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La méthode de stabilité globale

5.2.1

Principe général de la méthode

Considérons une solution stationnaire et axisymétrique des équations (5.1), (5.2) et (5.3) que l’on nommera champ de base et qui sera caractérisée par un champ de vitesseU0(r, z), un champ

de pressionP0(r, z) et une forme de surface libre définie par le niveau zéro de la fonction implicite

H0(r, z) = z− h0(r). A ce champ de base, on ajoute des perturbations infinitésimales sous forme

modale[u, p, ηz] exp [i(mθ− ωt)] telles que

 U (r, θ, z, t)P (r, θ, z, t) h(r, θ, t)   =  UP00(r, z)(r, z) h0(r)   +     u(r, z)p(r, z) ηz(r)   ei(mθ−ωt)+ c.c   , (5.6)

avec un paramètre arbitrairement petit, m le nombre d’onde azimutal et ω = ωr+iωila fréquence

complexe (ou valeur propre) du mode considéré (vecteur propre).ωrcorrespond donc à la fréquence

d’oscillation du mode etωi à son taux d’amplification. L’originalité de cette approche de stabilité

globale réside dans la prise en compte de la perturbation de la surface libre autour de sa position d’équilibre.

En insérant cette décomposition dans les équations en volume et sur la surface libre ((5.1), (5.2) et (5.3)) et après linéarisation autour de la position d’équilibre, on obtient un système d’équations linéaires. Nous utiliserons une méthode de type éléments finis pour résoudre numériquement le système linéaire ainsi obtenu. Voici les grandes lignes de la méthode utilisée :

1. construction du maillage à partir deh0(r) (logiciel libre FreeFEM++, voir Hecht (2012)).

5.2. LA MÉTHODE DE STABILITÉ GLOBALE 55 3. construction de la forme matricielle associée (FreeFEM++).

4. résolution du système linéaire sous forme matricielle par une méthode shift-invert et une méthode de projection de type Krylov-Schur (librairie SLEPc).

L’étape 1. consiste à définir un domaine de résolutionS délimité par la surface libre h0(r) associée

au champ de base ainsi que par les parois rigides du récipient. Ce domaine est ensuite discretisé en de petits éléments triangulaires pour former le maillage. Chaque sommet est associé à une valeur deu et de p tandis que les valeurs intermédiaires (c’est à dire entre deux sommets voisins) résultent d’une interpolation qui dépend du type d’élément fini choisi. Nous choisirons en général des éléments de type P 2 (interpolation quadratique) pour le champ de vitesse et de type P 1 (interpolation linéaire) pour le champ de pression4. Les sommets correspondants à la surface libre

seront également associés à une valeur deηz.

Ensuite, le problème est mis sous forme variationnelle (formulation faible) lors de l’étape 2. et des intégrations par partie permettent d’inclure les conditions aux limites appropriées. Des détails concernants la construction de la formulation variationnelle seront présentés dans les cas spécifiques oùU0(r, z)∼ reθ (resp.U0(r, z)∼ 1/reθ) en partie III (resp. en partie IV). De façon générale,

la formulation variationnelle associée au problème linéaire conduit finalement à un problème aux valeurs propres généralisé qui s’écrit

AX = ωBX , (5.7) avecX = [u, p, ηz] le vecteur propre etA et B les matrices associées au problème. Une résolution

de ce système linéaire permet ainsi d’accéder aux valeurs propresω ainsi qu’à leur mode propre associé dont la structure est caractérisée par le vecteur propreX . Le nombre de valeurs propres obtenues dépend de la taille des matrices et donc de la discretisation effectuée, cependant nous utiliserons une technique de shift-invert permettant de rechercher uniquement les solutions au voi- sinage d’un point d’intérêt particulier (dit shift ) dans le spectre, i.e l’espace (ωr, ωi).

Dans cette étude, les paramètres du problème sont le rapport d’aspecta, les nombres de Rey- nolds gravitationnel inverseC−1, de Bond Bo et de Froude F . Une fois le champ de base associé

à ces paramètres identifié, nous déterminons alors les modes d’oscillation possibles autour de cette position d’équilibre. Ces modes sont recherchés sous une forme azimutale prescrite caractérisée par le nombre d’ondem. Nous souhaitons donc obtenir une relation du type

ω =F m, a, F, C−1, Bo. (5.8) Si ωi < 0, la perturbation associée à cette valeur propre va décroître exponentiellement dans le

temps et l’on retourne donc à la position d’équilibre. Siωi = 0, le mode sera dit neutre et donc

purement oscillant à la fréquenceωr. Enfin, siωi> 0, la perturbation associée croît exponentielle-

ment dans le temps. Au final, un champ de base donné (on fixea, F, C−1 etBo) sera dit instable si il existe au moins une valeur dem pour laquelle au moins un mode est caractérisé par un taux de croissance positif. Dans le cas contraire, le champ de base étudié sera dit stable.

5.2.2

Justification de la méthode adoptée

L’étude de Bergmann et al. (2011) est principalement dédiée à la description des états quasi- axisymétriques précédant l’apparition des polygones dans certains régimes. Cet article révèle l’im- portance de ces états à travers un scénario se basant sur des résultats expérimentaux et permet donc de justifier l’approche de stabilité d’un champ de base axisymétrique adoptée ici pour expli- quer l’apparition des polygones. En particulier, il est montré dans le cas d’un triangle démouillé que l’état polygonal final peut être obtenu de plusieurs façons : en augmentant progressivement la fréquence jusqu’àf0 (fréquence pour laquelle le triangle est visualisé) ; en se plaçant àf0 et en

détruisant l’écoulement pour suivre la reformation du polygone ; en partant d’une fréquence plus grande et en la diminuant brutalement àf0. La figure 5.1 (a) montre les évolutions des compo-

santes de Fourier pour ces différentes conditions opératoires. Dans chacun des cas, on constate que la formation du motif polygonal s’effectue toujours via un état possédant une surface libre quasi-axisymétrique, l’écoulement approche cet état peu à peu et perd la symétrie de la surface libre lorsqu’il a atteint son voisinage (point hyperbolique sur la figure 5.1). La figure 5.1(b) sché- matise ce procédé de rupture de symétrie, les états du plan horizontal sont axisymétriques et ceux possédants une composante verticale brisent la symétrie de révolution. Les parcours expliqués pré- cédemment correspondent donc à une évolution dans la variété des états axisymétriques jusqu’à ce qu’un état axisymétrique particulier noté A soit atteint (figure 5.1(b)). Ensuite, soit A est stable

56 CHAPITRE 5. EQUATIONS GÉNÉRALES, MÉTHODE ET CHAMP DE BASE

Figure 5.1 – Figure extraite de Bergmann et al. (2011). (a) Evolution temporelle des coeffi- cients de Fourier relatifs aux modes m = 3 et m = 0 pour les différentes conditions initiales. (points) : augmentation de la fréquence de rotation, (croix) destruction manuelle du polygone, (cercles) diminution brutale de la fréquence de rotation. Les coefficients de Fourier sont définis tel que cm = (2π)−1R

2π 0 r(θ)e

imθdθ avec r le contour de la zone centrale, i.e. le contour de la

zone démouillée si on néglige la mince couche fluide qui peut exister entre les bras de l’éventuel polygone. (b) Représentation schématique de la rupture de symétrie. Le plan représente l’espace des états axisymétriques, le parcours noir indique différents trajets théoriques correspondant à des conditions initiales variées qui conduisent à l’état polygonal B via le champ de base axisymétrique instable A. Les lignes grises schématisent des trajets plus réalistes.

et le système demeure dans cet état stationnaire, soit A est instable comme c’est le cas pour les résultats de la figure 5.1 et une brisure de symétrie se produit pour conduire à l’état polygonal stable B. Egalement, les résultats de Bergmann et al. (2011) révèlent une croissance exponentielle lors de l’émergence du motif polygonal. Cette propriété qui caractérise le début du chemin condui- sant de A à B sur la figure 5.1, nous permettra par la suite d’établir un ordre de grandeur du taux d’amplification expérimental associé à la formation de ces motifs (chapitre 10).

Ces considérations, bien qu’elles reposent sur un cas d’observation unique et ne peuvent donc rendre compte de la formation des polygones dans le cas général, justifient l’approche adoptée au cours de ce travail, c’est-à-dire une étude de stabilité d’un champ de base axisymétrique.5 Une connaissance de ce champ de base qui s’avère être fort complexe est donc requise pour procéder à l’analyse de stabilité. La description du champ de base ainsi que sa modélisation sont les objectifs principaux de cette partie (chapitres 5 et 6).