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Partie I - Concurrence bancaire et tarification du crédit : analyse de la littérature et application

Chapitre 1 : Examen de la littérature théorique et empirique

1.2 Concurrence bancaire et tarification du crédit : revue de la littérature

1.2.2 La littérature empirique

Plusieurs travaux empiriques se sont intéressés à l’effet de la concurrence sur la tarification du crédit. Certains d’entre eux, axés sur l’effet des relations de long terme sur le coût du crédit bancaire, semblent confirmer l’hypothèse de rente informationnelle. D’autres études semblent néanmoins l’infirmer.

Petersen et Rajan (1994) ont mis en évidence, sur des données concernant des PME américaines, le fait que l’accès au crédit est d’autant plus facile que la durée de la relation entre la banque et l’entreprise est longue. Aussi, ils ont montré que la concurrence, mesurée par le nombre de banques en relation avec l’entreprise, avait un effet significatif et positif sur les taux d’intérêt appliqués aux petites entreprises américaines. Ce résultat renforce l’hypothèse selon laquelle une concurrence plus forte conduirait à un coût de crédit plus élevé. Les auteurs ont interprété leur résultat en faisant valoir que seule une relation bancaire exclusive réduirait le coût du crédit. D’autres travaux ont aussi montré l’existence d’un lien positif entre la concurrence bancaire (la multibancarité des firmes) et le coût des crédits (Shikimi, 2005 ; Hernández et Martínez, 2006).

En outre, dans leur étude empirique, Petersen et Rajan (1995) confirment les effets mis en avant par la littérature sur les rentes informationnelles. Utilisant les mêmes données relatives

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aux PME américaines, ils trouvent que les jeunes entreprises obtiennent davantage de crédit sur les marchés les plus concentrés où, la concurrence étant moins forte, les banques peuvent extraire plus facilement des rentes informationnelles. L’idée d’une « capture informationnelle » des nouvelles entreprises semble donc de nouveau confirmée. De plus, en régressant les taux d’intérêt consentis aux entreprises sur les indicateurs de la concurrence, tout en contrôlant pour les caractéristiques des entreprises et des différents prêts14, Petersen et Rajan (1995) montrent que les deux variables proxy de la concurrence, à savoir l’indice de Herfindhal et Hirschmann (concurrence externe) et le nombre de banques ayant une relation de clientèle avec l’entreprise (concurrence interne), sont significatives et mènent au même résultat consistant à dire qu’une concurrence intense sur le marché bancaire conduirait à des taux d’intérêt plus élevés.

Par ailleurs, et toujours aux États-Unis, certaine études concluent que le coût du crédit décroît avec la durée de la relation et donc avec l’augmentation du niveau de la concentration bancaire (Berger et Udell, 1995; Blackwell et Winters, 1997). Toutefois, Cole (1998) vient nuancer ce résultat en démontrant que la durée de la relation n’est pas un facteur explicatif de la disponibilité du crédit. Angelini et al. (1998) affirment quant à eux, sur des données italiennes, que seules les entreprises ayant une relation de moins de trois ans avec leur banque sont plus contraintes que les autres dans leur accès au crédit. Elston (1996) obtient d’ailleurs le même type de résultat en étudiant les données bancaires du marché allemand.

De surcroît, en Europe, les études empiriques réalisées par Angelini et al. (1998) sur la base d’un échantillon de petites entreprises italiennes montrent, contrairement à Petersen et Rajan (2002), que les firmes qui concentrent leurs sources de financement paient un taux d’intérêt plus élevé que les entreprises entretenant de multiples relations bancaires. Dans le même ordre d’idées, Bonfim et al. (2009), sur la base de données concernant des PME portugaises, ont mis en évidence le fait qu’une relation bancaire supplémentaire pour les petites entreprises sur le marché du crédit portugais réduisait en moyenne leur coût d’emprunt de 11 à 20 points de base. D’autres résultats empiriques ont conclu que les intensités concurrentielles entre les différents établissements de crédit diminuent les taux d’intérêt débiteurs proposés aux entreprises (Repetto et al., 2002; Menkhoff et Suwanaporn, 2007; Qian et Strahan, 2007).

En Allemagne, Harhoff et Körting (1998) ont montré qu’une plus grande concurrence entre les établissements de crédit, à travers la multiplication des relations bancaires, permet aux entreprises de bénéficier du financement bancaire en fournissant moins de collatéraux.

14 Notamment la taille de l’entreprise, sa nature juridique, le type du prêt, le secteur d’activité, les garanties, l’âge de l’entreprise, son endettement par rapport au total actif, etc.

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Toutefois, seule l’instauration d’une relation de confiance avec la banque a comme conséquence la réduction des coûts de financement. De leur côté, Degryse et Van Cayseele (2000) ont montré, en utilisant des données relatives à des PME belges, que les entreprises qui contractent la majorité de leurs financements et services financiers auprès du même intermédiaire bancaire bénéficient d’un coût de crédit plus faible. Ainsi, ils concluent à l’existence d’une relation positive entre le niveau de concurrence bancaire et la tarification du crédit. Hernandez et Martinez (2006) ont obtenu le même résultat en exploitant une base de données sur des PME espagnoles. Ils concluent que les avantages liés à la concentration de la dette sont plus importants que ses inconvénients.

Aussi, D’Auria et al. (1999), se sont fondés sur une base de données italienne pour conclure que les études théoriques et empiriques semblent confirmer que l’instauration de relations de long terme accroît l’accès des PME au crédit. Cependant, il n’est pas établi qu’un faible niveau de concurrence (relation bancaire exclusive) permet à l’emprunteur de bénéficier d’un coût de crédit plus faible ni qu’il expose ledit emprunteur à un « hold-up » de la part de sa banque. De plus, selon ces auteurs, la solution optimale pour une entreprise est de concentrer sa dette auprès d’une banque principale afin de lui permettre de disposer d’un avantage concurrentiel l’incitant à baisser les taux d’intérêt, et dans le même temps de multiplier les relations bancaires pour empêcher sa banque principale d’extraire des rentes monopolistiques. En somme, l’effet de la concurrence bancaire sur la tarification du crédit est ambigu. Les résultats empiriques aboutissent à des conclusions contradictoires et ne permettent pas de départager les deux visions. Cette divergence entre les deux approches théoriques, appuyéepar des tests empiriques, est due à plusieurs éléments qui, une fois pris en considération, permettront d’affiner un peu plus les résultats. Les tableaux 1.1 et 1.2 proposent une synthèse par pays des principaux résultats des travaux réalisés concernant l’effet de la concurrence bancaire sur le coût du crédit. Nous reportons dans les tableaux la mesure du coût de crédit employée dans l’analyse, les différents indicateurs de concurrence bancaire utilisés ainsi que leurs signes et degrés de significativité.

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Tableau 1-1 Littérature utilisant des données de contrats de crédit et des données comptables des entreprises

Pays Auteurs Sources des

données

Échantillon Mesure du coût du crédit Variables de concurrence HHI PDM dans le finan ceme nt banca ire de l’entr eprise Multibanc -arité Part de marché de la banque qui octroie le crédit Ratio de concentrat ion Distance entre l’emprunteur et banque concurrente la plus proche

États-Unis STB 8250 entreprises Taux d’intérêt sur

les crédits +*** Petersen et Rajan (1994) NSSBF1987 1 389 PME Taux d’intérêt sur le

crédit le plus récent + +* Petersen et Rajan (1995) NSSBF 1987 1 277 PME Taux d’intérêt sur le

crédit le plus récent

Si HHI >0,18 : -*

Si 0,1< HHi <0,18 : -** +*** Hannan (1997) Enquête FRB

1993

2059 PME Taux d’intérêt variable sur les prêts

aux PME +** Cyrnak et Hannan (1999) Enquête FRB 1996

2059 PME Taux d’intérêt variable sur les prêts

aux PME

+***

Uzzi (1999) NSSBF 1987

2 226 PME Taux d’intérêt sur le crédit le plus récent + Cavalluzo et al. (2002) NSSBF 1993 1001 PME Taux d’intérêt sur le

crédit le plus récent

- (pour le cas général)

+** (pour les clients hispaniques) Hao (2004) LPC (Deal Scan database) 1988-1999 740 GE 948 observations Marge d’intérêt + commissions sur prêts +***

Berger et al. (2007) NSSBF 1993 520 PME Prime d’intérêt sur ligne de crédit +*** Brick et Palia (2007) NSSBF

1993

766 PME Marge d’intérêt des

42 Agarwal et Hauswald (2010) 1 banque 2002-2003 25 746 observations

Taux d’intérêt sur

crédit +

Canada Mallet et Sen (2001) CFIB 1997 2409 PME Taux d’intérêt du

crédit -**

Allemagne Harhoff et Körting (1988)

Enquête 1997 240 PME 752 observations

Taux d’intérêt sur la ligne de crédit la

plus importante

+

Elsas et Krahnen (1998) 5 banques 1993-1996

240 PME 353 observations

Taux d’intérêt sur ligne de crédit moins le FIBOR - -*** Machauer et Weber (1998) 5 banques 1993-1996 240 PME 353 observations

Taux d’intérêt sur ligne de crédit moins taux d’intérêt

interbancaire overnight (Eonia)

+

Ewert et al. (2000) 5 banques 1996

260 PME 682 observations

Taux d’intérêt sur ligne de crédit moins FIBOR

+

Italie Angelini et al. (1998) Enquête 1995 1858 entreprises 2 232 observations

Taux d’intérêt sur

ligne de crédit + -**

D’Auria et al. (1999) Banque centrale d’Italie 1987-1994

2331 entreprises Taux d’intérêt sur les crédits moins taux des bons du trésor italien

+*** -*** -***

Ferri et Messori (2000) CCR 1992

33 808 observations Taux d’intérêt du

crédit - -

Sapienza (2002) Banque centrale d’Italie 1991-1995

97 792 observations Taux d’intérêt sur les crédits moins

prime de risque +***

Bellucci et al. (2010) 1 banque 2004-2006

6384 observations Taux d’intérêt sur

ligne de crédit -** - -

Barone et al. (2011) Banque Centrale d’Italie 2004-2005

49 331 observations Taux d’intérêt du crédit -*** +*** Bellucci et al. (2013) 1 banque 2004-2006

14 501 observations Taux d’intérêt sur

43 Espagne Hernández et Martínez

(2006) Enquête (the SME Economic Observatory of Murcia region) 1999

153 PME Coût moyen du financement bancaire moins taux

d’intérêt interbancaire +* Montoriol Garriga (2006c) SABI 1993-2004 73 809 PME 603 350 observations Dépenses d’intérêt des entreprises divisées par le total

des crédits

+*** +**

France Ziane (2003) Enquête

2001

244 PME Taux d’intérêt sur emprunt

+* +

Belgique Degryse et Ongena (2005)

1 banque 1997

15 044 observations Taux d’intérêt courant jusqu’à sa

révision

+** - +***

Portugal Bonfim et al. (2009) Centrale des risques (1996-2004)

38 342 entreprises Taux d’intérêt implicite sur les

crédits - + -*** Japon Shikimi (2013) Japanese accounts and data on entreprises (JADE) 2001-2002

74 367 observations Taux d’intérêt payé sur les crédits moins la moyenne

pondérée de la prime de risque de long et court terme.

+*** +***

Thaïlande Menkhoff et Suwanaporn (2007)

9 banques 1992-1996

416 observations Taux d’intérêt du crédit moins taux minimum de

découvert

44 Argentine Streb et al. (2002) CDFS

(Center of Debtors of the Financial System) 2000 8 548 observations

Plus haut taux de découvert

+*** -***

Chili Repetto et al. (2002) SBIF 1990-1998

4959 entreprises 21 000 observations

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Tableau 1-2 Études sur données comptables des banques

Pays ou région Auteurs Sources des données

Échantillon Mesure du coût du crédit Variables de concurrence HHI Ratios de concentration Part de marché de la banque H-statistic (Panzaar and Ross) Indice de Lerner 28 pays ayant un secteur financier libéralisé Nguyen (2012) Bankscope 1997-2004

3 593 banques Marge d’intérêt nette +**

14 pays de l’OCDE

Hawtrey et Liang (2008) Rapports annuels (OCDE) 1987-2001

206 observations

Marge d’intérêt nette (Calculée au niveau du pays)

+***

Europe

(12 pays)

Lepetit et al. (2008b) Bankscope 1996-2002

602 banques - Marge d’intérêt

- Prime de risque (marge d’intérêt - taux sans risque)

Marge totale : +** Marge sur crédit : + Prime de risque : + Prime de risque : +** Europe (7 pays) Carbó et Rodríguez (2007) Bankscope 1994-2001

2 579 banques Marge d’intérêt nette +

Europe (5 pays) Maudos et De Guevara (2004) Bankscope 1993-2000

2 279 banques Marge d’intérêt nette +*** +***

Europe(6 pays) et États-Unis Saunders et Schumacher (2000) Bankscope 1988-1995

747 banques Marge d’intérêt nette +**

États-Unis Ho et Saunders (1981) Keef, Bruyette et Woods, Inc database 1976-1979

53 banques Marge d’intérêt nette +*

Amérique latine (10 pays)

Chortareas et al. (2012) Bankscope 1999-2006

2 305 banques Marge d’intérêt nette + + -***

Mexique Maudos et Solís (2009)

Banque centrale du Mexique et

CNBV 1993-2005

3 593 banques Marge d’intérêt nette +*

Afrique subsaharienne (41 pays) Ahokpossi (2013) Bankscope 1995-2008 456 banques 2 582 observations

46 72 pays Demirgüç-Kunt et al.

(2004) Bankscope 1995-1999 1 400 banques 1 217 observations

Marge d’intérêt nette Sans qualité inst : +** Avec qualité inst : + 80 pays Demirgüç-Kunt et Huizinga (1999) Bankscope 1988-1995 7 900 banques 5 054 observations

Marge d’intérêt nette +*

Europe (31 pays) Claeys et Vander-Vennet (2008) Bankscope 1994-2001

1 130 banques Marge d’intérêt nette UE : +**

Europe de l’Est : -** Zone Euro (10 pays) Corvoisier et Gropp (2002) Bankscope 1993-1999

1 130 banques Marge d’intérêt nette Total : + Prêts : +*** Dépôts :-**

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