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1.4. D EVELOPPEMENT SENSORIEL ET COGNITIF A MOYEN ET LONG TERME DE

1.5.3. La méthode « Kangourou »

Le « Kangaroo Mother Care » (KMC) est une méthode qui s’est initialement développée dans les pays pauvres pour faire face au manque de moyens financiers et au sous-équipement des hôpitaux. Elle fut développée en Colombie en 1978 par les docteur Rey et Martinez qui ont cherché à développer un procédé alternatif aux soins conventionnels donnés à des prématurés en service de néonatologie (Bloch, Lequien, & Provasi, 2003). Les

enfants prématurés qui ont atteint une stabilité physiologique, qui peuvent téter et déglutir seuls et qui n’ont plus besoin d’une assistance respiratoire peuvent bénéficier de ce programme. Le KMC possède 3 particularités. Tout d’abord, l’enfant prématuré doit être placé en peau à peau 24h / 24 avec sa mère, le père ou la grand-mère assure le relais pour des périodes transitoires. De plus, l’enfant est positionné verticalement sur le ventre de sa mère entre les 2 seins de façon à s’alimenter dès qu’il le désire, l’allaitement exclusif étant le second principe du KMC. Enfin, la sortie de l’hôpital doit être anticipée au maximum, en dépit de l’âge gestationnel et du poids de l’enfant. Cette méthode ainsi décrite est une méthode de KMC en continu, mais il existe aussi des programmes de KMC intermittents qui reprennent les mêmes principes mais sur des temps plus courts (Nyqvist et al., 2010). Cette méthode alternative est couramment appelée « soins Kangourou » ou « soins de peau à peau ». Quelle que soit la variante de la méthode KMC (continue ou intermittente), elle a pour but d’initier et maintenir la relation physique entre la mère et son enfant, ceci pour favoriser leur lien. Par conséquent, la mère prend un rôle essentiel en maintenant la température corporelle de l’enfant et en devenant la seule source d’alimentation et de stimulation.

Les effets bénéfiques du KMC ont été mis en évidence dès la période néonatale. Une première méta-analyse datant de 2003 révèle que les enfants prématurés ayant eu une intervention KMC (en continu), comparés à des enfants prématurés sans intervention, présentent des risques réduits d’infections nosocomiales, de maladie grave, de maladie pulmonaire spécifique, mais aussi une prise de poids plus importante (Conde-Agudelo, Diaz-Rossello, & Belizan, 2003) et une diminution de la durée d’hospitalisation (Charpak, Ruiz-Pelaez, Figueroa de, & Charpak, 2001). De plus, l’insatisfaction des mères face aux méthodes de soins prodigués à leur enfant est atténuée. Cependant, cette analyse ne montre aucune différence de mortalité infantile entre les 2 groupes. A l’inverse, une méta-analyse plus récente vient contredire cette dernière conclusion en mettant en évidence une baisse significative de la mortalité infantile chez les enfants (Lawn, Mwansa-Kambafwile, Horta, Barros, & Cousens, 2010). Les auteurs expliquent cette divergence par le fait que ces dernières années le KMC est utilisé de plus en plus tôt chez des enfants d’autant plus fragiles (mais cliniquement stables). C’est pourquoi leur analyse plus récente, révélerait l’impact de cette méthode KMC chez les enfants plus à risque. De plus, après une stimulation douloureuse comme la prise de sang, les enfants « KMC » présentent moins de réactions physiologiques et comportementales à la douleur. Le KMC s’avère être une bonne alternative d’intervention non pharmacologique pour soulager la douleur chez les enfants prématurés stables à partir de 30 SA (Castral, Warnock, Leite, Haas, & Scochi, 2008) et même dès 28 SA, même si chez ces enfants la diminution des réponses de douleur est

moindre (Johnston et al., 2008). Le KMC a aussi des effets bénéfiques avec des enfants qui sont plus alertes, qui présentent moins de regards de fuite (Feldman, Eidelman, Sirota, & Weller, 2002). Les mères manifestent plus d’affection envers leur enfant en lui portant plus d’attention et en le touchant plus souvent, elles apparaissent aussi moins dépressives. De plus, une autre étude montre que les enfants « KMC » ont un meilleur tonus vagal et une meilleure organisation des états veille / sommeil, avec de plus longues périodes de sommeil profond et d’éveil calme et des périodes plus courtes de sommeil agité (Feldman & Eidelman, 2003; Feldman, Weller, Sirota, & Eidelman, 2002). La méthode « kangourou » semble donc avoir un impact positif sur la maturation des systèmes autonome et circadien. Durant la période néonatale, chez les enfants « KMC », les paramètres physiologiques sont améliorés, la maturation neurocomportementale est renforcée et l’attachement parent-enfant est consolidé.

Peu d’études ont évalué les effets du KMC sur le développement à plus terme. Néanmoins des effets bénéfiques ont été mis en évidence à 3, 6 et 12 mois chez les enfants «

KMC » comparés aux enfants prématurés n’ayant eu aucune intervention particulière. À 3

mois, ces enfants présentent des seuils plus élevés d’émotions négatives, une organisation plus efficace des états d’éveil, leurs parents semblent montrer une plus grande sensibilité avec un meilleur environnement familial (Feldman, Eidelman, Sirota, & Weller, 2002; Feldman, Weller, Sirota, & Eidelman, 2002). Ces mêmes études montrent qu’à 6 mois, les enfants « KMC » explorent plus attentivement leurs jouets lors d’une session de jeu, ils ont des périodes plus longues et des latences plus courtes d’attention partagée avec la mère et ils ont également de meilleurs scores mentaux et psychomoteurs. Enfin, à 12 mois, ces enfants présentent de meilleures capacités de planification des actions, de meilleures relations sociales et un développement mental plus important, notamment chez les enfants les plus à risque de leur échantillon, c’est-à-dire ceux dont le diagnostic neurodéveloppemental était réservé à l’âge de 6 mois (Tessier et al., 2003). La méthode « Kangourou » apparaît comme une méthode prometteuse car elle possède le potentiel permettant d’intégrer les conceptions d’autorégulation, de manipulation minimale, de stimulation tactile, d’enrichissement sensoriel dans le cadre du contact physique entre parent et enfant. Cette méthode a même donné lieu à une première conférence européenne en 2008. Suite à cette conférence, les experts proposent que la non-séparation de la mère et de son enfant soit intégrée dans tous les programmes de soins post-nataux (Nyqvist et al., 2010).