4. Souches indigènes et levains malolactiques
4.3. Fermentations spontanées
Contexte
L’utilisation systématique de levains malolactiques est encore très peu répandue. De
nombreux vinificateurs font le choix de laisser les FML se dérouler avec le microbiote
indigène. Les levains malolactiques sont perçus comme des solutions curatives plutôt que
comme des outils préventifs. Les souches indigènes sont donc encore la solution la plus
souvent choisie et le développement de la production de vins biologiques ne fait que
renforcer ce choix des souches indigènes. Pour la réalisation de « vins naturels », les
viticulteurs privilégient au maximum le contrôle de la vinification par des itinéraires
techniques adaptés, d’utiliser le microbiote indigène naturellement présente et de limiter
l’utilisation d’intrants comme les levains (Messal, 2010).
Besoins de la filière viticole
Les attentes des viticulteurs qui souhaitent réaliser les FML avec le microbiote
indigène sont de deux types :
Premièrement, des attentes techniques de protocoles adaptés pour permettre, en
cas de millésimes difficiles ou de FML capricieuses, de gérer au mieux les fermentations et
de limiter l’apparition d’une flore d’altération. Différents protocoles ont déjà été adaptés et
proposés pour les FA, comme la réalisation de pieds de cuve. Pour les FML, beaucoup de
pratiques différentes existent, chaque exploitation ayant sa façon de travailler. On trouve
par exemple l’assemblage avec une cuve en fin de FML ou encore l’utilisation de lies en
différentes proportions. Un grand effort est mené par les centres techniques en partenariat
avec des exploitations et des centres de recherche, pour permettre d’étudier l’efficacité de
ces pratiques et de les optimiser.
Deuxièmement, des alternatives à l’utilisation de levains industriels. Les souches
industrielles peuvent être sélectionnées partout dans le monde et utilisées de la même
façon partout. L’idée d’utiliser des souches d’origine inconnue pour produire des vins
régionaux rebute certains vinificateurs. Avoir à disposition des souches sélectionnées dans
une région pour produire les vins de cette région pourrait être une alternative aux FML
spontanées. Cela permettrait de réaliser les fermentations avec des souches indigènes en
s’affranchissant du caractère aléatoire des FML spontanées.
L’agriculture biologique est en pleine expansion depuis plus d’une dizaine d’années,
tant en nombre de producteurs qu’en nombre de consommateurs. Avec le Grenelle de
l’environnement, l’Étatfrançais incite les agriculteurs à s’orienter vers une agriculture plus
respectueuse de l’environnement en limitant l’utilisation de produits chimiques de
synthèse. C’est dans cet esprit que de nombreux viticulteurs se sont convertis à la viticulture
biologique. Quand l’agriculture biologique est apparue, il n’y avait pas de mention pour le
vin en lui-même, on ne pouvait pas dire que le vin était biologique, mais qu’il était produit à
partir de raisins issus de l’agriculture biologique (Règlement (CE) N° 834/2007). Aujourd’hui
le « vin bio » existe, suite à une règlementation européenne des vins biologiques entrée en
application au 1 er avril 2012 (Règlement (UE) 203/2012). Elle demande aux vinificateurs,
depuis 2012, des efforts pour mettre en conformité leurs itinéraires techniques de
vinification et impose de fournir une traçabilité précise et une documentation exhaustive
sur les intrants et pratiques utilisés.
Maîtrise des risques microbiologiques. Les outils pour contrôler les risques de
dérives microbiennes sont restreints en vinification biologique. L’utilisation de produits
ayant une action antiseptique est interdite (DMDC, sorbate de potassium, lysozyme), de
même que la flash pasteurisation. Seule la filtration serrée (0,45 – 0,2 µm) et l’ajout de SO
2 à
des doses plus faibles qu’en vinification conventionnelle sont autorisés pour la stabilisation
microbiologique des vins.
Réalisation des fermentations. Pour contrôler les FA et limiter ledéveloppement de
flores indigènes qui pourraient provoquer des altérations, un apport précoce et massif de
microorganismes par le biais d’un pied de cuve, ou de levain (« Bio » si disponible) est
conseillé. Il est également possible de réaliser un apport de SO
2 avant la fermentation pour
favoriser le développement des levures Saccharomyces au détriment des
non-Saccharomyces. Comme en vinification classique, si la FML est souhaitée, elle doit être
réalisée rapidement, après la FA, pour laisser le moins de temps à d’autres microorganismes
causant des altérations de se développer. Différentes pratiques œnologiques peuvent être
mises en place au chai pour favoriser son déclenchement : le soutirage fin FA ou le maintien
de la température entre 18 et 20°C, pratiquer une désacidification si le pH est inférieur à
3,5, bâtonner les lies pour favoriser l’autolyse qui libère des nutriments pour les bactéries
lactiques ou encore utiliser une cuve en fin de FML en assemblage. Au vu de la
réglementation sur l’utilisation du SO
2, il est impossible d’empêcher totalement le
démarrage d’une FML avec un sulfitage aux doses classiques. Le sulfitage dans les limites
autorisées, des règles d’hygiène strictes, la maîtrise des températures et du pH ainsi que la
filtration sont les seuls recours pour les blancs et rosés. Quelques pratiques sont réalisables
pour la stabilisation microbiologique après la FML, comme la thermolisation ou
l’embouteillage à chaud, qui est une méthode efficace mais difficile à mettre en œuvre. La
filtration serrée est également autorisée.
Utilisation de levains. L’utilisation de LSA est autorisée à condition que la
préparation soit certifiée « Biologique ». Si des souches commerciales biologiques existent
et sont disponibles, elles doivent être préférées aux souches « non-biologiques ». En 2013,
on comptait 8 préparations de levures certifiées biologiques. Il est aussi possible d’utiliser
des LSA non issues d’OGM, ou produites à partir de matières premières biologiques (non
tolérée par certaines réglementations). Pour la FML, il possible éventuellement d’utiliser un
levain commercial de bactéries lactiques ou de procéder à une co-inoculation pour favoriser
un enchaînement rapide entre la FA et la FML. De même que pour la FA, les bactéries non
issues d’OGM sont autorisées, ainsi que celles produites à partir de matières premières
biologiques. L’utilisation de lies fraîches provenant d’un lot de vin produit en respect de
chartre « vins biologiques» est également possible.
Figure 8. Localisation géographique des sites de prélèvements en France a) et au Liban b).
Aquitaine
Val de Loire
Bretagne
Languedoc Roussillon
Batroun
Ainata
Chouf
Bourgogne
a) b)