ∑ 𝛽𝐾 𝑛

𝐾=5

𝑋𝑖𝑡+ 𝜇𝑖𝑡 (8)

où 𝑋𝑖𝑡 le vecteur des variables de contrôle exogènes de notre modèle et 𝜇𝑖𝑡 le terme d’erreur.

Il est à signaler qu’il aurait été possible de traiter l’endogénéité de l’indice de Lerner à travers l’utilisation de variables retardées tout en utilisant l’estimateur MCO. Toutefois, l’interprétation des résultats de cette méthode ad hoc semble compliquée. Par ailleurs, nous n’introduisons de variable muette contrôlant les années dans aucune de nos estimations. En effet, ces variables seraient très corrélées à l’indice de Lerner qui est calculé annuellement et qui devrait capter leur effet. Aussi, pour chaque observation, nous contrôlons le climat des affaires au moment de l’octroi du crédit ; cette variable est un indicateur publié mensuellement par l’INSEE, ce qui nous permet de contrôler pour les différentes périodes temporelles. Des estimations du modèle des moindres carrés ordinaires en données de panel à effets fixes seront aussi réalisées à des fins de robustesse et présentées dans les sections suivantes.

En définitive, notre choix d’utiliser la technique des variables instrumentales est justifié par la nature de la variable considérée comme endogène et confirmé par les tests statistiques. Il est vrai que cette technique nous fait perdre en efficience comparativement à l’estimateur MCO, mais elle reste l’approche la plus appropriée d’un point de vue économétrique, d’autant plus que nous disposons d’un nombre d’observations assez important permettant d’avoir un estimateur non biaisé.

37 Nous utilisons le test de Sargan-Hansen de sur-identification, celui de Kleibergen-Paap pour la sous-identification et celui d’Anderson-Rubin afin de tester la validité des instruments. Tous ces tests sont reportés dans les tableaux des régressions.

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