• Aucun résultat trouvé

L‘intérêt social, élément indispensable

b) L’équilibre contestable des clauses de garantie

C ONCLUSION CHAPITRE

A) Les partisans de la thèse contractualiste

1) L‘intérêt social, élément indispensable

138. L‟intérêt social est un élément indispensable car il permet de justifier le droit d‟agrément reconnu à la société. La clause d‟agrément rompt en quelque sorte le principe de libre cessibilité des actions. Son intérêt est précisément de pouvoir la faire jouer chaque fois qu‟il y a risque d‟atteinte à l‟intérêt de la société. Comme le fait remarquer Monsieur Guyon, « contrairement aux apparences, l‟étendue de la liberté dont jouit l‟associé ne dépend pas du caractère cessible ou négociables de ces droits. Il y a des parts sociales librement cessibles et des actions dont la négociabilité est soumise à des autorisations » 402 .

En fait, le droit d‟agrément a été instauré pour éviter soit l‟entrée dans la société de personnes indésirables, soit le transfert du contrôle de la société. L‟exemple le plus topique est fourni par les sociétés de personnes en particulier dans les sociétés à caractère familial ou quasi familial où l‟intérêt social assure à une personne ou un groupe de personnes le contrôle des modalités concrètes de réalisation de l‟objet social et celui des décisions relatives à la gestion de la société, donnant ainsi tout son sens à l‟affectio societatis.

402

Y. GUYON, « Traité des contrats, les sociétés, aménagements statutaires et conventions entre associés », préc. n° 52, p. 91

Le droit d‟agrément existe aussi dans les sociétés en nom collectif403

ou dans les sociétés de type « hybride »404 comme la Sarl où la personnalité des associés compte plus que les capitaux apportés, dans les sociétés de presse par actions, dans les sociétés d‟exercice libéral à forme anonyme405 et même dans les sociétés de commissaires aux comptes406ou d‟experts- comptables407. Le législateur oblige ainsi le cédant à informer la société sur les conditions de la cession qu‟il envisage. L‟exigence d‟un agrément dans ces quatre derniers cas se comprend si l‟on admet que la liberté de la presse, le respect des convictions et l‟exercice en commun de la même profession libérale touchent à un ordre public politique, sociologique, politique et économique. La clause d‟agrément insérée dans les statuts permet ainsi d‟empêcher que la cession ne se réalise au profit d‟un cessionnaire qui n‟aurait pas la même vision sociétaire ou les mêmes intentions que les associés déjà en place.

139. Dans les sociétés cotées, la présence d‟une clause d‟agrément dans les statuts d‟une société constitue un excellent moyen préventif de défense contre les tentatives de déstabilisation. L‟exemple des offres publiques d‟achat inamicales408

est assez disert sur la question. Celles-ci peuvent permettre des concentrations abusives et, si le dispositif de protection n‟est pas mis en place, elles risquent de faire de l‟entreprise attaquée une proie rêvée des entreprises étrangères. Aussi, une offre publique peut nuire à la bonne marche de l‟entreprise menacée, en la contraignant à renoncer à sa politique de gestion conçue sur le long terme pour satisfaire des besoins immédiats de certains actionnaires, ou à s‟endetter considérablement ou à vendre ses actifs les plus précieux. L‟existence d‟une clause d‟agrément aura ainsi pour fonction de prémunir la société contre les attaques d‟une société concurrente ou d‟un individu409

dont l'unique dessein est de piller son savoir faire ou d‟effectuer un rapprochement stratégique.

En effet, nombreuses sont les cessions des droits sociaux des minoritaires qui constituent des rapprochements stratégiques. D‟où l‟inquiétude de certains associés majoritaires qui, en raison de l‟absence de marché de participations minoritaires et du manque de liquidité des titres des minoritaires, exigent qu‟un acquéreur potentiel venu investir dans ces conditions

403

M. COZIAN, A. VIANDIER et F. DEBOISSY, « Droit des sociétés » Litec, 14ème éd. 2001 404

G. RIPERT, et R. ROBLOT, « Traité de droit commercial », tome 1, 17ème éd. n° 1166, p. 914 405

Loi n° 90-1258, du 31 déc. 1990, art. 10 al. 2 406

Article L. 225-218, denier alinéa. 407

Article 7-I-4 de l‟Ord. N° 45-2138, du 19 sept. 1945, portant institution des experts comptables et règlementant le titre de la profession d‟expert-comptable.

408

R. VATINET, « Les défenses anti OPA », Rev. sociétés 1987. 539 ; W.L et D. CARREAU, « Les moyens de défense à l‟encontre des offres publiques d‟achat inamicales en France », D. 1988. Chron. 15

409

présente « patte blanche ». Il est des raisons de s‟inquiéter. Une fois intégré à la société, l'acquéreur « prédateur » dispose d'un droit de vote qui lui permet de participer aux décisions et d'exercer son droit de contrôle sur les dirigeants410 et de racheter plus facilement les participations des autres associés. D‟ailleurs, le juge n‟hésite pas à retenir la fraude lorsque la cession des titres d‟un associé minoritaire est plus ou moins susceptible de transférer le contrôle de la société à un actionnaire ou un groupe d‟actionnaires autres que les associés majoritaires en présence. Dans l‟affaire Rivoire et Carret Lustucru411, la Cour d‟appel de Rouen a admis la licéité de la clause statuaire qui donnait au conseil d‟administration un droit d‟agrément et un droit de préemption « à l‟encontre de toute société-actionnaire dans laquelle interviendrait des modifications (…) susceptibles d‟amener une prise de contrôle de ladite société par un groupe de personnes qui ne seraient pas susceptibles d‟être agréées en tant que cessionnaires des actions ». La validité de cette clause a permis ainsi aux majoritaires de protéger contre les attaques des concurrents capables de stériliser son objet social.

Mais face à l‟argument selon lequel la cession de contrôle serait constitutive d‟un abus de droit, la Cour de cassation a répondu dans les affaires Saupiquet –Cassegrain412 et Castillon du Perron413 que « la prise de contrôle n‟est pas en soi contraire à l‟intérêt social, puisque par hypothèse les cédants étaient majoritaires ». Dans cette appréciation, c‟est le but de l‟opération qui a été considéré. Ainsi, puisque les cédants étaient des majoritaires, le juge a estimé qu‟il n‟y aurait pas de changement majeur ni à la tête de la société, ni dans sa gestion. La référence à l‟intérêt social pour maintenir la société dans sa gestion d‟origine paraît bien fondée. Mais d‟autres arguments ont été présentés et permettent d‟avoir une toute autre appréciation.

410

Le droit de vote étant attaché aux titres sociaux, le cessionnaire possède autant de voix que d‟actions. 411

Cass. com 27 juin 1989, Bull. Joly 1989, n° 293, note P. LE CANNU, CA Rouen, 8 fév. 1974, Rev. soc. 1974, p. 507, note R. RODIERE

412

Aff. Saupiquet Cassegrain 413

Outline

Documents relatifs