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Les différentes méthodes de créativité

Considérée comme l’étincelle de l’innovation, la créativité est une phase importante et le point d’entrée du processus d’innovation. Les méthodes de créativité étant plurielles, elles peuvent, dans la pratique, être mixées par les entreprises.

Lors de notre revue de la littérature, nous avons remarqué que les recherches se sont focalisées sur les premières phases du processus d’innovation et non pas sur son intégralité (Borjesson et al, 2006 ; Byrne et al, 2009). Appelées « the Fuzzy Front End », ces premières phases incluent (Christiansen et Gasparin, 2016) :

1. L’identification préliminaire d’opportunité, la génération d’idées, l’analyse du marché et des technologies et l’alignement avec le produit ;

2. La construction du concept du produit ; 3. La faisabilité et la planification de projet.

La « Fuzzy Front End » est considérée comme complète et terminée lorsque la décision de financer et lancer le développement de l’innovation est prise ou pas. Christiansen et Gasparin (2016) précisent que la « Fuzzy Front End » dure jusqu’à la validation d’un prototype.

Parce que la créativité est essentielle dans les processus d’innovation et que ces phases ont été étudiées par la littérature liant la veille et l’innovation, nous proposons de cartographier les méthodes de créativité.

Plusieurs méthodes peuvent être mobilisées pour stimuler la créativité : le brainstorming ; la gamification avec les Serious Games ; la théorie C-K ; la méthode TRIZ ; le Design Thinking (Tableau 3).

Le Brainstorming. Agogué et al (2015.a), Osborn (1952.a, 1952.b, 1953)

Description

Le brainstorming est peut-être la méthode de créativité la plus utilisée par les équipes d’innovation du fait de son apparente facilité. Développée par Osborn dans les années 50, cette méthode consiste en un ensemble de règles qu’un animateur utilise pour stimuler des mécanismes de créativité. L’objectif est de générer un maximum d’idées en libérant les membres de l’équipe de quelconques critiques et jugements. Les règles sont les suivantes :

- Ne pas critique les idées proposées

- Chercher à générer une grande quantité d’idées.

- Retenir les idées inhabituelles, originales.

- Rebondir sur les idées pour en générer de nouvelles.

Avantages Apparente facilité d’application ; Génération d’un grand volume d’idées ; Méthode accessible à tous dans l’entreprise.

Inconvénients

Les membres de l’équipe peuvent se sentir jugés malgré la 1ère règle ; Ils peuvent se sentir stressés par une éventuelle évaluation de leurs idées ; Génération d’idées peu originales.

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La gamification - Les Serious Game. Agogué et al (2015.b).

Description

Agogué et al (2015.b) ont montré que les Serious Games peuvent être efficaces pour la génération d’idées.

Ce sont de bons outils pour gérer les connaissances hétérogènes et divergentes durant l’idéation. Ayant des rôles à jouer, les participants doivent apprendre rapidement à gérer les ressources de leurs rôles et à soutenir l’implication de chaque participant à susciter et partager des connaissances originales. L’immersion mène les participants à prendre conscience de l’importance d’une connaissance qu’ils estimaient peu importante auparavant.

Avantages Meilleure compréhension des problèmes ; Emergence d’idées et de connaissances.

Inconvénients Pas d’interaction en temps réel ; Les « joueurs » peuvent se cantonner à leur rôle ;

Déception des « joueurs » qui ne s’attendent pas à être challengés.

La théorie C-K. Hatchuel et Weil (2002), Hatchuel et Weil (2003), Le Masson et al (2006), Le Masson et McMahon (2016).

Description

La théorie C-K est une théorie sur la conception innovante de produits ou services innovants. Cette théorie vise à présenter une approche unifiée de la conception permettant de fournir un cadre théorique intégrant l’ensemble des activités de conception (activités réglées et activité innovante).

Deux espaces composent cette théorie. Le premier est l’espace des connaissances soit l’espace K. Il est défini comme un ensemble de propositions ayant un statut logique. Cet espace décrit tous les objets et les vérités, en d’autres termes les connaissances établies. L’espace –K est extensible au fur et à mesure de nouveaux faits et vérités. Le second espace est celui des concepts, soit l’espace-C, défini comme une proposition sans statut logique. Un concept comporte une part d’inconnu, de non défini. Les concepts sont les points de départ nécessaires à un processus de conception innovante. Sans concept, la conception est réduite à l’optimisation de l’existant et à la résolution de problèmes.

Dans la théorie C-K, le processus s’articule autour d’un va et vient entre l’espace C et l’espace K, une transformation des concepts en connaissance et inversement. Il y a donc une expansion progressive des deux espaces par un enrichissement mutuel. La théorie C-K permet de formaliser l’émergence de nouveaux concepts en même temps que le développement de nouvelles connaissances.

Avantages Analyse facilitée grâce aux distinctions des espaces C et K ; Génération d’idée

innovante.

Inconvénients Utilisation complexe ; Difficulté à arrêter le processus de va et vient entre les deux

espaces et ainsi de tendre vers une expansion illimitée des espaces.

La méthode TRIZ. Gadd (2011), Ilevbare et al (2013), Cavallucci (2015).

Description

Développée par Altchuller et l’UTRC (United Technologies Research Center) fin des années 90, TRIZ est une méthode fournissant une approche systématique permettant d’identifier des solutions à un problème technique (Ilevbare et al, 2013). Dans un premier temps, elle permet d’identifier un problème, puis dans un second temps offre différentes solutions (Gadd, 2011). Le problème est décomposé en sous-problème ou transformé en concept. Le format conceptuel du problème peut alors rencontrer une solution conceptuelle. Cette dernière pourra être adaptée pour répondre de manière adéquate au problème (Ilevbare al, 2013).

Avantages Meilleure approche des problèmes ; Génération rapide d’idées.

Inconvénients

Rigidité ;

Difficulté de mise en place ;

Difficulté de compréhension de la méthode du fait de sa complexité (TRIZ rassemble une base de connaissances très développée de 40 principes inventifs, 9 lois, 76 standards inventifs…) ;

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Tableau 3 : Les différentes méthodes de créativité.

Nous avons fait le choix de cartographier le Design Thinking avec les méthodes de créativité plutôt qu’avec les processus d’innovation. Nous savons que le Design thinking est plus qu’une méthode de créativité mais ce n’est pas un processus accompagnant le développement d’une innovation jusque son lancement comme les autres processus d’innovation le font. En revanche, le Design Thinking accompagne le développement d’une innovation jusqu’au développement de prototype. Selon la définition de « Fuzzy Front End » de Christiansen et Gasparin (2016), le Design Thinking en fait partie.

Les méthodes de créativité présentées se basent sur des fondements différents. Alors que le Design Thinking se concentre sur l’utilisateur, la méthode TRIZ se concentre sur l’identification de caractéristiques techniques. Les méthodes comme le brainstorming et la gamification amènent l’équipe innovation à réfléchir et à faire émerger des idées sur la base de leurs connaissances alors que la méthode C-K pousse les équipes innovation à aller explorer de nouvelles connaissances visant à développer de nouveaux concepts.

Le Design Thinking. Faste (1987), Brown (2008), Johansson‐Sköldberg et al (2013)

Description

Le Design Thinking adopte une logique « user centric » puisqu’il est défini par Brown (2008) comme une méthode s’imprégnant de tout le spectre des activités d’innovation centré sur l’humain. L’innovation est ici impulsée par la compréhension, l’observation directe de ce que les gens veulent, de ce dont ils ont besoin, ce qu’ils aiment ou n’aiment pas à propos de certains produits existants, la façon dont ils sont faits, emballés, marketés, vendus ou supportés.

Le Design Thinking fut développé par Rolf Faste, Professeur de l’Université de Stanford à travers son article « Perceiving needs » (1987). Faste (1987) explique alors que le besoin est un « manque perçu » et donc que la vue/le regard est important pour reconnaître un besoin. Un besoin peut être perçu, soit par la personne elle-même, c’est un “Needer”, soit par une personne observant un ou des utilisateurs, les « Needfinder ». C’est en regardant, en observant que ces derniers sont capables d’identifier un besoin. Faste ajoute que les Needfinders doivent avoir de l’empathie pour comprendre les personnes.

Le terme de Design thinking est né dans les années 90. David Kelley, collègue de Rolf Faste crée le cabinet de design Ideo et donne le nom de Design Thinking à ce processus plaçant l’utilisateur au centre.

Le processus est composé de 5 phases : l’empathie, la définition du problème, l’idéation, le prototypage, les tests.

La première phase consiste en l’observation de situations et d’usages. Pour ce faire, Il est nécessaire d’éprouver une grande empathie envers l’utilisateur afin de comprendre ses besoins transformables en problème.

La deuxième phase consiste à définir le problème pour ensuite imaginer une solution au problème, c’est l’idéation (3ième phase). C’est dans cette phase que sont mobilisées les méthodes de créativité.

La quatrième phase a pour but de créer rapidement un prototype du produit imaginé et répondant au problème. Le prototypage rapide permet de rendre compte des éventuels problèmes de conception qui n’ont pas été anticipés jusqu’alors. C’est également un moyen de modifier le produit dès le début. Le prototype est testé auprès d’utilisateurs pour l’améliorer (5ième phase).

Avantages Le développement d’innovation en corrélation avec les besoins des consommateurs.

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Ces différences et spécificités nous laissent penser que les méthodes de créativité pourraient être mixées au sein des entreprises. On pourrait imaginer une entreprise qui commence sa phase de créativité par une séance de brainstorming pour laisser émerger des idées depuis leurs connaissances, puis continuer en mobilisant la théorie C-K et finalement adopter une posture de Design Thinking en réalisant des prototypages rapides.

Certaines de ces méthodes montrent également qu’un recours à la veille pourrait être imaginé. En effet, une activité de veille pourrait se montrer pertinente en amont d’une séance de brainstorming afin d’explorer l’environnement et d’apporter des embryons d’idées. Une activité de veille serait également intéressante dans le cadre de la théorie C-K car elle peut l’alimenter en connaissances. La veille vient aussi soutenir la construction de la base de connaissances des membres novices de l’équipe innovation et la validation de connaissances existantes des membres experts (Caron-Fasan et al, 2017). Enfin, une veille orientée sur les usages pourrait alimenter la phase d’observation du Design Thinking.

Nous proposons maintenant de faire une revue de la littérature sur les prises de décision au cours du processus d’innovation.