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Méthodes d’évaluation En l‟absence d‟un marché organisé permettant de connaître la valeur des titres non cotés, l‟évaluation des droits sociaux découle automatiquement de celle

a) Les clauses de sortie prioritaire

73. Méthodes d’évaluation En l‟absence d‟un marché organisé permettant de connaître la valeur des titres non cotés, l‟évaluation des droits sociaux découle automatiquement de celle

de l‟entreprise. En principe, le prix qui rémunère la sortie de l‟associé minoritaire dans le contrat de cession doit représenter véritablement la valeur de ses droits sociaux. L‟analyse de la jurisprudence permet de constater que plusieurs méthodes d‟évaluation ont été mises au point, afin de fixer une valeur réelle des titres très proche de celle de l‟entreprise. Les experts prennent ainsi en compte trois valeurs : la valeur mathématique fondée sur la valeur des biens de la société non cotée, la valeur de rendement basée sur l‟efficacité économique de la société,

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Cf, propos du ministre en charge de la justice en 1974 : « le législateur a laissé le soin de fixer les méthodes d‟évaluation aux professionnels dont il a cherché a renforcer la compétence et l‟indépendance. (…) il paraît difficile de fixer la dans la loi des règles trop rigides et des méthodes uniformes d‟évaluation qui seraient, dans certains cas, difficiles à appliquer ou qui pourraient aller à l‟encontre du but de protection recherché ». J.O Ass.nat. 18 mai 1974, JCP 1974, IV, 437

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A. PAVIE, O. ROOY, J-P. LAGARRIGUE, « l‟évaluation des titres de participations », Librairies Techniques, Litec, 1978.

et la valeur de comparaison qui prend en compte les précédentes cessions des titres déjà réalisées par la société.

La première méthode fondée sur la valeur des biens de la société est la principale méthode employée. Elle est basée sur le bilan et prend en compte tous les biens de l‟entreprise à savoir ses biens mobiliers et immobiliers, ses droits et obligations. Encore appelée « méthode patrimoniale », elle se calcule à partir du montant de l‟actif net actualisé. Celui-ci s‟obtient par la somme des valeurs vénales des différents éléments de l‟actif diminué de la somme des éléments du passif réel (les dettes à long, moyen et court terme). La valeur réelle de l‟actif net équivaut donc à la valeur des droits sociaux.

La seconde méthode prenant en compte les résultats de la société remet quelque peu en question la méthode fondée sur la valeur patrimoniale de l‟entreprise. Elle prend seulement en considération le résultat économique et prévisionnel de l‟entreprise. Elle s‟obtient en établissant la moyenne des dividendes versés au cours des deux ou cinq années écoulées, à laquelle on ajoute un taux de capitalisation variable selon l‟activité de la société. Cette méthode aboutit généralement à un résultat différend de la méthode fondée sur la valeur mathématique. Les auteurs favorables à l‟application de cette méthode pensent que la valeur nominale « n‟est qu‟une valeur faciale différente de la valeur réelle »192.

La troisième méthode fondée sur la comparaison est appliquée par certains experts. Ils se fondent sur le prix déterminé dans le cadre des cessions antérieures, en prenant soin de vérifier que la valeur patrimoniale de l‟entreprise n‟a pas changée.

D‟une manière générale, le juge fait droit à chacune de ces méthodes, à condition toutefois qu‟elle ne soit pas frauduleuses et que le prix ne soit pas soumis à l‟influence d‟une partie. Par exemple, il est nécessaire que la méthode d‟évaluation ne soit pas « absurde » comme il ressort d‟un jugement du Tribunal de commerce de la Seine rendu le 8 juin 1960 : « si la formule que [l‟estimateur] a appliqué aux faits de la cause pour calculer la valeur de la société ne peut permettre de déterminer une valeur exacte (…) étant donné la caractère relatif et aléatoire de toute évaluation d‟un bien, il suffit (…) de constater qu‟elle n‟est pas absurde (…)193

. De plus, il contrôle que les éléments de calcul qui sont liés à ces méthodes soient particulièrement précis et établis au jour de la formation du contrat de cession. Ainsi, le prix

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Obs. J.J DAIGRE, notre sous Cass 1ère civ., 20 déc. 2007 préc. 193

Trib. Com Seine, 8 juin 1960,RJ com 1961, p. 55 ; RTD com 1961, p. 636 , obs. R. HOUIN ; CA, Rennes, 9 déc. 1974, Rév. sociétés 1976, p. 84, note D. RANDOUX

ne doit pas être déterminé en fonction d‟une situation comptable à venir et établie par une des parties et qui serait susceptible de donner lieu à discussion.

Dans un arrêt du 23 janvier 1990194, les parties avaient entendu se référer à une situation comptable établie par elles-mêmes et posant des difficultés d‟évaluation pour certains éléments comme le solde du compte courant, les marchandises dépréciées ou les créances douteuses. Elles ne parvinrent pas à se mettre d‟accord ni sur l‟établissement de la situation comptable, ni sur la désignation d‟un expert. Pour la cour de cassation, « il n‟est pas nécessaire que le montant soit fixé (…) d‟une manière absolue. Il suffit que le prix soit déterminé (…) par voie de relation avec des éléments qui ne dépendent pas de la volonté ni de l‟une, ni l‟autre des parties »195

.

Au regard de la jurisprudence, on constate que le juge est resté très prudent vis-à-vis de certaines de ces méthodes. Par crainte d‟un risque de déséquilibre due à une asymétrie informationnelle, les tribunaux sont de façon générale, hostiles aux clauses prévoyant que le prix de base sera calculé à partir du dernier bilan et corrigé en fonction de la situation comptable réelle établie à la date de la vente.

Le juge exclut même la détermination du prix en fonction de la valeur nominale des droits sociaux. Dans l‟arrêt du 20 décembre 2007, il a été retenu que « la valeur nominale de la part sociale n‟est qu‟une valeur faciale qui peut être essentiellement différente de la valeur réelle »196.

De même dans l‟arrêt du 4 décembre 2007, l‟article 12 des statuts de la société civile prévoyait que « Chaque année, la valeur nominale des parts serait déterminée par expert et qu‟à défaut de contrepartie d‟achat des parts d‟un associé sortant, la société (…) s‟engageait à les racheter à un prix calculé sur la base d‟un certain taux appliqué au montant nominal »197

. L‟associé-salarié avait contesté ces conditions d‟évaluation et proposé une contre offre à un certain montant, que la Cour d‟appel de Versailles avait rejeté. Celle-ci considérait que, l‟associé-salarié se trouvant exclu en application des dispositions statutaires, il y avait lieu de

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Cass. com 23 janvier 1990, BRDA n° 4, p. 19 ; Bull. Joly 1990, p. 275 ; RTD. civ 1990, p. 471. 195

Cass. civ, 15 novembre 1968, Bull. civ. III, n° 477, p. 363 196

Obs. F-X LUCAS, note sous Cass 1ère civ., 20 déc. 2007, Bull. Joly 2008, p. 216 197

Cette rédaction est surprenante, surtout quand on sait que la valeur nominale d‟une action ou d‟une part sociale n‟est autre que la valeur initialement fixée dans les statuts, lors de l‟entrée de l‟associé dans la société.

s‟en tenir à cette évaluation, « ces règles statutaires [l‟emportant] sur l‟article 1843-4 du Code civil ». Cet arrêt est cassé car la Cour d‟appel n‟a pas pu interpréter le dispositif de fixation du prix des parts selon qu‟il s‟appliquait à associé retrayant sur le fondement de l‟article 1869 du code civil, ou à un associé éliminé, ce qui aurait remis en cause l‟application de l‟article 1843-4 du Code civil, car le prix contractuellement fixé aurait seul eu vocation à être retenu198.

Le juge a aussi manifesté son hostilité à la prise en compte de la seule méthode mathématique. Dans un arrêt du 9 décembre 1974, la cour d‟appel de Rennes a estimé que, «de toutes les méthodes d‟évaluation des parts sociales pratiquées, l‟évaluation mathématique résultant de la combinaison entre l‟actif et le passif est celle qui comporte la plus grande part d‟arbitraire »199

.

Et la majorité de la doctrine approuve cette opinion. Monsieur Vasseur précisément qui pense « qu‟il n‟est pas possible de se fier au bilan pour déterminer la véritable valeur de l‟entreprise »200

.

La jurisprudence paraît exclure aussi les éléments qui n‟auraient pas un caractère « précis et objectif » et qui seraient entachés d‟incertitude en raison de leur caractère « hypothétique »201. Il en est de même des autres critères comme la rentabilité, le bénéfice ou la capacité financière202.

De même, la méthode d‟évaluation ne doit pas avoir été choisie par préférence à une autre ou en vue d‟obtenir un résultat déterminé, dans un but de tromperie. Dans un arrêt rendu le 25 février 1974203, la délibération de l‟assemblée générale extraordinaire était contestée au motif que le taux de conversion utilisé par l‟expert avait été fixé uniquement dans le but de favoriser

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Pour plus de précisions sur les conditions d‟acquisition de la qualité d‟associé par un salarié et sur la distinction entre l‟élimination, l‟exclusion et le retrait, voir : CA Poitiers, 12 nov. 2002, Dr. sociétés, 2003, comm. n° 107, obs. H. HOVASSE ; CA Paris, 12 avril 1996, Rev. sociétés, 1996 , p. 596, obs. Y. GUYON ; Cass. com 8 mars 2005, Bull. Joly sociétés 2005, p. 995, § 237, note P. LE CANNU

199

Rennes, 1ère ch. 9 déc. 1974, D. 1975, somm. p. 124 ; Rev. sociétés 1976, p. 88, note D. RANDOUX 200

M. VASSEUR, « L‟estimation de la valeur des entreprises et le droit commercial », RTD com, 1963, n° 8, p. 228.

201

CA Paris, 3 mai 1975, Gaz. Pal. 1976, II, p. 8 et s, JCP 1977, II, 18523, note Y. GUYON, Rev. sociétés 1977, p. 296 et s, note B.BOULOC

202

Selon T. LAMBERT, ces résultats peuvent être modifiés à la baisse en augmentant les provisions pour risque, sans que la société subisse un quelconque appauvrissement. T. LAMBERT, « Le prix dans la cession des droits sociaux » Thèse Nancy 1991

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les intérêts de la majorité au détriment des associés minoritaires. Mais, la Cour de cassation, soutenant les juges d‟appel, avait répondu que la fraude ne pouvait être invoquée que « si les dirigeants de la société avaient circonvenu l‟expert et obtenu de lui qu‟il fixe la conversion au taux auquel ils désiraient le voir porter dans leur seul intérêt, ou s‟ils avaient délibérément trompé l‟expert en mettant à sa disposition des renseignements faux ou insuffisants en vue d‟orienter ses conclusions dans le sens souhaité, ou si l‟expert [avait ] commis une erreur d‟appréciation (…) tellement grossière qu‟ils ne pouvaient ne pas la relever (…) »204

.

Toutes ces « pratiques comptables hétérodoxes »205 participent au développement au développement du contentieux en cette matière et des difficultés que l‟associé minoritaire est susceptible de rencontrer.

Contrairement aux sociétés cotées, l‟évaluation dans le cadre des sociétés cotées est basée sur les conditions du marché.

B)

Une évaluation aux conditions du marché dans les sociétés cotées

74.

P

récisions. Dans le cadre des sociétés cotées, c‟est l‟offrant ou l‟initiateur qui fixe le prix des offres publiques, mais en fonction du marché. C‟est le marché, en tant que mécanisme d‟échange et d‟évaluation interne et externe de la société qui joue le rôle de régulateur dans les rapports entre les minoritaires et les autres membres du groupe. En tant aussi que mécanisme objectif et permanent d‟évaluation de la société et d‟échange des titres, il va permettre d‟équilibrer et de protéger les actionnaires minoritaires. Ici, c‟est le cours de bourse qui sert d‟élément d‟évaluation.

En effet, lorsqu‟une cession d‟actions passe par le marché boursier, le cours de bourse est soit la référence, soit le prix même de la cession. L‟article L. 228-25 alinéa 3 du Code de commerce206 disposait précisément que « (…) la somme versée à l‟acquéreur non agréé ne peut être inférieure à celle qui résulte du cours de bourse au jour du refus d‟agrément (…) », dérogeant ainsi à la solution de droit commun applicable aux sociétés non cotées qui prévoyait conformément à l‟article L. 225-24 du Code de commerce qu‟ « à défaut d‟accord

204

Com. 25 février 1974 précité. 205

Civ. 2ème, 8 avril 1999, note A. VIANDIER 206

entre les parties, le prix des actions est déterminé dans les conditions prévues à l‟article 1843- 4 du Code civil ».

Lorsque l‟évaluation a un rapport avec le cours de bourse, celui-ci est soit la référence, soit le prix même de la transaction. Le cours de bourse a pour caractéristique d‟intégrer l‟ensemble de l‟information disponible dans le marché, afin que l‟associé minoritaire puisse saisir, à tout moment les opportunités qui s‟offrent à lui. Selon M. De NAYER, le cours de bourse doit permettre « (…) l‟établissement du prix d‟équilibre, (…) et qu‟ainsi, chaque acheteur et chaque vendeur sont assurés de bénéficier du meilleur prix »207. La logique du modèle du marché est qu‟en confrontant l‟offre et la demande, on permet l‟établissement d‟un prix d‟équilibre.

75. Méthode multicritères. Contrairement à l‟imprécision existant dans le cadre des sociétés

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