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Le droit de céder et le droit de propriété de l’associé minoritaire

DIFFICILE ET CONTRAIGNANTE

A) Le droit de céder et le droit de propriété de l’associé minoritaire

L‟associé minoritaire est il propriétaire (2) de ses titres et partant le droit de les céder (1) ?

1)

Le droit de céder de l’associé minoritaire

97. Les lois et règlements permettent d‟appréhender l‟actionnaire minoritaire dans sa dimension de titulaire de droits individuels dont la plupart sont en cours d‟évolution. Il a été ainsi précisé qu‟en contrepartie de leurs apports, tout associé bénéficie dans ses rapports avec la société, de certains droits parmi lesquels le droit de voter aux assemblées générales, le droit aux bénéfices et aux réserves, le droit de faire partie de la société et à contrario de ne pas en être exclu, et, parallèlement à celui-ci, le droit de céder. Détenteur de titres sociaux, l‟associé minoritaire a un droit de propriété classique sur les parts sociales ou actions278 dont il dispose. Ce qui lui confère la qualité d‟associé. Celle-ci lui donne à son tour, un droit de céder reconnu à la fois par les textes du code civil et par des dispositions particulières visant certains types de sociétés. Ce droit lui est constitutionnellement reconnu. Ainsi, l‟associé minoritaire candidat au départ « peut choisir d‟être remplacé au sein de la société ou de ne pas l‟être, en optant pour une cession de parts279 ou un simple rachat de parts par la société »280.

278

Ces deux éléments, qualité d‟associé et droit de propriété, sont le plus souvent dans le prolongement de l‟un et l‟autre Inversement, la propriété des droits sociaux confère certains droits qui relèvent de la condition d‟associé.

279

A un tiers ou à un coassocié 280

Cependant, selon une partie de la doctrine, « il faut (…) distinguer les droits exercés par l‟actionnaire sur son titre, qui sont des droits réels de propriété et le droits attachés au titre, qui sont des droits personnels exercés contre la société »281. Le droit de céder rentrerait donc dans la première catégorie et pas dans la seconde. Contrairement à elle, une autre partie représentée par Ripert pense qu‟à la liberté individuelle de l‟associé, correspondent certains droits282, ces droits que Ripert avait appelé« cette partie intangible à laquelle le groupement ne pourra porter atteinte »283. A l‟origine de ce droit, le droit de propriété. Positivement, le droit de céder, c‟est le droit de vendre librement son bien, et, négativement, le droit de le conserver et de ne pas être forcé de le vendre. Les auteurs favorables à la reconnaissance du droit de céder comme un droit personnel s‟opposent à ce qu‟un associé puisse être mis à l‟écart de la société sans son consentement, dans la mesure où l‟associé doit être considéré comme propriétaire de ses droits sociaux et ne peut être exproprié. A l‟appui de l‟impossibilité d‟exclusion d‟un associé, plusieurs principes juridiques dont notamment le principe d‟égalité entre associés284

. Ce droit à ne pas être exclu résulterait aussi de la qualification du contrat de société comme un contrat285 et non une institution. De là, le fait pour un minoritaire de quitter la société n‟est qu‟une simple application du principe selon lequel un engagement à durée indéterminée est résiliable à tout moment. Encore faut-il distinguer entre le droit de sortie et le droit de retrait.

Malgré ces arguments, une autre tendance de cette seconde partie la doctrine semble s‟écarter, pensant que ce n‟est pas pour autant que la liberté de céder devrait être absolue. Des limites ou des restrictions doivent lui être imposées. Cette controverse s‟est portée ensuite sur la propriété des droits sociaux

2)

Le droit de propriété de l’associé minoritaire

98. Le droit de propriété est l‟expression de la liberté individuelle. C‟est un droit fondamental, qui figure parmi les droits de l‟homme. Valeur essentielle de notre société, il permet de protéger les valeurs essentielles comme la liberté et l‟égalité. Il a une valeur supra

281

Y. GUYON, « Aménagements statutaires et conventions entre associés », p. 795, § 748 282

Il s‟agit notamment du droit de céder, de demeurer actionnaire, d‟être informé, de ne pas être exclu sans indemnisation etc…

283

G. RIPERT « La loi de la majorité dans le droit privé ». Mélanges dédiés au Professeur SUGIYAMA, 1940, p. 358

284

Qui commande l‟absence de tout pouvoir disciplinaire entre associés 285

Y. Guyon. « Aménagements statutaires et conventions entre associés », 1993, éd. LGDJ, n° 49. Selon cet auteur, par principe, une convention ne peut être révoquée, rompue ou altérée que par le consentement mutule de tous ceux qui y ont pris part, au sens de l‟article 1134 du Code civil.

législative286. Pour Monsieur Zenati, le droit de propriété est une émanation de la personnalité, une prérogative attachée au sujet287. Avoir un droit de propriété sur un bien, c‟est avoir la condition ou le statut de propriétaire. Selon Monsieur Atias, « la propriété n‟est pas seulement un pouvoir, c‟est une certaine position donnée aux personnes (…). Etre propriétaire, c‟est être en condition d‟agir d‟une certaine façon »288

.

L‟article 544 du code civil prévoit que « la propriété est le droit de jouir et de disposer des choses de la manière absolue, pourvu qu‟on en fasse pas un usage prohibé par les lois et les règlements ». Droit subjectif, réel et spécifique, le droit de propriété de l‟associé se manifeste de façon la plus éclatante à travers le droit de disposer. La reconnaissance du droit de propriété de l‟associé ne s‟est pas fait d‟une façon aussi logique. Des controverses se sont élevées, certains auteurs ne lui reconnaissant pas la qualité de propriétaire des droits sociaux. Ainsi, selon Ginossar289, la propriété échappe à la distinction classique des droits réels et des droits personnels et se définit comme « la relation par laquelle une chose appartient à une personne ». Par conséquent, tout bien, qu‟il soit corporel ou incorporel est susceptible de faire l‟objet d‟un droit de propriété. Cette conception, poursuivie par Monsieur Zenati290

, sera consacrée par la jurisprudence du conseil constitutionnel sur les nationalisations291 et par le Décret du 3 août 1994 portant diverses dispositions d‟ordre économique et financier292

. Dès lors, l‟action, plus généralement le droit social, représentant la créance293

de l‟associé sur la société peut faire l‟objet d‟un droit de propriété. Nombre d‟auteurs en droit des sociétés considèrent que l‟associé est propriétaire de ses actions, nonobstant le caractère incorporel de celle-ci. C‟est donc dans cet esprit que, à la question de savoir si un associé ayant formulé une demande en dissolution de la société pouvait être exclu, une partie des tribunaux a répond

286

Le droit de propriété est un droit de valeur constitutionnelle, protégé par la convention Européenne de sauvegarde des droits de l‟homme. Voir Cons. Const. 16 janvier 1982, D. 1983. 169, note L. Hammon; JCP 1982. II. 19788, note Nguyen Quoc Vinh, et C. Franck

287

F. ZENATI, « Essai sur la nature juridique de la propriété. Contribution à la théorie du droit subjectif », Thèse de Lyon, 1981, n°544, p. 744

288

ATIAS « Droit de propriété ou condition du propriétaire », AJDI 1996, p. 12 289

S. GINOSSAR, « Droit réel, propriété et créance. Elaboration d‟un système rationnel des droits patrimoniaux » LGDJ, 1960

290

F. ZENATI, « Sur la constitution de la propriété », D. 1985, chron., p. 171 ; « pour une rénovation de la théorie de la propriété », RTD. civ. 1993, p. 306.

291

Déc. N° 81-132 DC du 16 janv. 1982, Nationalisation, « les grandes décisions du Conseil constitutionnel », n° 31, p. 444, note L. Favoreu et L. Philip ; Les grands arrêts de la jurisprudence civile, n° 1, p. 5, note Fr. Terre et Y. Lequette.

292

RFDC, 1994, p.826, note J. Tremeau. 293

Créance entendue comme « un bien appartenant à son créancier et rattaché à son patrimoine par l‟effet d‟un droit de propriété. S. GINOSSAR, article précité, n° 13

par la négative294. Pour ces juges, une telle exclusion s‟apparente à une expropriation pour cause d‟utilité privée.

La doctrine civiliste a vivement critiqué cette conception. Marty et Reynaud295 font remarquer que « la notion de propriété ainsi appliquée à tous les droits patrimoniaux, perd toute signification précise ». A généraliser la propriété et la réduire à la notion d‟appartenance qui est d‟ailleurs une notion creuse et floue, c‟est prendre le risque de la faire disparaître. Pour eux, la propriété sur les droits sociaux visée par la Déclaration des Droits de l‟Homme et du citoyen n‟est « techniquement » pas un véritable droit de propriété. Celle-ci est beaucoup plus abstraite que celle de l‟article 544 du Code civil, définie comme « le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue »296. Cette controverse sur le droit de propriété a donné lieu à la controverse sur la nature des droits sociaux (a) et sur la qualité d‟associé (b).

a)

La nature juridique des droits sociaux

99. Certains auteurs ont pu mettre en avant la controverse fondée sur la « nature particulière »297 des droits sociaux, plus précisément l‟action, pour réfuter la théorie de l‟associé propriétaire. Selon l‟article 544 du Code civil, en tant que propriétaire, l‟associé dispose de droits réels, notamment le droit d‟en user, et d‟en jouir de la façon la plus absolue Les titres d‟associés sont des droits mobiliers qui traduisent une relation juridique entre deux personnes, l‟associé et la personne morale sociétaire. Si l‟action est expressément qualifiée de bien meuble par l‟article 529 du Code civil, une interrogation supplémentaire subsiste, en l‟occurrence, celle de savoir s‟il s‟agit d‟un meuble corporel ou incorporel. En effet, Une doctrine autorisée298, en distinguant l‟action, prise dans son sens de « titre négocium » qui serait un droit de l‟actionnaire et défini comme étant « la cause (ou) le fondement juridique du droit de l‟associé qui (…) indique tant la source du droit (…) que le mode essentiel de

294

CA Aix en Provence, 26 avril 1984, D. 1985, p. 372, note J. MESTRE ; CA Versailles 19 janv. 1989, Bull. Joly 1989, p. 327

295

G. MARTY et P. RAYNAUD, Droit civil, les biens, 3ème éd. Dalloz 1995, n° 6 296

F. LUCHAIRE, « Les fondements constitutionnels du droit civil », RTD. civ. 1982, p. 245 297

C. LARROUMET, Le Droit civil, les biens, Droits réels principaux, n° 244, p. 131, Tome 2, 4éme éd. 297

CA Paris, 15 mars 2000 Bulletin Joly Bourse, 01 juillet 2000 n° 4, P. 323, note N. RONTCHEVSKY 298

J. HEMARD, F. TERRE, et P. MABILAT, sociétés commerciales, t. 3, Dalloz 1978, n° 28 ; R. RODIERE et B. OPPETIT, Droit commercial. Groupements commerciaux, 10ème éd. Dalloz 1980, n° 294.

l‟acquisition »299

de l‟action, prise dans son sens de « titre instrumentum », entendu comme le support matériel du droit de l‟associé300, parvient à la conclusion que l‟associé serait bien propriétaire de son titre, mais seulement de son titre instrumentum. En aucun cas, il ne possède pas de droit de propriété sur le titre négocium, celui-ci étant incorporé dans le titre pris dans son acception matérielle.

La loi relative à dématérialisation des valeurs mobilières est venue démontrer la fragilité de cette conception de la propriété de l‟action fondée seulement sur sa matérialité. En effet, les valeurs mobilières ne sont plus matérialisées par un titre, mais par une inscription en compte. En supprimant le titre instrumentum, le législateur reconnaît par là même que les valeurs mobilières ne peuvent être qualifiées que de biens incorporels. Or, une doctrine majoritaire analyse cette valeur mobilière comme un droit personnel, une créance. Par conséquent, donc seule la société peut jouir du droit réel sur le fonds social. L‟associé n‟en n‟est « ni copropriétaire, ni propriétaire indivis, ni co-titulaire » 301.

Or selon une analyse contractuelle de la société, l‟actionnaire en tant qu‟apporteur est un créancier de la société, mais un créancier original parce que sa créance lui permet de participer au fonctionnement de la société.

Allant dans ce sens, quelques remarques peuvent être faites. D‟abord, concernant le débat portant sur la définition du droit de propriété, Il ne faut pas confondre les droits de l‟associé dans la société, et les droits patrimoniaux qu‟il peut exercer sur son titre. La patrimonialité des titres d‟associé suppose tout simplement un droit de libre disposition. C‟est cette patrimonialité qui autorise les opérations volontaires comme la cession des droits sociaux. Quant aux droits de l‟associé dans la société, ils peuvent être de nature politique ou pécuniaire comme le droit de vote, le droit aux bénéfices ou le droit à une indemnisation en cas de cession volontaire ou forcée.

299

Association H. CAPITANT, Voir « titre », 1er sens général 300

C‟est-à-dire « un écrit en vue de constater un acte juridique ou un acte matériel pouvant produire des effets juridiques voir Association H. CAPITANT, Voir « titre », 2nd sens général

301

J.-P GASTAUD, « Personnalité morale et droit subjectif. Essai sur l‟influence du principe de personnalité morale sur la nature et le contenu des droits des membres des groupements personnifiés », Bibl. dr. priv. T. 149, LGDJ, 1977, n° 35 et s ; Voir : CA Paris, 17 juin 1999, Rev. sociétés 1999, p. 629 ; RTD civ. 2000, p. 106, obs. J. MESTRE et B. FARGES ; RTD com 1999, p.710, obs. RONTCHEVSKY

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