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Le choix des indicateurs de concurrence bancaire : à quels critères faut-il se référer ?

Partie I - Concurrence bancaire et tarification du crédit : analyse de la littérature et application

Chapitre 1 : Examen de la littérature théorique et empirique

1.3 L’origine de l’ambiguïté des analyses empiriques : quelques éléments de réponse

1.3.1 Le choix des indicateurs de concurrence bancaire : à quels critères faut-il se référer ?

Mesurer l’intensité concurrentielle sur un marché en particulier reste un exercice délicat et difficile. Les différentes analyses qui ont étudié la structure du marché bancaire et le comportement concurrentiel des établissements de crédit confirment ce constat. Précisément, la littérature de l’intermédiation financière utilise plusieurs mesures du degré de concurrence entre les établissements de crédit afin d’évaluer l’effet de la concurrence bancaire sur le coût de financement intermédié des entreprises. Un certain nombre de ces variables dites structurelles - à l’instar des indicateurs de la structure du marché - se réfère à un cadre théorique bien déterminé. Ainsi, la théorie de l’oligopole (Stigler, 1964), le paradigme Structure-Comportement-Performance (SCP) (Bain, 1956;Shepherd, 1982;Berger et Hannan, 1989) et l’hypothèse de la structure-efficience (Demsetz, 1973;Peltzmann, 1977)15 constituent le cadre d’analyse qui justifie l’utilisation des mesures de la concentration bancaire comme un baromètre du degré de l’intensité concurrentielle.

1.3.1.1 L’apport de l’économie industrielle

Il existerait une multitude de variables utilisées dans le but de caractériser le niveau de la concentration bancaire sur une échelle géographique choisie, qu’elle soit nationale ou locale. Ainsi, les trois indicateurs de la structure du marché bancaire les plus fréquemment utilisés sont les suivant16 :

1- la part de marché de la banque qui octroie le crédit ou qui est identifiée comme le banquier principal de l’entreprise ;

2- les ratios de concentration, qui représentent la part de marché d’un nombre n des plus grandes banques sur le marché bancaire étudié (CRn)17 ;

3- l’indice Herfindahl-Hirschman (HHI), obtenu en additionnant les parts de marché, élevées au carré, des différents acteurs sur le marché bancaire faisant l’objet de l’analyse.

La littérature économique a communément recours à d’autres indicateurs qui relèvent plutôt de l’émanation de la nouvelle théorie de l’économie industrielle, qui propose une relecture du paradigme Structure-Comportement-Performance (SCP) et opte pour

15 Voir notamment Berger (1995), Berger et Hannan (1998), Maudos et De Guevara (2007) pour les applications

empiriques de cette théorie.

16 Voir Bikker et Haaf (2002) pour une revue de littérature complète des différents indicateurs de la concentration bancaire existants.

17 n représente le nombre de banques considérées dans le calcul du ratio de concentration, les banques sont classées par ordre décroissant selon leur poids sur le marché.

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l’endogénéisation de la structure du marché bancaire. Ces nouvelles mesures non structurelles du niveau de la concurrence préfèrent appréhender le degré de concurrence par l’évaluation du pouvoir de marché des banques, en choisissant de mettre l’accent sur les comportements et interactions stratégiques de ces dernières dans leur secteur d’activité. Le H-statistique de Panzar et Ross (1987) et l’indice de Boone (2008) constituent les deux indices non structurels - à caractère comportemental - de la théorie de l’organisation industrielle, qui sont les plus fréquemment utilisés pour évaluer l’intensité concurrentielle entre les établissements de crédit.

L’économie industrielle propose aussi des indices qui se fondent sur le concept de « variation conjecturale ». L’idée de ces dernières mesures est d’intégrer l’hypothèse selon laquelle le comportement stratégique d’une entreprise sur un marché prend en compte les réactions potentielles des entreprises rivales à la suite d’une variation de sa production. Ainsi, les indices d’Iwata (1974), Bresnahan (1982) et Lau (1982) qui font partie de ces indicateurs de concurrence non-structurels, sont souvent utilisés dans l’industrie bancaire afin d’évaluer le pouvoir de marché des banques (Bikker et Haaf, 2002). Cependant, malgré toutes ces évolutions qu’a connues l’économie industrielle en matière de mesure des intensités concurrentielles et l’apparition d’un certain nombre d’indicateurs la concernant durant ces trente dernières années, l’indice du pouvoir de monopole de Lerner (1934) reste l’indice non-structurel le plus utilisé par la littérature bancaire puisqu’il offre la possibilité de mesurer les comportements concurrentiels à l’échelle de chaque institution financière. Cet indice est défini comme le rapport de la différence entre le prix d’un bien et son coût marginal sur le prix de ce bien.

L’émergence de ces nouveaux indices a permis à la littérature financière d’explorer empiriquement les différents déterminants des comportements concurrentiels. Ces études ont d’une part, conclu à la faible pertinence des indicateurs de concentration dans l’évaluation du degré de la concurrence bancaire, et d’autre part mis en évidence de nouveaux aspects à même de mieux appréhender la rivalité entre les banques. Les résultats de ces études montrent qu’un niveau faible de restrictions réglementaires, l’absence de barrière à l’entrée pour les banques étrangères ainsi qu’un contrôle limité des banques par l’État sont favorables à la concurrence bancaire (Berger et al., 2004a ; Classens et Laeven, 2004).

1.3.1.2 L’apport de la littérature financière

Parallèlement aux travaux empiriques qui ont introduit l’utilisation de ces nouvelles mesures de concurrence développées par la nouvelle théorie de l’organisation industrielle, un autre pan de la littérature financière a préféré analyser la concurrence entre les établissements de crédit, loin des considérations de l’économie industrielle. Ainsi, ces études ont insisté sur la

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particularité de ce secteur économique, notamment connu pour la forte présence d’asymétries d’information, en examinant également les dimensions non tarifaires des produits bancaires. Quelques analyses avaient d’ailleurs déjà montré que l’asymétrie d’information pouvait avoir une incidence sur la qualité, le coût et le niveau de production du secteur financier ainsi que sur son mode de fonctionnement (Stiglitz et Weiss, 1981). Précisément, les fortes distorsions informationnelles au niveau du secteur financier engendreraient une non-homogénéité des produits bancaires qui pousserait les établissements de crédit à s’adapter à cette situation, en créant par exemple des relations de long terme avec leurs clients (Diamond, 1984; Ramakrishnan et Thakor, 1984; Haubrich, 1989 ; Allen, 1990; Boot, 2000). Au final, une nouvelle littérature qui intègre les effets des frictions informationnelles du marché bancaire voit le jour. Cette dernière émet l’hypothèse selon laquelle l’asymétrie d’information modifie la nature même des comportements concurrentiels des banques en comparaison avec l’attitude stratégique des entreprises au sein des autres secteurs de l’économie (Sharpe, 1990 ; Rajan, 1992).

Dans le même ordre d’idées, Dell’Ariccia et Marquez (2004) proposent un modèle théorique qui montre que l’incidence de la concurrence bancaire sur la production du crédit des banques est conditionnée par le niveau d’asymétrie d’information sur ce marché, ce qui constitue une approbation de la démarche de la littérature privilégiant « l’hypothèse de l’information » 18. Cette dernière recommande d’analyser l’impact de la concurrence à travers son effet sur la capacité des banques à collecter l’information nécessaire à l’établissement de nouvelles relations de clientèle et, au maintien des relations déjà existantes. Les modèles théoriques de Petersen et Rajan (1995) ainsi que celui de Boot et Thakor (2000) représentent les deux références de cette ligne de la littérature économique, sur lesquelles s’appuient la majorité des travaux empiriques s’intéressant à l’effet de la concurrence bancaire sur le marché du crédit.

Une approche alternative à celles présentées auparavant vient s’ajouter aux outils d’analyse des intensités concurrentielles entre les banques, suite à l’utilisation des modèles de concurrence spatiale proposés par Hoteling (1929) et Salop (1979) au niveau du secteur bancaire. Cette nouvelle démarche suppose que la distance entre le prêteur et l’emprunteur

18 L’hypothèse de l’information consiste à mettre le problème de l’asymétrie d’information au cœur de l’analyse des effets de la concurrence bancaire sur le marché du crédit à travers l’étude de son impact sur l’établissement des relations de clientèle de long terme ; voir notamment Petersen et Rajan (1995), Boot et Thakor (2000), Dell’Ariccia et Marquez (2004), Degryse and Ongena (2007) et Presbitero et Zazzaro (2011).

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influence la tarification du crédit de plusieurs manières19. En premier lieu, elle détermine les coûts de transport assumés par l’emprunteur (Lederer et Hurter, 1986 ; Thisse et Vives, 1988) ; deuxièmement, elle affecte les dépenses de surveillance que les établissements de crédit doivent engager afin de maintenir leurs relations de clientèle (Sussman et Zeira, 1995) ; enfin, la qualité de l’information collectée par les banques est négativement corrélée à la distance qui les sépare de leurs clients (Hauswald et Marquez, 2006). Ainsi, ce dernier modèle théorique propose un lien entre la distance et la qualité de l’information, comme le proposent les défenseurs de « l’hypothèse de l’information ». Au final, quel que soit le canal d’influence de la distance sur les conditions de financement des emprunteurs (qualité d’information ou coût de transport), les deux théories se rejoignent sur le fait que l’éloignement géographique entre la banque et son client débiteur diminue le coût du crédit, mais que, dans le même temps, la tarification des prêts augmente avec la distance entre l’emprunteur et la plus proche banque rivale de son créditeur. En somme, quel que soit le cas de figure dans lequel nous nous trouvons, les résultats de Degryse et Ongena (2005) confirment l’importance de la prise en compte de la distance dans l’analyse des comportements concurrentiels des banques. En effet, le positionnement géographique des agences bancaires semble constituer un élément pertinent dans l’analyse de la concurrence entre les établissements de crédit.

1.3.1.3 Utilisation de ces différentes mesures

Comme nous l’avons dit auparavant, les tableaux 1.1 et 1.2 de ce chapitre proposent une synthèse par pays des principaux travaux consacrés à l’effet de la concurrence bancaire sur la tarification du crédit, en différenciant les mesures de concurrence utilisées dans ces analyses. Le tableau 1.1 inclut les études ayant traité du sujet dans le cadre des financements relationnels que nous pouvons classer en trois groupes :

- les analyses utilisant des données confidentielles relatives à des contrats de crédit entre les entreprises de l’échantillon et leurs créditeurs ;

- les études se référant à des informations d’enquêtes ciblant un certain nombre de firmes ; - plus rare, un certain nombre de travaux utilisent les documents comptables et financiers

des entreprises afin d’estimer leur coût de financement (exemple : Masayo, 2013).

19 La littérature économique s’est aussi intéressée à l’effet de la distance sur la disponibilité du crédit pour les entreprises. Toutefois, les différentes études empiriques ne parviennent pas à identifier ce lien (voir notamment Petersen et Rajan, 2002 ; Carling et Lundberg, 2005 ; Uchida et al., 2008 ; Degryse et al., 2007). Ainsi, nous préférons discuter uniquement de l’aspect tarifaire étant donné qu’il s’agit de l’objet de ce chapitre.

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Le tableau 1.2 quant à lui nous donne un aperçu de la littérature ayant utilisé les données comptables des banques afin d’analyser l’effet de la concurrence bancaire sur le coût du crédit20. Il est clair que cette dernière littérature ne tient pas compte des effets des relations de clientèle, et s’inscrit plutôt dans une démarche d’économie industrielle. Toutefois, il serait intéressant de pouvoir comparer leurs résultats, particulièrement l’incidence de la concurrence bancaire sur les marges de crédit.

De manière générale, les travaux du tableau 1.2 montrent une certaine cohérence concernant l’effet de l’intensité concurrentielle sur les marges bancaires. Ces analyses mettent en évidence le fait qu’une concurrence bancaire soutenue et, une faible concentration du marché bancaire ont un effet négatif sur les marges des banques. Ce résultat semble insensible au niveau de développement des pays d’origine des banques étudiées, de même qu’à la période d’analyse. Aussi, les différentes mesures de concentration utilisées, ainsi que les indices de concurrence issus de la théorie de l’organisation industrielle semblent mener aux mêmes conclusions concernant cette littérature.

Par ailleurs, les résultats des études du tableau 1.1 qui explorent l’effet de la concurrence bancaire sur le coût du crédit dans un cadre de relation de clientèle sont bien moins tranchés que ceux reportés dans le tableau 1.2. En effet, les différents travaux réalisés sur le sujet aboutissent à des constats différents. Le tableau 1.3 ci-dessous synthétise ces résultats en montrant combien de fois les variables sont significatives ainsi que leurs signes. Nous pouvons en tirer plusieurs remarques :

- tout d’abord, les analyses de l’incidence de la concurrence bancaire sur le coût de financement des entreprises dans le cadre de relations de long terme révèlent bien des ambiguïtés, leurs conclusions étant différentes ;

- ces études combinent le plus souvent des variables de structure de marché bancaire, à savoir l’indice de Herfindahl-Hirschman, et des indicateurs de concurrence à l’échelle de la relation de clientèle elle-même. Ainsi, concernant ces dernières mesures trois variables reviennent le plus souvent :

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 la part de marché de la banque qui octroie le crédit dans le financement bancaire total de l’entreprise21 ;

 le nombre de relations bancaires de l’entreprise qui bénéficie du crédit (multibancarité) ;

 la distance physique qui sépare l’entreprise bénéficiant du crédit et le plus proche concurrent de sa banque créditrice.

Tableau 1-3 Pertinence des variables de concurrence à travers la littérature

Région

Indice (HHI) PDM Multibancarité Distance

S ign if icat if Non sign if icat if S ign if icat if Non s ign if icat if S ign if icat if Non sign if icat if S ign if icat if Non sign if icat if + - + - + - + - + - + - + - + - Amérique du Nord 5 3 2 1 3 0 1 1 Europe Continentale 4 1 1 3 1 2 1 0 2 4 5 3 1 1 0 1 Asie 1 1 Amérique du Sud 1 0 0 1 0 2 Sous-total 10 4 3 5 1 2 1 0 6 7 6 4 1 1 0 1 Total 14 8 3 1 13 10 2 1

Le tableau synthétise le nombre de fois où les variables de concurrence utilisées dans la littérature de l’intermédiation financière sont significatives ou non ainsi que leurs signes. HHI représente l’indice Herfindahl-Hirschman. PDM est la part de marché de la banque dans le financement bancaire total de l’entreprise.Distanceest la distance entre l’emprunteur et le plus proche concurrent de sa banque.

21 Certaines études utilisent même un indice de Herfindahl-Hirschman calculé à l’échelle de l’endettement de la firme.

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- Les caractéristiques économiques des pays concernés par ces études ne semblent pas affecter la significativité ni le sens d’influence des variables utilisées. Ainsi, malgré la dominance des financements bancaires au niveau des économies d’Europe continentale par rapport aux modes de financement des entreprises américaines et canadiennes, rares sont les différences importantes à souligner. D’ailleurs, nous pouvons même remarquer dans le tableau 1.3 que les conclusions des études concernant l’impact des variables de concurrence sont parfois contradictoires pour des données du même pays et durant la même période (exemple : États-Unis, Italie).

- Nous pouvons aussi souligner que l’ambivalence des résultats touche tous les types de mesures de la concurrence quel que soit leur cadre conceptuel, théorie de l’organisation industrielle ou hypothèse de l’information (Petersen et Rajan, 1995 ; Boot et Thakor, 2000 ; Dell’Ariccia et Marquez, 2005). En effet, l’indice de Herfindahl-Hirschman ainsi que les trois autres variables de concurrence calculées à l’échelle de la relation de clientèle ne semblent pas avoir une incidence claire (positive ou négative) sur la tarification du crédit même dans les cas où ces variables présentent une significativité statistique et économique. Ce constat semble valable dans toutes les régions étudiées.

- Encore une fois, le tableau nous confirme que les indices de concurrence utilisés dans les analyses empiriques ne semblent pas en mesure de départager les conclusions théoriques formulées dans le cadre de la théorie de l’hypothèse de l’information concernant l’effet de la concurrence bancaire sur le coût du crédit (Petersen et Rajan, 1995 VS Boot et Thakor, 2000).

En conclusion, l’incertitude sur la pertinence des indices de concurrence bancaire utilisés par la littérature financière ne semble pas complètement dissipée. Toutefois, ces études ont fait avancer l’analyse relative à l’incidence de la concurrence bancaire sur le coût du crédit aux entreprises de différentes manières.

Tout d’abord, tous ces travaux différencient clairement la structure du marché bancaire, approchée par les différents indices de concentration, du comportement concurrentiel des établissements de crédit afin d’obtenir le contrat de financement des entreprises à la recherche de crédits bancaires (Berger et al., 2004a). Ainsi, nous remarquons l’utilisation systématique des indices de concentration, indépendamment des multiples variables de concurrence calculées

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à l’échelle des clients bancaires et qui tiennent compte de l’aspect informationnel des interactions entre l’entreprise et la banque. Concernant ce dernier élément, les auteurs n’hésitent pas à introduire dans le même modèle plusieurs variables mesurant la concurrence au niveau de la relation bancaire, à l’instar de celles présentées dans le tableau 1.1, dans le but de capter tous les éléments à caractère informationnel pouvant influencer le comportement concurrentiel de la banque dans le cadre de sa relation avec le client en question.

1.3.1.4 Quelle justification pour la combinaison des mesures de la concurrence bancaire ?

Nous constatons dans la pratique que le choix d’utilisation des indices de concurrence par la littérature financière empirique ainsi que par le régulateur bancaire22 est souvent arbitraire. La nature des choix n’est d’ailleurs pas, dans la majorité des cas, évoquée ou justifiée. Nous pouvons aussi établir à la lecture des différents articles que le nombre et la décision de l’introduction de certains indicateurs dans les modèles estimés sont plus fréquemment liés à la disponibilité des données concernant les variables en question qu’à d’autres impératifs. Cependant, l’existence de différentes approches ainsi que la possibilité de combiner plusieurs indicateurs de concurrence permettent de limiter l’impact de la non-disponibilité des données et de calibrer les modèles selon la nature de la question analysée (Degryse et al., 2009).

Spécifiquement, la nature particulière des marchés bancaires a entraîné l’utilisation d’approches alternatives mais dans le même temps complémentaires, afin de mesurer l’intensité concurrentielle entre les banques (Degryse et al., 2009). D’une part la concurrence bancaire peut dans une même période se manifester de différentes manières (structurelle ou bien comportementale). D’autre part, elle peut être multifacette (canal de l’information, canal de la distance) et englober différentes dimensions (le marché bancaire en totalité ou bien au niveau de la relation avec un seul client). Comme il n’existe aucun consensus sur le choix des indicateurs de concurrence à privilégier, nous développons dans ce paragraphe un cadre d’analyse que nous utilisons ultérieurement dans notre analyse empirique. De plus, la richesse de nos données nous permet de prendre en considération tous les aspects possibles de la concurrence bancaire dans notre modèle.

22 L’indice Herfindahl-Hirschman (HHI) est la mesure de concurrence de référence pour le Département américain de la justice. Ce dernier exige d’ailleurs son estimation avant chaque opération de fusion ou acquisition afin d’empêcher la création de monopoles et éviter tout comportement anti-concurrentiel de la part de la nouvelle structure créée. En effet, la loi dispose que si une opération de fusion aboutit à un HHI supérieur à un seuil de 1 800 points ou si ce dernier augmente de plus de 200 points, le rapprochement entre les entreprises concernées est interdit. Voir notamment Cetorelli, 1999.

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Ainsi, l’originalité de l’étude empirique que nous conduirons dans le chapitre suivant consiste à tester, à travers les variables proposées par la littérature et répondant à une démarche d’analyse bien identifiée, les effets de ces mesures de concurrence sur la tarification du crédit dans un cadre bien établi de relation de long terme. Partant du postulat que la concurrence bancaire peut se manifester à des niveaux différents, nous contrôlons dans notre modèle pour la concurrence à l’échelle du marché bancaire dans lequel les établissements de crédit agissent comme acteurs financiers ainsi que pour la concurrence à laquelle chaque banque fait face au moment du financement d’une entreprise en particulier.

En effet, l’intensité concurrentielle sur le marché dans sa globalité est souvent la préoccupation des organes de direction des banques, et est généralement traitée à travers la politique de crédit de l’établissement afin d’aboutir à un objectif de part de marché défini préalablement, tout en maîtrisant les impératifs de risque de contrepartie. Cependant, dans le cadre des financements relationnels, la prise en compte des réactions concurrentielles des banques rivales quant au financement d’une entreprise en particulier est une prérogative plus au moins décentralisée au niveau des chargés d’affaires qui gèrent la relation de clientèle et du responsable de sa structure de rattachement. D’ailleurs, le choix d’implantation de cette dernière répond généralement à une volonté de rapprochement géographique de la banque envers ses clients, même si les agences dédiées aux clients entreprises disposent d’un champ de