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Bref rappel sur l’organisation anatomo-fonctionnelle du système

2.1. C ARACTERISTIQUES DU SYSTEME HAPTIQUE CHEZ L ’ ADULTE

2.1.1. Bref rappel sur l’organisation anatomo-fonctionnelle du système

système somatosensoriel humain

Nous allons présenter l’organisation du système tactile humain et voir comment les messages sensoriels sont véhiculés des récepteurs périphériques au système nerveux central. Cette description va ainsi nous permettre de mieux comprendre la distinction entre le toucher passif et le toucher actif.

2.1.1.1. Les récepteurs sensoriels

La perception manuelle tactilo-kinesthésique ou haptique résulte de l’association de la perception purement cutanée, issue de la déformation mécanique de la couche superficielle de la peau stimulée et de la perception kinesthésique, issue de la déformation des muscles, des articulations et des tendons au cours des mouvements d’exploration de la main.

Chez l’homme, la perception manuelle cutanée implique quatre types de mécanorécepteurs situés dans la peau glabre et innervés par quatre classes de fibres nerveuses afférentes périphériques. Ces mécanorécepteurs ont été catégorisés selon leur sensibilité dynamique, leur vitesse d’adaptation à un stimulus et la taille de leur champ récepteur (Johnson & Hsiao, 1992) (Figure 3). Les récepteurs impliqués dans le toucher épicritique (fin, discriminatif) sont les corpuscules de Meissner et les récepteurs de Merkel. Ce sont des récepteurs superficiels, les premiers sont innervés par des fibres à adaptation rapide de type I et les seconds par des fibres à adaptation lente de type I. Ils ont des champs récepteurs réduits et délimités et leur concentration est beaucoup plus dense sur les phalanges distales des doigts. Les récepteurs de Merkel étant sensibles à l’intensité et la durée de la stimulation, ils coderaient les caractéristiques spatiales des stimuli telles que les contours et la forme. Les récepteurs de Meissner étant des détecteurs de vitesse, ils coderaient les mouvements sur la surface de la peau. Les récepteurs impliqués dans le

toucher protopathique (grossier, non discriminatif) sont les corpuscules de Pacini et de Ruffini. Ce sont des récepteurs profonds qui ont des champs récepteurs larges et flous. Les premiers sont innervés par des fibres à adaptation rapide de type II et les seconds par des fibres à adaptation lente de type II. Les récepteurs de Pacini sont particulièrement sensibles aux vibrations et seraient impliqués dans le codage des indices temporels du stimulus alors que les récepteurs de Ruffini sont sensibles à l’étirement de la peau (Gentaz, 2000). Lors d’une perception manuelle cutanée seule, les capacités de discrimination restent limitées dans la mesure où aucun mouvement d’exploration n’est produit.

Figure 3 Les récepteurs sensoriels de la peau. Figure issue de Bear, Connors et Paradiso (2002)

La perception kinesthésique résulte de mouvements qui provoquent la déformation des récepteurs proprioceptifs. Les récepteurs proprioceptifs se situent au niveau des muscles (les fuseaux neuromusculaires), des tendons (les organes tendineux de Golgi) et des articulations (les récepteurs de Ruffini et de Pacini). Les récepteurs musculaires fournissent essentiellement des informations sur la longueur du muscle ou sur la vitesse de ce changement de longueur. Les récepteurs tendineux donnent des informations sur le niveau de tension du muscle et ses variations dans le temps. Les mécanorécepteurs des articulations renseignent sur les positions et les mouvements des membres (Gentaz, 2000).

Ainsi, lors d’un mouvement actif du sujet sur un objet, il présente une perception haptique (ou toucher actif). Lors d’une perception haptique, les informations issues des récepteurs cutanés viennent s’ajouter aux informations issues des récepteurs proprioceptifs.

2.1.1.2. Les voies de projections somesthésiques

Les informations cutanées et proprioceptives sont ensuite transmises vers le système nerveux central par deux voies ascendantes majeures, spécifiques de la modalité somatique qu’elles véhiculent. Ainsi, les informations relatives au toucher épicritique et à la proprioception sont véhiculées de la moelle épinière au cerveau par la voie dite des colonnes dorsales et du lemnisque médian. Les informations relatives au toucher protopathique ainsi qu’à la sensibilité thermique et nociceptive sont véhiculées de la moelle épinière au cerveau par la voie spinothalamique dite aussi antérolatérale ou extralemniscale. Ces deux voies se séparent dès leur entrée dans la moelle épinière.

La première véhicule plus rapidement des informations précises impliquées dans la perception fine et la sensibilité proprioceptive. Ainsi, dans la voie des colonnes dorsales et du lemnisque médian, les informations relatives au toucher épicritique et à la position des membres sont transmises via les fibres afférentes du ganglion de la racine dorsale où se situent les neurones sensoriels de 1er ordre. Les fibres projettent ensuite le long de la colonne dorsale de la moelle épinière et font synapse avec les neurones des noyaux des colonnes dorsales dans la partie caudale du bulbe où se situent les neurones sensoriels de 2ème ordre. Les axones issus des noyaux des colonnes dorsales prennent ensuite la direction de la partie ventrale et médiane du bulbe puis décussent10. Ces axones se regroupent au niveau d’un faisceau de fibres très dense : le lemnisque médian. Celui-ci traverse le bulbe, le pont et le mésencéphale pour se terminer dans le noyau ventro-postéro-latéral (VPL) du thalamus au niveau des neurones sensoriels de 3ème ordre. Les neurones du VPL envoient des projections vers les cortex somatosensoriels primaire et secondaire. Il existe également des projections sur le cortex moteur permettant les sensations de positions et de mouvements des segments corporels, en dehors de tout contrôle visuel.

La seconde voie est relative à des informations très variées et véhiculées plus lentement. La transmission des informations relatives au toucher protopathique mais également relatives à la douleur et à la température est assurée par la voie spinothalamique ou extralemniscale. Dans cette voie, les axones des racines dorsales (neurones de 1er ordre) font synapse au niveau de la corne dorsale au niveau de la moelle épinière. Les axones des neurones de 2ème ordre décussent alors au niveau de la moelle, empruntent le faisceau spinothalamique qui se situe au niveau de la région ventrale de la moelle épinière et atteignent le thalamus (noyaux intra-laminaires et VPL) en traversant le bulbe, le pont et le

mésencéphale sans y faire relais. Les axones de 3ème ordre venant du thalamus projettent ensuite sur les cortex somesthésiques primaire et secondaire (Gentaz, 2000).

2.1.1.3. Le cortex somatosensoriel

Le cortex somatosensoriel, localisé dans la partie antérieure du lobe pariétal, reçoit toutes les informations somesthésiques. Il est divisé en deux parties : le cortex somatosensoriel primaire (SI) qui se situe dans le gyrus postcentral et le cortex somatosensoriel secondaire (SII) qui s’étend latéralement par rapport à SI dans l’opercule pariétal et le cortex pariétal postérieur juste en arrière de SI (Figure 4).

Sillon central

Cortex somatosensoriel primaire (S1) (aires 1, 2, 3a, 3b) Cortex pariétal postérieur (aires 5,7) Cortex somatosensoriel secondaire (S2) Sillon central Gyrus postcentral

Figure 4 Le cortex somatosensoriel : ensemble des aires somatosensorielles situeés dans le lobe pariétal et découpage du cortex somesthésique primaire en 4 aires de Brodmann. Figure issue de Bear, Connors

et Paradiso (2002)

Le cortex somatosensoriel primaire regroupe les aires de Brodmann 1, 2, 3a et 3b qui ont des spécialisations différentes. Chez le primate, des études neurophysiologiques ont mis en évidence que l’aire 3a contient principalement des neurones activés par la stimulation des récepteurs musculaires, les aires 3b et 1 reçoivent essentiellement des afférences cutanées et sont principalement activées par des stimulations cutanées légères. Enfin, les neurones de

l’aire 2 sont activés par des stimulations cutanées profondes et proprioceptives articulaires (Iwamura, Tanaka, Sakamoto, & Hikosaka, 1993; Kaas, 1993).

Mais la perception haptique n’est pas du simple fait du cortex somatosensoriel. Le cortex somatosensoriel est fortement interconnecté avec d’autres structures ou aires cérébrales (Figure 5). Ces connexions lient le système sensoriel et le système moteur pour former le système sensori-moteur. Ainsi la perception haptique met en jeu de nombreuses aires cérébrales comme l’aire motrice primaire, les aires prémotrices et pariétales postérieures, le cortex préfrontal et le système limbique.

Complexe amygdale-hippocampe

Aires temporales

Cortex préfrontal

Aires prémotrices

Cervelet

Aire motrice primaire

Système limbique

Aires visuelles

Aire pariétales postérieures

Aire somesthésique primaire Aire somesthésique secondaire

Thalamus

Sorties motrices Entrées sensorielles

cutanées et proprioceptives Complexe amygdale-hippocampe Aires temporales Cortex préfrontal Aires prémotrices Cervelet

Aire motrice primaire

Système limbique

Aires visuelles

Aire pariétales postérieures

Aire somesthésique primaire Aire somesthésique secondaire

Thalamus

Sorties motrices Entrées sensorielles

cutanées et proprioceptives

Figure 5 Schéma simplifié illustrant les principales connexions entre les différentes structures cérébrales impliquées dans la perception haptique. Figure adaptée de Gentaz (2003)

2.1.1.4. Communication inter-hémisphérique

La communication inter-hémisphérique est importante pour une intégration cohérente des informations (Doron & Gazzaniga, 2008). Les deux hémisphères cérébraux sont reliés entre eux grâce à quatre commissures inter-hémisphériques : le corps calleux, le fornix, la commissure antérieure et la commissure postérieure. La perception haptique doit donc être considérée à un niveau intra mais aussi inter-hémisphérique, où le corps calleux est

impliqué dans le transfert d’informations tactiles. Le corps calleux est une commissure télencéphalique transversale (faisceau d'axones) interconnectant les deux hémisphères cérébraux. La fonction principale du corps calleux est de relier les aires corticales homologues entre elles et ainsi permettre l’intégration inter-hémisphérique et le transfert d’informations (Bloom & Hynd, 2005; pour une revue, Gazzaniga, 2000). C'est la plus importante commissure du cerveau car elle relie les quatre lobes du cerveau entre eux (lobes frontaux, temporaux, pariétaux et occipitaux gauches et droits) selon une organisation topographique. Les fibres antérieures qui relient les lobes frontaux sont impliquées dans le transfert des informations motrices, tandis que les fibres postérieures qui relient les lobes temporaux, pariétaux et occipitaux sont impliquées dans l’intégration des informations somatosensorielles, auditives et visuelles (Fabri et al., 2005).

Après avoir présenté le premier acteur du traitement des propriétés de l’objet, à savoir l'organe récepteur par lequel transite l'information, nous allons nous intéresser au second acteur qui est le stimulus. Quelles sont ses spécificités ?