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3. Les souches de l’espèce Oenococcus oeni

3.1. Méthodes de typages

Jusqu’à la fin des années 1980, la différenciation des souches d’O. oeni était

principalement basée sur des critères morphologiques, métaboliques et physiologiques. Les

isolats d’O. oeni étaient sélectionnés selon leur caractères Gram +, catalase – et leur

capacité à dégrader différents sucres. Des tests physiologiques permettaient ensuite de

différencier les souches en fonction de leur comportement vis-à-vis de différents

paramètres d’intérêt en œnologie, à savoir, la croissance à des pH inférieurs à 4, en

présence d’au moins 10 % d’éthanol, en présence de SO

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et à des températures froides et la

capacité à dégrader l’acide malique (Peynaud and Domercq, 1968; Fleet et al., 1984; Izuagbe

et al., 1985; Henick-Kling et al., 1989; Edwards et al., 1991). La caractérisation phénotypique

étant fastidieuse et ne permettant pas d’identifier avec certitude une souche ou de suivre sa

croissance durant une vinification en présence d’autres souches, de nouvelles méthodes ont

été développées dès l’apparition de la biologie moléculaire, pour y remédier. Le début des

années 1990 a donc été marqué par l’apparition de diverses méthodes de biologie

moléculaire au service de l’identification des bactéries lactiques du vin.

PFGE

En 1993 et 1994, plusieurs auteurs ont publié l’utilisation de la technique REA-PFGE, ou

électrophorèse en champs pulsé, après digestion de l’ADN par des enzymes de restriction

(Restriction Enzyme Analysis – Pulsed-fiel Gel Electrophoresis), pour l’identification des

isolats d’O. oeni et la discrimination des souches (Daniel et al., 1993; Kelly et al., 1993;

Lamoureux et al., 1993; Tenreiro et al., 1994). Cette méthode a dans un premier temps été

testée sur des panels de souches de diverses origines pour valider son pouvoir discriminant,

puis son utilisation s’est généralisée pour la discrimination de nouveaux isolats de vin

(Zapparoli et al., 2000; Sato et al., 2001; Guerrini et al., 2003; Larisika et al., 2008). Elle est

devenue la méthode de référence pour typer les souches, avec quelques modifications au fil

des années, qui concernaient surtout les enzymes de restriction utilisées. Actuellement

ApaI,NotI et SfiI sont les plus répandues. Néanmoins, cette méthode est longue et coûteuse

à mettre en œuvre et les données obtenues sont difficilement comparables d’un laboratoire

à un autre.

PCR - RAPD

Toujours dans les années 1990, une deuxième méthode de typage des souches d’O. oeni

a été développée, la PCR-RAPD (Random Amplified Polymorphic DNA) (Zavaleta et al.,

1997). Cette méthode consiste à réaliser une PCR qui amplifie des fragments de façon

aléatoire sur le chromosome bactérien, grâce à des amorces aspécifiques. Les premiers

auteurs (Zavaleta et al., 1997) avaient testé cette méthode sur diverses souches provenant

de plusieurs pays, mais le pouvoir discriminant de cette méthode s’est révélé être assez

faible. Cette conclusion contraste avec celle d’autres études qui ont montré que le pouvoir

discriminant de cette technique était égal et parfois supérieur à celui de la méthode PFGE

(Zapparoli et al., 2000; Bartowsky et al., 2003; Reguant and Bordons, 2003; Reguant et al.,

2005). Cette technique est moins reproductible que la PFGE car les résultats dépendent de

la qualité de la matrice ADN utilisée, des conditions PCR et de la migration, mais elle

présente l’avantage d’être beaucoup plus simple et rapide à réaliser. La mise au point d’une

PCR multiplexe RAPD a permis d’augmenter la reproductibilité de cette méthode en

conservant un fort pouvroir discriminant (Reguant and Bordons, 2003).

AFLP

La méthode AFLP est basée sur le polymorphisme de longueur de fragments

d’amplification (Amplification Fragment Length Polymorphism). Cette méthode développée

en 1995 a été mise au point pour pallier les difficultés rencontrées lors d’amplifications

aléatoires (Vos et al., 1995). Elle a été appliquée pour la première fois pour l’espèce O. oeni

en 2008 (Cappello et al., 2008). Son protocole se résume en 3 étapes : 1/ digestion de l’ADN

génomique par des enzymes de restriction et fixation d’adaptateurs aux extrémités des sites

de restriction, 2/ amplification sélective de fragments de restriction, 3/ analyse des produits

d’amplification. La particularité de la méthode réside dans les amorces utilisées, qui

possèdent 1 à 3 nucléotides supplémentaires, ce qui permet de diminuer le nombre de

fragments amplifiés et de générer des profils comprenant de 50 à 100 fragments. Cette

technique possède un fort pouvoir discriminant au niveau des espèces et des sous-espèces

et est fréquemment utilisée pour comparer des populations bactériennes (Blears et al.,

1998). Pour O. oeni, la méthode a été développée avec 3 enzymes de restrictions et les

couples d’amorces correspondants (Cappello et al., 2008). Cette méthode n’a cependant pas

été testée en comparaison avec une autre méthode sur un même panel de souches pour

connaître réellement son pouvoir discriminant sur les souches d’O. oeni.

MLST

Un inconvénient des méthodes PFGE et RAPD est la nécessité d’utiliser des gels

d’agarose pour observer les résultats, ce qui ne facilite pas le transfert et la comparaison de

données entre laboratoires. En 2004, de las Rivas et al., mettent au point une nouvelle

méthode de typage d’O. oeni, la MLST (Multilocus Sequence Typing) qui a été développée à

l’origine pour le typage de bactéries pathogènes (Maiden et al., 1998). Le principe de cette

méthode est de séquencer plusieurs loci, dans le cas d’O. oeni des gènes de ménages, pour

obtenir une combinaison d’allèles qui sera propre à chaque souche. On utilise des gènes de

ménage pour les études de population, car ils sont supposés être stables au niveau évolutif

et sont présents chez tous les individus. Ils permettent ainsi d’étudier à la fois la diversité et

la phylogénie des souches d’une espèce. La première étude d’O. oeni à l’aide de la MLST fut

basée sur le séquençage de 4 gènes de ménage et du gène de l’enzyme malolactique et

testée sur un panel de 18 souches (de las Rivas et al., 2004). Malgré le faible nombre

d’individus analysés, les résultats ont révélé un important polymorphisme de séquence sur

les gènes de ménage (7 à 36 mutations par gène, d’une souche à l’autre) et un grand

nombre d’allèles permettant d’identifier chaque souche par un génotype distinct.

En 2009, Bilhère et al., ont proposé une amélioration de la méthode en analysant 8

gènes de ménage et ils ont analysé sur un panel de 43 souches de diverses origines

géographiques et de différents produits (Bilhère et al., 2009). Les résultats obtenus ont

révélé une grande diversité génétique intraspécifique de l’espèce et montré pour la

première fois que la population est structurée en deux groupes phylogénétiques, nommés A

et B. Ces résultats ont été confirmés par une deuxième étude de MLST basée sur 7 gènes de

ménage et 250 souches, bien que les résultats aient également révélé l’existence d’une

souche n’appartenant à aucun des groupes A et B (Bridier et al., 2010). La méthode MLST

possède un pouvoir discriminant au moins équivalent à la PFGE, et les résultats obtenus

sont facilement échangeables entre laboratoires (Bilhère et al., 2009). Cela en fait donc une

méthode de choix pour les études de diversité. Néanmoins, ses inconvénients sont un coût

relativement élevé et le temps considérable qu’il est nécessaire pour la réaliser.

MLVA

Récemment, en 2012, Claisse et al., ont mis au point une méthode basée sur le

polymorphisme du nombre de séquences répétées en tandem, MLVA (Multi-Locus Variable

Number of Tandem Repeat Analysis). Cette méthode également désignée par VNTR

(Variable Number of Tandem Repeat), se base sur la présence, sur le chromosome

bactérien, de séquences d’ADN répétées en tandem, ces séquences pouvant avoir une taille

de quelques paires de bases à quelques centaines de paires de bases. Le nombre de

répétitions de chaque séquence est variable d’une souche à l’autre. L’analyse du nombre de

répétitions de quelques une de ces séquences permet donc d’obtenir un profil numérique

propre à chaque souche. Cette méthode est aujourd’hui très utilisée pour l’étude des

bactéries pathogènes, comme M. tuberculosis ou E. coli, ou le suivi des épidémies

(Frothingham and Meeker-O’Connell, 1998; Noller et al., 2003; Malachowa et al., 2005;

Bustamante et al., 2013). La méthode développée pour O. oeni permet l’analyse de 5

séquences répétées en tandem (TR) en réalisant 5 réactions d’amplification PCR, puis une

électrophorèse capillaire. L’analyse MLVA a été testée par les auteurs sur une collection de

236 souches et s’est révélée plus discriminante que la REA-PFGE et la MLST (Claisse and

Lonvaud-Funel, 2012). Cette méthode très discriminante présente également l’avantage

d’être rapide, facile à réaliser et nettement moins coûteuse que la MLST. En 2014, les

mêmes auteurs ont publié une amélioration de la technique permettant de multiplexer les

PCR et de rendre l’analyse de taille plus précise en utilisant des amorces marquées (Claisse

and Lonvaud-Funel, 2014). Néanmoins, bien qu’elle permette de différencier très

efficacement les souches d’O. oeni, la MLVA ne permet pas de les positionner

phylogénétiquement comme il est possible de le faire avec la MLST.