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Développement intellectuel et vulnérabilité cérébrale

1.4. D EVELOPPEMENT SENSORIEL ET COGNITIF A MOYEN ET LONG TERME DE

1.4.2. Développement intellectuel et vulnérabilité cérébrale

Le développement intellectuel de l’enfant prématuré est souvent apprécié par des tests psychométriques appelés « tests d’intelligence », mesurant un Quotient Intellectuel (QI). Les déficits intellectuels (QI < 70) sont les plus communs chez les enfants prématurés avec une prévalence plus importante que les déficits moteurs, visuels ou auditifs. Le pourcentage de déficits intellectuels chez les enfants prématurés varie selon la taille de l’échantillon, les critères d’inclusion et l’âge gestationnel. Le développement intellectuel de 39 enfants prématurés (nés vers 32+4 SA) âgés de 4, 9 et 19 ans a été comparé à celui de 26 enfants nés à terme, au moyen de tests psychométriques (4 ans : échelle de développement mental de Griffith II ; 9 et 19 ans : matrices progressives de Raven colorées et standards; 19 ans : échelle d’intelligence de l’adulte de Wechsler ou WAIS) (Tideman, 2000). A 4 ans, les enfants prématurés sont dans la norme avec des performances légèrement inférieures à celles des enfants nés à terme. Ces différences disparaissent à 9 et 19 ans. Les auteurs concluent

que les prématurés sans handicap majeur se seraient donc développés normalement, bien qu’ils soient, dans cette étude, issus de niveaux socio-économiques inférieurs à ceux des enfants nés à terme. Des résultats opposés ont été apportés par Whitfield, Grunau et Holsti (1997) dans une étude portant sur 115 prématurés de très faible poids de naissance (< 800 g.) et 50 enfants nés à terme. Les QI recueillis à 9 ans (échelle d’intelligence de l’enfant de Wechsler révisée ou WISC-R) font état de différences globales au détriment des prématurés. Les différences sont notables en matière de mémoire visuelle à court terme, de coordination visuo-motrice, de décodage sémantique, de lecture et compréhension de textes écrits et d’arithmétique. Ces résultats ainsi que ceux issus de plusieurs études de cohorte indiquent que ces déficits sont inversement proportionnels à l’âge gestationnel ou au poids de naissance. Le Tableau 3 présente les résultats d’une revue faite par Arpino et ses collaborateurs (2010).

Tableau 3 Déficit intellectuel (QI < 70) stratifié selon l’âge gestationnel (GA) et le poids de naissance (BW). Revue issue de Arpino et al (2010)

(Références de toutes les études citées: Anderson & Doyle, 2003; Bohm et al., 2002; Farooqi, Hagglof, Sedin, Gothefors, & Serenius, 2006; Hack et al., 2005; Hintz, Kendrick, Vohr, Poole, & Higgins, 2005; Larroque et al., 2008; Marlow, Wolke, Bracewell, & Samara, 2005; Marret et al., 2007; Mikkola et al., 2005; Seitz et al., 2006; Shankaran et al., 2004; Vohr, Wright,

Poole, & McDonald, 2005)

Cette revue met en évidence que les déficits intellectuels iraient de 4 à 47 % selon les catégories d’âge gestationnel (de 22 à 34 SA) ou selon le poids de naissance (de 750 à 1500 g). Les différences de QI mesurées entre les enfants prématurés et à terme après ajustements

de possibles facteurs confondus tels que le bilinguisme, les mères adolescentes, le niveau d’éducation maternelle et le statut socio-économique (Stephens & Vohr, 2009) suggèrent que les facteurs environnementaux seraient impliqués dans les déficits intellectuels, mais que les perturbations du cerveau en développement sembleraient jouer un rôle clé. De manière générale, il semble que les enfants prématurés auraient davantage de difficultés à traiter plusieurs informations simultanées. Une étude a montré que les prématurés de très faible poids de naissance (< 1500 g.) ont, à 6 ans, des problèmes particuliers concernant l’intégration d’informations complexes nécessitant le raisonnement logique et les capacités d’orientation spatiale (Wolke & Meyer, 1999).

Reprenons plus en détail l’étude faite par le groupe EPIPAGE qui a beaucoup fait parler d’elle dans les médias lors de sa parution (Larroque et al., 2008). C’est une étude qui a évalué les déficits intellectuels, visuels, auditifs et moteurs chez 1817 enfants grands prématurés nés avant 33 SA et âgés de 5 ans et les a comparé à 664 enfants nés à terme. Les résultats montrent que 5 % des enfants prématurés sont atteints d’un handicap dit sévère (paralysie cérébrale non-ambulatoire, MPC9 < 55 ou déficit visuel / auditif sévère) contre moins de 1 % des enfants nés à terme, 9 % d’un handicap modéré (paralysie cérébrale avec marche aidée ou 55 < MPC < 69) contre 3 %, et 25 % d’un handicap mineur (paralysie cérébrale avec marche autonome, 70 < MPC < 84 ou déficit visuel mineur) contre 8 %. La sévérité des handicaps est négativement corrélée à l’âge gestationnel (Allen, 2008; Larroque et al., 2008). Une méta-analyse, faite sur la période 1980-2001, vient renforcer ces conclusions et met en évidence que le faible poids de naissance a aussi une influence négative sur les déficits intellectuels. De plus, elle propose des explications physiologiques issues des modèles animaux (Bhutta, Cleves, Casey, Cradock, & Anand, 2002). L’influence de l’immaturité cérébrale, de l’instabilité physiologique, de la gravité de l’état de santé de l’enfant ainsi que de l’exposition à des expériences néfastes sont autant de facteurs prédictifs de troubles cognitifs. Les enfants prématurés sont d’autant plus à risque lors qu’ils sont atteints d’hémorragies intra-ventriculaires (HIV), d’infections, de complications métaboliques (i.e. hypoglycémie) ou de maladies respiratoires. De plus, les recherches sur les modèles animaux ont montré que les interventions douloureuses multiples et la séparation maternelle ont aussi un impact négatif. L’ensemble de ces facteurs accélère la mort cellulaire programmée (ou apoptose) au niveau cérébral. Ce phénomène aboutit à une diminution du volume cérébral dans certaines régions spécifiques, diminution déjà mise en évidence dans de nombreuses études faites en neuroimagerie, qui expliquerait au moins en partie la prévalence

9MPC: Mental Processing Composite. Il s’agit une des 4 échelles issue du « Kaufman Assessment Battery for Children » (K-ABC). Cette échelle mesure les performances des processus séquentiels et simultanés afin d’évaluer globalement le fonctionnement intellectuel.

des déficits neuro-cognitifs chez les enfants prématurés (Anderson, Laurent, Woodward, & Inder, 2006; Bhutta & Anand, 2001; Narberhaus et al., 2008; Peterson et al., 2003). Ces diminutions de volume cérébral chez les enfants prématurés se produiraient principalement au niveau de la substance blanche, même chez les enfants sans lésions cérébrales (Kontis et al., 2009; Mewes et al., 2006; Tzarouchi et al., 2009).